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Chambre d'ado, jeux vidéos, micro... Dans les coulisses de la tournée "Civilisation" avec le scénographe d'Orelsan

Orelsan sur scène lors de sa tournée Civilisation. - Quentin Deronzier
Orelsan sur scène lors de sa tournée Civilisation. - Quentin Deronzier

Nous sommes le 17 décembre 2008. Orelsan vient de sortir ses premiers singles et organise une tournée pour défendre ses titres sur scène dans l’attente d'un album (Perdu d’avance qui sortira en 2009). Ce soir-là, pour sa toute première date, le rappeur caennais se produit à la Boule Noire, salle de concert parisienne de 120 places.

Sur scène, un canapé, une bande de potes et Orelsan qui enchaîne les titres dans une salle enfumée sous la chaleur des projecteurs. Soudain, le rappeur marque une pause dans son show. Il allume une vieille télévision cathodique placée dans le décor, attrape des manettes et invite des gens dans le public s'affronter sur le jeu vidéo Street Fighter, comme s'ils étaient entre amis dans son appartement.

Quatorze ans et 4 albums plus tard, ce sont désormais cinq Bercy que remplit Orelsan. Pourtant, lors de sa première date parisienne de la semaine, le 15 mars 2022, rien ne semble avoir changé - si ce n'est le nombre de spectateurs (20.300 personnes). Entre deux morceaux, une télévision fait son apparition sur scène et le rappeur convie comme au bon vieux temps deux heureux élus à venir jouer cete fois à son propre jeu Civilisation Fighters.

Aux manettes de cette évolution créative, Quentin Deronzier, réalisateur et artiste visuel de 31 ans, suit et s’occupe de la scénographie d'Orelsan depuis la tournée de l’album La fête est finie. Au détour de deux dates de concerts, il nous raconte la genèse du show.

Comment la connexion s’est-elle faite avec Orelsan?

Il faut remonter 6 ans en arrière. À l'époque, je travaillais avec le DJ Petit Biscuit et il s’avère qu’Orelsan et lui partagaient la même société pour organiser leurs tournées. Ils m'ont confié qu’ils étaient en train de préparer les futurs shows d'Orelsan et qu'ils lui avaient proposé mon profil pour participer à cette création. Quelques jours plus tard, j’ai reçu un appel d’Orel. Depuis, on travaille ensemble. Je l’ai aidé sur ses tournées, mais aussi pour ses filmer ses clips, son documentaire

Comment prépare-t-on une tournée comme celle de Civilisation?

Au départ, avant même que l’album soit fini, Orelsan m’a fait écouter pas mal de morceaux. En même temps, il enregistrait des mémos vocaux pour me décrire les ambiances de chacun des titres. Le show en lui-même a été pensé de manière collaborative avec notre petite équipe: Nicolas Brion à la lumière, Orelsan, Skread et moi. On se retrouvait tous les quatre à brainstormer, tester des choses…

Quel est le rôle du scénographe dans ce processus?

Une fois les grandes lignes trouvées, on se répartit le travail en fonction de nos spécialités respectives. Mon équipe est composée de huit personnes. Il y a des monteurs pour assembler les différents visuels qu’on créé, des artistes 3D pour concevoir des décors sur scène… On va chacun aller plus en précision pour représenter au mieux les différents morceaux à l'aide d'une mise en scène originale.

Au début du concert, il y a une rupture assez étonnante dans la structure du show. Sans spoiler les futurs spectateurs, pouvez-vous raconter la génèse de cette idée?

Orelsan peut être très proche de son public et désacraliser sa célébrité et en même temps, il peut être totalement l’inverse, ce gars grandiose et intouchable. L’idée, c’était de montrer ces deux facettes pendant le concert. Pour la rupture surprise, le projet vient d’Orelsan, c’était très osé, mais on l’a tout de suite suivi.

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Résultat, les spectateurs doivent véritablement gérer leur frustration pendant le show. Certains trouvent ça cool, d’autres se disent "mais attends ça va être comme ça pendant tout le concert ?" Je trouve ça très Orelsan, il y a que lui pour imaginer un truc pareil et l’assumer.

Est-ce qu’il y a parfois des idées qui, une fois en live, ne fonctionnent pas?

Oui, entre la première à Caen et aujourd’hui, il y a d’ailleurs eu beaucoup de choses qu’on a ajustées au fur et à mesure des dates parce que c’est impossible pour nous de savoir comment va être reçu notre travail. Nous, on fait des répétitions à vide au Zénith de Caen, mais on n'a jamais vraiment l’énergie et la réaction d’un public en live. On doit donc faire de nombreux tests en direct pour se rendre compte de ce qui fonctionne ou non.

Pour la surprise dont on parlait juste avant, par exemple, Orelsan voulait au départ la faire sans micro. Sauf que, autant ça marche bien dans des salles de Zéniths où le public n'est pas trop loin, autant à l’Accor Arena, ça n’a pas du tout fonctionné, j’étais en régie et on entendait rien du tout. Donc, pour les autres dates, il a finalement gardé un micro.
Il arrive même que le décor nous lâche. Pour le titre Notes pour trop tard, on a recréé totalement la chambre d’ado d’Orelsan. Mais, lors de la première à Caen, il a cassé le lit en plein concert. Il s’est allongé dessus et les lattes se sont brisées en direct.

Y a-t-il eu des morceaux plus difficiles à illustrer sur scène?

Oui, Manifeste, sans hésiter. On l’a refait en entier quatre fois. C’est un morceau très long où Orelsan cite beaucoup de monde et raconte toute une histoire. Donc au départ, on avait envisagé quelque chose de très littéral où on montrait en image tout ce qu’il rappait. Mais on s’est vite rendu compte que ça devenait presque une séance de cinéma où le public allait juste regarder les écrans et pas Orelsan.

On a finalement trouvé la solution lors de notre résidence d’une semaine et demie dans le Zénith de Caen pour préparer le show. C’était la nuit, tout le monde était crevé, mais il fallait qu’on imagine une nouvelle création. Orel est monté sur scène, on a commencé à s’amuser avec les lumières, et là, ça a fait tilt. On s’est dit qu’on pouvait représenter chaque personnage cité dans le morceau avec un éclairage d'une couleur différente. Mickey en rouge, France en bleu, Mathilde en rose… Au final, ça donne quelque chose d’assez simple mais symbolique, je trouve.

La tournée d'Orelsan s'achève en festival fin août. Quels sont tes projets pour la suite?

Actuellement, je travaille toujours avec Orelsan sur le clip du morceau Ensemble. On part tourner ça dans quelques semaines. En parallèle, je bosse aussi sur le prochain clip de l’artiste américaine M.I.A qui sortira bientôt.

Article original publié sur BFMTV.com