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Pourquoi la candidature de Christiane Taubira crispe la gauche ?

La candidature de Christiane Taubira pour la prochaine élection présidentielle divise encore un peu plus la gauche.

Suite à l'annonce de la candidature de Christiane Taubira pour la prochaine élection présidentielle, de nombreux candidats de gauche ont exprimé leur incompréhension et ont critiqué l'ancienne garde des Sceaux. Explications.

C'est une candidature qui fait l'unanimité, mais contre la principale intéressée. Samedi 15 janvier, Christiane Taubira a officialisé sa candidature pour la prochaine élection présidentielle. Après Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot, Anne Hidalgo, Anna Agueb-Porterie, Pierre Larrouturou et Charlotte Marchandise, l'ex-garde des Sceaux est la 7e candidate de gauche à participer à la Primaire populaire prévue du 27 au 30 janvier dans le but d'avoir un candidat unique à gauche en avril prochain.

Alors que Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot et Anne Hidalgo ont annoncé ne pas être favorables à cette Primaire populaire, Christiane Taubira a promis de s'y rallier, divisant encore un peu plus une gauche déjà bien affaiblie. L'annonce de cette candidature n'a pas manqué de faire réagir les différents acteurs de gauche qui critiquent l'ancienne membre du gouvernement de François Hollande.

Un mauvais souvenir de 2002

Anne Hidalgo a évoqué une "mauvaise nouvelle" en vue de l'union de la gauche mais critique également le timing de cette candidature : "C'est une candidature de plus, c'est une mauvaise nouvelle pour celle et ceux qui cherchent l'union de la gauche, qui cherchent à rassembler. [...] Chacun peut être candidat comme il l'entend, mais arriver si tard avec une proposition qui ajoute une candidature, je crois que pas grand monde ne comprend aujourd'hui", a indiqué la maire de Paris sur BFM TV.

Dans un entretien accordé au JDD, elle se targue d'être une "bâtisseuse" contrairement à Christiane Taubira qu'elle juge comme une candidate providentielle qui "va encore séparer, diviser et créer de la confusion". Lors de l'élection présidentielle 2002, Christiane Taubira s'était présentée comme candidate à l'Élysée avec le soutien du Parti radical de gauche (PRG) et était arrivée 13e avec 2,32% des suffrages. À l'époque, beaucoup l'ont tenu responsable de l'échec de Lionel Jospin au premier tour. "Si Taubira ne s'était pas présentée, Le Pen ne serait pas au second tour", disait-on au PS. Si les voix récoltées par Christiane Taubira étaient revenues à Lionel Jospin, ce dernier aurait en effet récolté plus de voix que Jean-Marie Le Pen au premier tour... Une énorme désillusion dont se passerait bien la gauche 20 ans plus tard.

Un bilan qui dérange

Les arguments de Yannick Jadot sont tout autre. Le candidat EELV n'évoque pas cette candidature tardive ou la division de la gauche, mais fustige le bilan de la candidate qui a été au gouvernement et s'en prend à la "vieille gauche". "Il y a une gauche qui règle ses comptes sur le quinquennat Hollande. Toutes celles et ceux qui réclament la crédibilité d'avoir géré devraient s'interroger sur leur bilan."

Si Christiane Taubira est à l'origine du mariage pour tous et qu'elle a été remarquée pour son discours émouvant à l'Assemblée nationale, notamment sur la capacité des couples homosexuels à adopter, cette loi de 2013 ne favorise pas la maternité et la paternité pour les couples homosexuels. La PMA pour toutes les femmes n'a par exemple été autorisée que très récemment alors qu'elle était une promesse du gouvernement Hollande. De nombreuses personnes, dont certains de ses soutiens, jugent ce texte incomplet.

Lors de son passage place Vendôme, de 2012 à 2016, Christiane Taubira a échoué à lutter contre la surpopulation carcérale, avec une augmentation du nombre de détenus. Elle n'a pas non plus tenu certains engagements du candidat Hollande comme la réforme de la justice des mineurs, le statut pénal du chef de l'État, ou encore la suppression de la Cour de justice de la République, cette juridiction pour les membres du gouvernement ayant commis des infractions.

Si l'ex-députée française et européenne s'est rendue à l'hôpital de Vierzon (Cher) au mois de décembre pour montrer sous soutien aux soignants et écouter les revendications des syndicats, plusieurs militants LFI l'ont interpellé pour lui rappeler son silence sur la situation déjà difficile des hôpitaux lorsqu'elle était au gouvernement.

Un nom plus qu'un programme, selon Mélenchon

Le mois dernier, lorsque le nom de Christiane Taubira a commencé à être évoqué en tant que potentielle candidate à la présidence de la République, Jean-Luc Mélenchon critiquait cette éventualité en taclant l'ex-ministre de la Justice. "On ne gagne pas les élections sur un nom mais sur un programme", avait-il indiqué, en faisant référence à la popularité et à l'aura de la Guyanaise. Comme Anne Hidalgo, il n'a pas manqué de souligner l'arrivée tardive dans la course à l'Élysée. "On ne prend pas le peuple par surprise trois mois avant une élection", avait-il déclaré.

Dans son discours immersif à Nantes, le leader de La France insoumise a mis en avant les "disputes internes" du "centre gauche" et les a également accusés à mi-mot d'un manque de préparation. "Quel est le sérieux de gens qui prétendent être une force gouvernementale et qui, 90 jours avant l'élection n'ont aucune certitude ni sur le candidat ni sur le programme ?" Selon lui, la gauche n'a pas besoin d'union mais de "clarté".

Alors que Christiane Taubira souhaite rassembler la gauche, sa nouvelle candidature semble pour l'instant provoquer l'effet inverse au sein d'une gauche plus divisée que jamais à moins de trois mois du premier tour de l'élection présidentielle.

VIDÉO - Présidentielle en France : Christiane Taubira officialise sa candidature