Taubira, en meeting à Bordeaux, suscite plus d'espoir qu'Hidalgo

POLITIQUE - Devant l’icône, on veut croire aux miracles. À Bordeaux, salle de la Faïencerie, la foule se presse devant l’entrée dès 18h00. Ce soir-là, jeudi 27 janvier, l’ex-garde des Sceaux Christiane Taubira donne sa première réunion publique. Devant elle, une grande proportion de jeunes. La candidate à l’élection présidentielle 2022 est attendue avec impatience sous les applaudissements.

La ferveur monte, soigneusement entretenue par son équipe de campagne qui joue les chauffeuses de salle. “Taubira présidente!”, “Y’a du soleil et Taubira, darladirladada!” scande-t-on entre deux olas. “J’irai où Taubira, mon pays sera toi!”, peut-on lire sur des pancartes. Pour celle qui est donnée favorite du scrutin de la primaire populaire, l’ambiance est plus enthousiaste et la moyenne d’âge plus jeune qu’au dernier meeting de sa concurrente Anne Hidalgo, à Aubervilliers samedi dernier.

À soixante-quatorze jours du premier tour de la présidentielle et à trois jours du résultat de la Primaire populaire, peu de doute sur qui remporte la guerre des images entre les deux femmes de gauche, créditée à 3,5% (Taubira) et 3% (Hidalgo), dans le tout dernier sondage Ifop-Fiducial sorti le 26 janvier.

“Assis debout”

Selon les organisateurs, 700 personnes - soit 100 de plus que la jauge maximale - étaient présentes et certaines n’ont pas pu rentrer dans la salle. Si 400 d’entre elles ont pu s’asseoir, pour les autres, il a fallu rester debout pendant la grosse heure et demi qu’a duré le meeting. Certains étaient assis à même le sol, quand d’autres avaient pris place sur le bar ou sur des rambardes.

C’était à peu près le même nombre de personnes qu’Anne Hidalgo avait rassemblé quelques jours plus tôt en Seine-saint-Denis (93). Mais dans sa salle aux 1200 places assises, ses militants avaient l’air bien plus disparate. Plus âgé aussi. Et moins enthousiaste. Il faut dire que ce jeudi soir la jeune équipe de campagne de Christine Taubira a su mettre à profit ses talents de communication.

Pancartes au premier meeting de Taubira, à Bordeaux jeudi 27 janvier 2022. (Photo: HuffPost/Hortense de Montalivet)
Pancartes au premier meeting de Taubira, à Bordeaux jeudi 27 janvier 2022. (Photo: HuffPost/Hortense de Montalivet)

L’idole des jeunes

Quand la candidate déclarée mi-janvier arrive enfin, ça serre des mains, ça étreint, ça met la main sur le cœur en traversant une des allées qui mènent jusqu’au pupitre. Telle une idole des jeunes. “Je viens jusqu’à vous, je passe des heures avec vous, je vous picore, je vous butine, je vous aspire, je vous inspire”, susurre l’ancienne ministre. Christiane Taubira joue la proximité et elle adore ça.

Dans le public, ça fonctionne. Certains jeunes l’appellent déjà “Christiane” et veulent s’engager dans sa campagne. Les smartphones dernier cri s’agitent. Les doigts sont agiles. En un tour de main, l’image de celle que certains voient comme un espoir pour l’union de la gauche arrive sur Snapchat, TikTok et Instagram.

En remontant la foule selon un itinéraire savamment orchestré, l’ancienne députée de Guyane est alpaguée. On veut lui parler, se prendre en photo avec elle. Ça fait des selfies, les yeux remplis de gratitude au-dessus du masque. Sous les objectifs de la meute de journalistes, l’ex-garde des Sceaux pose comme une alternative pour ce jeune public. Pour beaucoup c’est leur premier meeting. “C’est une candidate pour les jeunes!”, s’exclame Alisson à l’issue du meeting, “ses idées sont modernes et nous parlent plus que celles des autres candidats”, continue-t-elle.

“On est venus avec une bande d’amis”, nous raconte Flavie. “Je ne pensais pas voir autant de jeunes”, confie Matteo qui fait des vidéos politiques sur TikTok. “L’engouement qu’il y a autour d’elle, c’est assez impressionnant en fait”, s’exclame Olga. “Elle est suscite un espoir qu’Hidalgo inspire moins”, compare Camille.

Christiane Taubira et un jeune sympathisant posant pour un selfie à l'issue du meeting. (Photo: HuffPost/Hortense de Montalivet)
Christiane Taubira et un jeune sympathisant posant pour un selfie à l'issue du meeting. (Photo: HuffPost/Hortense de Montalivet)

Ne demandez pas le programme

Certains ont dû sortir légèrement déçus toutefois. Ceux qui voulaient en savoir plus sur son programme par exemple peuvent repasser. “Il n’y a pas eu beaucoup de choses concrètes...Donc ça, ça me titille un peu”, avoue Flavie. Si l’ex-ministre ne s’est pas embarrassée de propositions concrètes et précises, elle s’est en revanche vivement attaquée au bilan d’Emmanuel Macron. “Je veux être la candidate de celles et ceux à qui on dit qu’ils ne sont rien, […] de celles et ceux qui galèrent à s’offrir un costume, de celles et ceux qui traversent la rue et ne trouvent rien”, pique-t-elle. Et de conclure sous les applaudissements: “Nous n’avons pas le droit de permettre 5 ans de plus”.

Dans un discours dont elle a musclé l’aspect social -en apparence du moins-elle évoque tour à tour le sort des soignants, des migrants, des étudiants, des livreurs, des chauffeurs VTC, des mères célibataires, des agriculteurs, de habitants de logements insalubres...Elle veut “réparer les vivants”. “C’est utopiste, j’aime bien”, sourit Flavie, envoûtée malgré tout par l’éloquence de la candidate qui murmure à l’oreille des jeunes.

Camille, animatrice fédérale aux Jeunes socialistes de Gironde rêve: ”c’est l’espoir que ces cinq prochaines années puissent enfin avoir un vrai programme social, écologique, qui met tout le monde à l’honneur et qui n’oublie personne”. Dans la salle, on retrouve des écologistes qui votent Yannick Jadot, des abstentionnistes, des anciens encartés macronistes, quelques-uns d’extrême gauche. Un espoir utopiste d’union de la gauche persiste. “C’est perdu d’avance, mais il y a encore du rêve pendant trois semaines”, avoue Bruno. Avant de conclure soudainement, dans un sursaut de réveil brutal: “C’est désespéré et désespérant”.

Deux jours auparavant, Jean-Luc Mélenchon, à Bordeaux lui aussi, avait également eu le droit à l’enthousiasme de centaines de sympathisants trop nombreux pour entrer dans la salle. Pour l’instant, avec 9% des voix selon le dernier sondage Ifop-Fiducial, le candidat Insoumis semble le plus à même de faire entendre une voix à gauche. Loin derrière Emmanuel Macron et loin derrière la droite.

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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