Changement climatique : pourquoi la France pourrait atteindre les + 4 °C plus vite que le monde

D’ici 2100, le monde se sera réchauffé d’environ 3 °C, et l’Hexagone de 4 °C. Le HuffPost vous explique pourquoi un tel écart.

Pourquoi l’Hexagone est-elle l’un des points chauds de la planète ? Le gouvernement a lancé une consultation pour définir sa nouvelle stratégie pour adapter la France à deux trajectoires : un réchauffement à +2 degrés en 2100, et un autre à + 4 degrés. Pour la première fois, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu a décrit ce dernier scénario comme « réaliste », et non plus pessimiste comme c’était jusqu’à présent le cas.

Une trajectoire à + 4 degrés est à des années-lumière de l’objectif de + 2 degrés maximum d’ici la fin du siècle, fixé par l’Accord de Paris. Mais force est de constater que c’est la direction que nous prenons. Le Giec estime en effet que sans baisse drastique de nos émissions de gaz à effet de serre, le monde se dirige inéluctablement vers un réchauffement compris entre +2,8 et +3,2 degrés en 2100 en moyenne au niveau mondial, ce qui correspondrait à +4 degrés pour la France, comme nous vous l’expliquons dans la vidéo en tête d’article.

Depuis la période 1850-1900, les températures dans le monde ont déjà augmenté de 1,1 degré, tandis que la France s’est réchauffée de 1,8 degré. Mais comment se fait-il que le climat s’emballe plus rapidement dans notre pays ?

Les continents se réchauffent plus vite

Avant tout chose, il faut d’abord comprendre à quoi correspond cet écart de 0,7 degré. Dans le gain de 1,1 degré en 150, est pris en compte le réchauffement des océans. Or, les continents se réchauffent plus vite que les océans, car ces derniers ont une capacité d’absorption de l’énergie solaire bien plus importante que les terres émergées.

« La hausse moyenne des températures continentales dans le monde étant de 1,6 °C, la France ne fait donc pas figure d’exception », explique à cet égard Aurélien Ribes, chercheur au Centre national de la recherche météorologique (CNRM). Entre l’Hexagone (+1,8 °C ) et les continents (+1,6 °C ), l’écart est déjà moins spectaculaire.

Aussi, il ne faut pas oublier la corrélation entre la hausse des émissions de gaz à effet de serre et le réchauffement climatique. Certes l’Hexagone émet nettement moins de CO2 que la Chine par exemple. Mais si l’on regarde par rapport au nombre d’habitants, la France est une très mauvaise élève. Un Français émet près de 10 tonnes de CO2 par an, contre 6 tonnes par habitant au niveau mondial, et moins de 8 tonnes pour les Chinois. Notre pays reste donc un gros contributeur au réchauffement de la planète ; ce n’est à ce titre pas très étonnant qu’il se réchauffe très vite.

Les aérosols ont masqué le réchauffement réel

Il y a aussi une autre explication plus étonnante. Une projection, réalisée en octobre 2022 par une équipe du CNRS, de Météo France et du Centre européen de recherche et de formation avancée en calcul scientifique, a mis en lumière le rôle majeur des aérosols sur le climat français. « On observe que, jusque dans les années 1980, leur effet a masqué le réchauffement climatique, au point qu’il n’apparaît quasiment pas dans les instruments », précise le chercheur du CNRS Julien Boé, l’un des auteurs de cette étude.

Ces aérosols sont des particules microscopiques en suspension dans l’atmosphère que les activités humaines polluantes rejettent en grande quantité. Cette pollution a un tel pouvoir refroidissant qu’il a masqué l’accroissement des émissions de gaz à effet de serre pendant plus de trente ans. Mais au début du 2XXIe siècle nos technologies et nos énergies sont devenues beaucoup plus propres, l’industrie du charbon a par exemple quasiment disparu en France. Effet rebond :les particules d’aérosols ont diminué, et les températures sont reparties à la hausse très rapidement.

Si les aérosols permettent de baisser les températures, pourquoi ne pas en injecter dans l’atmosphère pour sauver le climat ? Cette idée farfelue a traversé l’esprit de nombreux chercheurs. Mais les auteurs du Giec ont mis un stop : non seulement ces particules posent de très gros problèmes pour la santé humaine, mais le bénéfice des aérosols est de très court terme, quelques mois au plus. Le CO2, lui, reste au moins 100 ans dans l’atmosphère, et continuera de réchauffer la France pendant des siècles si nous ne faisons rien.

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