La chambre d’adolescent, ce “sanctuaire” très privé
Même après “plusieurs dizaines d’années”, Emma Jacobs, journaliste au Financial Times, s’en rappelle encore. Elle avait 15 ans lorsque son père s’est permis d’entrer dans sa chambre pour demander quelles étaient les “intentions” d’un ami qu’elle avait invité. L’“horreur” qu’elle a alors ressentie reste gravée dans sa mémoire.
En espérant remplir son “devoir parental”, son père avait pénétré sans autorisation dans le “sanctuaire” que constitue la chambre d’adolescent.
En réalité, le concept d’adolescence est récent, explique le quotidien britannique. Il a émergé après la Seconde Guerre mondiale.
En 1958, le magazine The New Yorker citait une étude de marché menée par l’entreprise d’un certain Eugene Gilbert, qui reconnaît les adolescents comme une “caste à part. Du point de vue de certains chercheurs anthropologiques, leur culture se différencie de celles des autres.”
Siân Lincoln, autrice de Youth Culture and Private Space (“Culture jeune et espace privé”, inédit en français), cité par le Financial Times, décrit la chambre d’adolescent comme lieu d’“exploration de soi, un endroit où l’on fait le point sur le début de la vie d’adulte”.
C’est à travers la décoration que les ados s’approprient leur chambre. D’abord caractérisée par des marqueurs de l’enfance, elle se met à refléter leurs influences extérieures et les goûts culturels qu’ils développent.
Fox, 15 ans, a tapissé ses murs d’affiches des films Pulp Fiction et Fight Club et des rappeurs A$AP Rocky et Tyler the Creator, raconte le quotidien britannique.
La chambre, c’est aussi l’espace du début de l’autonomie. L’adolescent développe son propre mode de fonctionnement, différent de celui de ses parents. Emma Jacobs cite une amie qui regrette que son fils range ses vêtements propres dans son “placard-parquet”, c’est-à-dire… à même le sol.
Ce désordre apparent ne signifie pas une perte de maîtrise. Un adolescent de 16 ans raconte au Financial Times que le rangement devient une “corvée” lorsque ses parents le forcent à le faire. Il se sent alors “comme un enfant”.