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Christiane Taubira sous pression dans l'affaire des écoutes

Christiane Taubira, ici après son entretien avec François Hollande à l'Elysée, dit jeudi n'avoir pas le sentiment d'être lâchée par le gouvernement malgré les critiques nées de ses explications alambiquées sur les écoutes de Nicolas Sarkozy. /Photo prise le 13 mars 2014REUTERS/Jacky Naegelen

PARIS (Reuters) - François Hollande s'est entretenu jeudi avec la ministre de la Justice, Christiane Taubira, qui dit n'avoir pas le sentiment d'être lâchée par le gouvernement malgré les critiques nées de ses explications alambiquées sur les écoutes de Nicolas Sarkozy. "Comment ça s'est passé Mme la ministre ?", lui ont demandé des journalistes à sa sortie de l'Elysée, au bout de 50 minutes. "A me désespérer, à m'abattre!", a répondu dans un grand sourire Christiane Taubira avant de repartir à vélo. L'Elysée a fait de cette rencontre un sobre compte rendu. "Le président l'a reçue, comme cela était prévu depuis vendredi dans l'agenda, pour une réunion de travail sur des dossiers importants de son ministère", a-t-on rapporté. A la question de savoir si François Hollande avait renouvelé sa confiance à la garde des Sceaux, l'entourage de cette dernière a répondu qu'il n'avait "même pas eu à le faire car ce n'était absolument pas le sujet de cette réunion". Dans un entretien publié plus tôt dans la journée par Lemonde.fr, Christiane Taubira disait avoir la confiance du chef du gouvernement, Jean-Marc Ayrault, tout en balayant les accusations de mensonges de la droite. "EFFARÉE" Devant les caméras de TV5 Monde, la ministre s'est déclarée effarée" par la tournure prise par des évènements censés n'embarrasser au départ que l'ancien président Nicolas Sarkozy et ses proches, objets d'écoutes téléphoniques dans le cadre d'une enquête judiciaire. "En fait c'est l'opposition qui fait les lignes éditoriales, c'est extraordinaire à constater", a-t-elle fait observer. La garde des Sceaux, qui disait ne pas avoir d'informations sur le contenu de la procédure visant l'ancien chef de l'Etat, a brandi imprudemment mercredi lors d'une conférence de presse des documents prouvant selon elle sa bonne foi qui ont été photographiés et publiés par Le Monde. Or, ces courriers montrent que le procureur national financier et le parquet général donnent bien la substance des écoutes, même s'il n'y a pas d'extraits, ni la date à laquelle elles ont été décidées. Considérant que Christiane Taubira a menti une nouvelle fois mercredi, le président de l'UMP, Jean-François Copé, a jugé inéluctable la démission de la ministre de la Justice. "A partir de combien de mensonges doit-on considérer que Taubira ne peut plus exercer sereinement ses fonctions ?", a-t-il dit sur RTL, accusant aussi Jean-Marc Ayrault et le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, d'avoir menti. Invitée du Grand Journal sur Canal + jeudi soir, Christiane Taubira a une nouvelle fois affirmé n'avoir jamais menti tout en admettant s'être "trompée de dates". Dans son interview au Monde, Christiane Taubira répète qu'elle n'entend pas démissionner et qu'elle ne connaissait pas le contenu des interceptions, qui se bornent, selon elle, à expliquer les motifs pour lesquels une information est ouverte. "A quoi cela m'avance-t-il de savoir que Nicolas Sarkozy se fait appeler Paul Bismuth ? Cela donne de quoi apprécier l'opportunité de l'écoute ?" demande-t-elle. MANQUE DE COORDINATION Ironisant sur les accusations d'espionnage politique portées par la droite, l'ancienne élue de Guyane ajoute : "J'ai beau être une sorcière d'Amazonie, il y a des limites à mon pouvoir." Membre populaire du gouvernement avant cette affaire, Christiane Taubira pense avoir le soutien de Jean-Marc Ayrault, qui l'avait pourtant contredite mardi en convenant que l'exécutif avait été informé des écoutes de Nicolas Sarkozy le 26 février, alors qu'elle disait l'avoir appris par la presse. "Le Premier ministre ne me dément pas. Il dément ce que hurle la droite. Je n'ai aucun sentiment de lâchage", dit-elle, tout en déplorant un manque de coordination de l'exécutif. "Nous n'en serions pas là si nous avions calé quelque chose. Certains récitent des éléments de langage. Pour ma part, je réponds aux questions, à mon détriment d'ailleurs", dit-elle. Plusieurs dirigeants socialistes, dont le président du groupe PS à l'Assemblée, Bruno Le Roux, ont concédé tout au plus jeudi matin une "maladresse" de la part de la garde des Sceaux. Bruno Le Roux est aussi venu à la rescousse de Manuel Valls, qui maintient avoir appris l'affaire par la presse au grand étonnement d'ex-responsables policiers ou d'anciens ministres de l'Intérieur. "Je n'ai aucune raison de ne pas croire Manuel Valls", a-t-il dit, jugeant ce fait "normal et rassurant". Le ministre du Travail, Michel Sapin, s'en est pris à Nicolas Sarkozy, en lequel il voit un "pervers". "Ce n'est pas parce que Nicolas Sarkozy adorait avoir toutes les écoutes possibles sur son bureau que tous les ministres de l'Intérieur (sont) aussi pervers que lui", a-t-il dit sur Europe 1. (Gérard Bon, Elizabeth Pineau et Chine Labbé, édité par Marine Pennetier)