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Christiane Taubira exclut de démissionner

Christiane Taubira a déclaré mercredi qu'elle ne démissionnerait pas de son poste de ministre de la Justice, comme le demande l'opposition, puisqu'elle n'a pas menti au sujet de sa connaissance des écoutes de Nicolas Sarkozy. /Photo prise le 12 mars 2014/REUTERS/Philippe Wojazer

PARIS (Reuters) - Christiane Taubira a écarté mercredi toute idée de démission de son poste de ministre de la Justice, comme le réclame l'opposition, assurant ne pas avoir menti au sujet de sa connaissance des écoutes de Nicolas Sarkozy. Le président de l'UMP, Jean-François Copé, accuse la garde des Sceaux d'avoir menti en affirmant sur le plateau de TF1 n'avoir été informée que vendredi dernier du placement sur écoutes de l'ancien chef de l'Etat. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a reconnu mardi que Christiane Taubira et lui-même avaient été informés de ces écoutes peu après l'ouverture d'une information judiciaire le 26 février. Il a apporté mercredi son soutien à sa ministre, estimant qu'elle avait "sa place au gouvernement." "Non je ne démissionne pas (...) Non je n'ai pas menti", a déclaré Christiane Taubira, prenant la parole lors du compte rendu du conseil des ministres habituellement orchestré par la porte-parole du gouvernement. "Je n'ai pas (eu) et je n'ai toujours pas d'information concernant la date, la durée, le contenu des interceptions judiciaires", a-t-elle ajouté. Mis à mal par la succession d'affaires visant l'UMP et l'ancien chef de l'Etat, les ténors de l'opposition ont lancé une contre-attaque en règle en accusant l'exécutif de s'être livré à un "espionnage politique" à de fins partisanes. "La garde des Sceaux a menti, dans ce contexte il n'est pas possible qu'elle reste en fonction", a déclaré Jean-François Copé à des journalistes. "Sa démission face à ce mensonge est inéluctable." Tout en reconnaissant un "malentendu", Christiane Taubira a nié tout mensonge et s'est dite "interloquée" par les accusations de l'opposition. "Il y a des personnes qui n'arrivent pas à concevoir que la justice fonctionne et qu'elle soit indépendante", a-t-elle dit, ajoutant ne pas avoir disposé de "synthèses d'écoutes". Jean-Marc Ayrault a dénoncé de son côté une "opération d'enfumage de professionnels de la désinformation". Christiane Taubira a précisé avoir été informée le 28 février par la direction des affaires criminelles et des grâces de l'ouverture d'une information judiciaire pour trafic d'influence à la suite de l'interception de conversations entre Nicolas Sarkozy et son avocat. Elle a affirmé en avoir informé le seul Premier ministre, alors que l'opposition doute qu'elle n'ait pas évoqué le sujet avec le ministre de l'Intérieur Manuel Valls et le président François Hollande. RÉFORME CONSTITUTIONNELLE Le président de l'UMP, qui soupçonne un "mensonge de l'exécutif", a demandé que soit rendue publique la note qui lui a été transmise. La ministre l'a brandie mercredi devant la presse pour en montrer la concision. Dans cette note, "on informe sur l'existence d'une information qu'on ouvre, sur les qualifications, et puis on donne un certain nombre d'éléments qui permettent de comprendre quelle est l'origine de l'information", a précisé sur Europe 1 le procureur général de Paris, François Falletti. Les juges ont placé deux téléphones utilisés par Nicolas Sarkozy sur écoute les 3 et 19 septembre 2013, sur ordonnance des juges enquêtant sur les accusations de financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, a indiqué mercredi à Reuters le parquet national financier. En revanche, les lignes téléphoniques de son avocat, Me Thierry Herzog, "n'ont jamais été interceptée", a-t-il poursuivi, l'avocat ayant été écouté de manière incidente lors des conversations avec l'ex-chef de l'Etat. Christiane Taubira, qui a dit se réjouir de ne pas avoir été informée du contenu des écoutes incriminées, y voyant le signe de l'indépendance de la justice, a annoncé que le projet de réforme constitutionnelle sur l'indépendance du ministère public serait de nouveau présenté au Parlement. Un projet dont Christophe Régnard, président de l'Union syndicale des magistrats, majoritaire, entend s'entretenir avec François Hollande, avec qui il a sollicité un rendez-vous. "La droite a voté contre la réforme constitutionnelle. S'ils veulent l'indépendance de la justice, je leur dis chiche", a-t-il dit à Reuters. De leur côté, les avocats, qui ne décolèrent pas contre de présumés excès de pouvoir des juges, attendent un renforcement de la loi sur la protection du secret professionnel qui encadre leurs échanges avec leurs clients. "Les écoutes par ricochet doivent être encadrées", estime ainsi Jean-Marie Burguburu, président du conseil national des barreaux. Il faut "dire par écrit que les conversations surprises entre un client et son avocat ne pourront en aucun cas servir de base à des poursuites." (Chine Labbé avec Gérard Bon et Jean-Baptiste Vey, édité par Yves Clarisse)