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Chili : qui est le progressiste Gabriel Boric, élu président à 35 ans en battant l'extrême-droite?

Avec un score de 56% des suffrages exprimés en sa faveur, le candidat de la gauche progressiste âgé de 35 ans a accédé dans la nuit de ce dimanche à lundi à la tête du pays sud-américain. Ancien leader étudiant et visage du soulèvement social de 2019, le nouveau chef d'Etat vise à établir un Etat-Providence dans le pays.

Gabriel Boric est un homme pressé. Leader étudiant, député à 27 ans, président à 35: il fait souffler un vent de jeunesse sur la politique chilienne. Depuis les bancs de l'université de droit à Santiago, ce millenial à la barbe épaisse aspire à transformer radicalement son pays.

"Si le Chili a été le berceau du néolibéralisme en Amérique latine, il sera aussi son tombeau", avait-il déclaré lors de sa proclamation de candidature.

Depuis, le ton s'est modéré, et il expliquait à l'AFP vouloir instaurer au Chili "quelque chose qui, en Europe, parait assez évident: garantir un Etat-providence afin que chacun ait les mêmes droits, quel que soit l'argent qu'il a dans son portefeuille".

Il a construit sa critique de la démocratie dans laquelle il a grandi et qui a perpétué un modèle économique établi sous la dictature (1973-1990), faisant du Chili le pays le plus inégalitaire de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), avec une classe moyenne endettée pour pouvoir payer les frais d'éducation, de santé et une retraite privée.

Gabriel Boric incarne ainsi l'héritage politique du soulèvement social de 2019 pour une société plus juste qui a remis en question "le modèle de développement et a demandé pourquoi ce que nous pensions être des droits sociaux était privatisé, pourquoi l'éducation était un privilège et non un droit, pourquoi il y avait des soins de santé pour les riches et les pauvres, pourquoi les retraites étaient un business".

"Soyons réalistes, exigeons l'impossible"

En couple avec une politologue, sans enfant, il est originaire de l'extrême sud du Chili, de Punta Arenas, l'une des villes les plus australes du monde considérée comme la porte de l'Antarctique, sur les rives des eaux glacées du détroit de Magellan.

Il a grandi aux côtés de ses deux frères cadets dans une famille sympathisante des partis socialiste et démocrate-chrétien, et a étudié à la British School de sa ville avant de rejoindre l'université de Santiago, où il n'a pas fini son cursus diplômant.

Son père, Luis Boric, un ancien ingénieur-chimiste de 75 ans, raconte que son fils a commencé à forger ses idéaux politiques dès son plus jeune âge avec les messages "soyons réalistes, exigeons l'impossible" ou "la raison fait la force" peints sur le mur de sa chambre.

Sa mère dit avoir toujours été "opposée aux responsabilités" qu'il prenait à la faculté de peur qu'il ne rate ses études. Entre les années 2011 et 2012, Gabriel Boric est devenu président de la Fédération des étudiants de l'université du Chili (FECH) lors du grand mouvement étudiant réclamant une réforme du système éducatif, essentiellement privé.

En 2013, il a utilisé la maison familiale comme quartier général de campagne pour son premier combat législatif, rassemblant amis et bénévoles, et remporté l'année suivante le siège de député de la région de Magallanes.

Le cyprès, symbole de la campagne d'un rêveur

Cette victoire a changé la vision de sa mère: "Je me suis rendu compte que pour Gabriel, c'était un apostolat et j'ai arrêté de me battre (...) je voulais une vie plus confortable, plus classique" pour lui, dit Maria Soledad Font.

"Son honnêteté et sa transparence, son ouverture au dialogue, sont deux des plus grandes vertus de Gabriel, et chez un futur président pour le Chili, c'est crucial", dit de lui son frère Simon Boric, un journaliste de 33 ans.

Dès son plus jeune âge, Gabriel Boric a eu un grand amour des livres et tissé aussi un lien très fort avec ses racines à Punta Arenas, la ville qui au début du XXe siècle a accueilli ses aïeux migrants, croates et catalans.

"Ca me détend de lire beaucoup", dit l'homme au bras tatoué d'un phare éclairant une île déserte. "Je viens du sud de la Patagonie, là où le monde commence, là où toutes les histoires et l'imagination se rejoignent, dans le détroit de Magellan, qui a inspiré tant de beaux romans".

Lors de sa campagne victorieuse de la primaire à gauche, il a grimpé face aux caméras sur un énorme cyprès, comme il le faisait lorsqu'il était enfant. Cette image est devenue le symbole de sa campagne.

"Il s'y isolait, ce pouvait être avec un livre, pour réfléchir ou méditer", raconte son père.

Une grande réforme fiscale visant les plus riches

Le grand chantier de Gabriel Boric est ainsi l'édification d'un Etat-providence, un changement des plus ambitieux pour le Chili, considéré comme un laboratoire du néolibéralisme sur le continent sud-américain.

Le nouveau chef de l'exécutif chilien entend également promouvoir une grande réforme fiscale pour faire participer les plus riches - dont les 1% des Chiliens détenant 26,5% des richesses, selon une agence de l'ONU - à son programme de meilleur accès à la santé, à l'éducation et à la création d'un nouveau système de retraite, aujourd'hui entièrement privé.

Les facettes de programme ont fait rallier à sa cause les classes moyenne et supérieure, essentiellement à Santiago. Le second tour de cette élection présidentielle opposait Gabriel Boric au candidat issu de l'extrême droite, José Antonio Kast.

La participation au suffrage présidentiel, organisé ce dimanche, approche les 55%, un plus haut historique depuis que le vote n'est plus obligatoire en 2012.

Article original publié sur BFMTV.com

VIDÉO - Chili : le candidat de gauche, Gabriel Boric, remporte la présidentielle