Chevaux mutilés: les haras allemands et britanniques ont vécu la même psychose dans les années 90

Photo d'illustration  - FRANCK FIFE
Photo d'illustration - FRANCK FIFE

Une étrange série de morts violentes de chevaux mutilés créé la psychose dans les haras français. Egorgés, attaqués à l'acide, l’oeil arraché, le coeur poignardé, l’appareil génital amputé… Les blessures des équidés sont diverses mais l’une d’entre elles revient systématiquement: leur oreille droite est coupée.

De la Moselle à la Vendée en passant par l’Aisne ou encore la Seine-Maritime, une quinzaine d’enquêtes sont en cours, menées par les gendarmeries locales qui envisagent plusieurs hypothèses pour expliquer ces actes de cruauté. Satanisme, défi macabre, activités sectaires, tueur en série? Les enquêteurs n’excluent aucune piste et cherchent à savoir si ces faits ont été commis par un ou plusieurs individus ayant ou non des liens entre eux.

160 chevaux mutilés en 10 ans au Royaume-Uni

Pour l’heure, le mystère reste entier et fait tristement écho à une même série de mutilations apparue dans les années 1980 au Royaume-Uni. C’est dans le Hampshire, à une centaine de kilomètres au sud-ouest de Londres, que tout à commencé. En 1983, plusieurs propriétaires d’équidés retrouvent leurs animaux estropiés, principalement au niveau de l’appareil génital.

Durant 10 ans, ces attaques demeurent erratiques mais tout s’accélère dans les années 1990, portant le bilan en 1993 à 160 chevaux agressés dans des étables et des champs isolés, de nuit, dans la discrétion la plus totale. Les faits ne se limitent plus au Hampshire, ils s’étendent à de nombreux comtés. Berkshire, Buckinghamshire, Cornwall, Dorset, Essex, Glamorgan, Kent, Oxfordshire, Shropshire, Surrey, Wiltshire et Yorkshire n’en finissent plus de compter les équidés agressés.

"Les attaques sont chaques fois un peu plus terribles", commente en 1993 au New York Times Sally Grover qui a participé à la mise en place d’une cellule de surveillance des chevaux dans le Hampshire. "Ces actes sont forcément commis par quelqu’un qui s’y connaît en chevaux. On a eu des attaques de juments où les ovaires ont été extraits. Tout le monde ne sait pas où se situent les ovaires d’une jument."

"Les coupures subies par ma jument étaient horribles", raconte au Guardian une propriétaire de chevaux. "Le vétérinaire a dit qu’il n’avait jamais vu quelque chose de la sorte. Il y a des gens vraiment dérangés qui prennent un plaisir malsain dans ces attaques."

"L'éventreur de chevaux"

Face à cette série macabre et inexpliquée, la police du comté lance l'"Operation Mountbatten", une cellule spécialement constituée d’officiers chargés d’enquêter sur les mutilations de chevaux. La Metropolitan police - basée à Londres - créé également une unité de criminalité équine. Mais ces deux services spéciaux sont rapidement mis en veille par manque de moyens, sans être parvenus à identifier celui ou ceux que la presse surnomme déjà "l’éventreur de chevaux".

Pour ne rien arranger à la psychose, 300 mutilations similaires - dont 89 morts - sont recensées dans treize des seize Etats allemands entre 1989 et 1992, rappelle The Independent en 1998. Le mode opératoire est analogue à celui observé au Royaume-Uni: les attaques se produisent dans le secret de la nuit et des campagnes reculées. Un vent de panique souffle sur les haras germaniques et amène le président de la Ligue de protection animale en Allemagne à lancer un appel aux éleveurs et propriétaires de chevaux: "Si vous aimez votre animal, rentrez-le dans son box la nuit."

Qui se cache derrière ces actes de cruauté? Sont-ils plusieurs? S'agit-il d'actes isolés ou d’attaques liées? Quelles sont les motivations? Au Royaume-Uni comme en Allemagne, ces questions restent sans réponse. Pour le détective anglais Des Thomas, ces mutilations sont l’oeuvre de plusieurs individus, agissant chacun individuellement. "Chaque auteur est un solitaire, et leurs comportements sont motivés par des raisons sexuelles", assure-t-il en 1993 à The Independent.

Difficile profil psychologique

Mais le manque d’éléments probants fait la part belle aux spéculations. Richard Ryder, un psychologue de l’Association de prévention contre la cruauté envers les animaux expose prudemment en 1994: "Il pourrait s’agir d’un déviant sexuel, d’un schizophrène paranoïaque pour qui les chevaux représentent une menace. Ce pourrait aussi être une personne tout à fait normale mais avec une haine irrationnelle pour les équidés et leurs propriétaires." Reste qu’il est impossible de dresser un profil psychologique du ou des auteurs avec si peu d’éléments.

Jusqu’à un véritable chambardement au milieu des années 1990 en Allemagne, où l’énigme se débloque enfin: un homme, déjà connu des services de police pour des faits d’abus sexuels sur mineurs, est mis en cause dans les mutilations des chevaux. Le motif pédophile est alors étudié par des psychologues qui réfléchissent à un éventuel lien avec ces mutilations qui impliquent généralement une abduction ou une lacération de l’appareil génital des chevaux.

"Les petites filles sont souvent proches des chevaux. Les pédophiles se servent de ce lien de tendresse entre les enfants et les animaux. Il y a un côté sadique en ce sens que cela leur donne du pouvoir", analyse dans The Independent en 1998 Alexandra Schedel-Stuppich, biologiste et éleveuse de chevaux, qui menait les recherches sur les mutilations avec l'aide d'un psychologue et de la police allemande.

"Il y a tellement de similitudes entre ces deux types de crime. Les chevaux et les enfants sont vulnérables, innocents et font facilement confiance aux adultes", abonde Ted Barnes, un officier de la Metropolitan police qui a travaillé pendant plus de dix ans sur ces attaques au Royaume-Uni.

"Erreur cruciale"

Les autorités britanniques fondent tous leurs espoirs dans ce profil psychologique mais malgré cette avancée, elles ne parviennent toujours pas à mettre un point final à ces affaires.

"Nous n’avons jamais eu un pôle pour centraliser toutes les informations, et ça a été une erreur cruciale", regrette l’enquêteur. A la fin des années 1990, un voile est finalement posé sur cette série macabre qui semble s’être interrompue.

Mais en 2015, un nouvel incident ravive la plaie ouverte par ces mystérieuses affaires. Un équidé est retrouvé mort dans les mêmes circonstances dans le comté du Hampshire, là où tout a commencé… L’histoire se répète encore, sans jamais trouver de réponse. En sera-t-il de même en France? La dernière agression en date donne l’espoir de voir l’enquête avancer. En effet, le propriétaire d’un cheval mutilé dans l’Yonne a pris les auteurs - deux hommes - sur le fait dans la nuit de lundi à mardi, lui permettant de dresser le portrait-robot de l’un d’entre eux.

Le croquis de l’homme, âgé de 40 à 50 ans, devait être diffusé ce mercredi à la presse et "d'importants moyens de gendarmerie" ont été mobilisés, a indiqué à l'AFP le procureur de la République d'Auxerre, Hugues de Phily qui n’établit toutefois pas encore de lien avec les autres cas survenus ces dernières semaines.

Article original publié sur BFMTV.com