C'est quoi le Mercosur, qui met les agriculteurs français en colère ?
Les agriculteurs français dénoncent farouchement cet accord de libre-échange, qui devrait bientôt être signé entre l’UE et le Mercosur, le Marché d’Amérique du Sud.
C’est un traité qui ne fait plus du tout l’unanimité. En ce moment, l’Union Européenne est en négociations autour d’un accord de libre-échange avec le Mercosur, c’est-à-dire le Marché Commun d’Amérique du Sud. Le but ? Signer d’ici décembre 2024 ce texte, qui permettrait à l’Europe d’exporter plus facilement de nombreux produits et ressources mais aussi d’en importer à bas prix, au risque de léser les agriculteurs, notamment.
En France, le traité plaît de moins en moins, au point de n’être plus soutenu par aucun bord politique. "Ce n’est pas un traité qui est acceptable en l’état", affirmait Emmanuel Macron fin octobre 2024. Les agriculteurs français, eux, sont tout à fait opposés à son adoption. Les manifestations ont déjà débuté ; dans les Bouches-du-Rhône, du fumier a été déversé devant le centre des impôts de Tarascon, rapporte France Bleu.
Mobilisation des #agriculteurs dans les Bouches-du-Rhône à l'appel de la #fdsea devant le centre des impôts de Tarascon. Du fumier déversé. pic.twitter.com/sK0bPGu6c4
— France Bleu Provence (@bleuprovence) November 15, 2024
À quoi servirait l’accord avec le Mercosur ?
Avant toute chose, le projet n’est pas tout jeune ! Les discussions autour du marché du Mercosur ont débuté à la fin des années 1990. L’idée principale est de supprimer 90 % des droits de douane entre l’UE et l’Amérique du Sud pour créer le plus grand espace de libre-échange au monde, avec près de 780 millions de consommateurs.
Actuellement, le Mercosur applique par exemple des droits de douane de 27 % sur le vin et de 35 % sur les voitures et les vêtements venus d’Europe.
En signant cet accord avec les pays latino-américains, l’Europe pourrait exporter bien plus facilement, pêle-mêle, des voitures, des machines, des pesticides, des produits pharmaceutiques, des vêtements, du vin ou encore du chocolat – un avantage pour des pays comme l’Allemagne ou l’Espagne, qui soutiennent le projet. À l’inverse, l’Europe pourrait quant à elle importer à des tarifs préférentiels des pièces détachées de voitures ou des tonnes de denrées alimentaires : du bœuf et du soja venus du Brésil ou d’Argentine, du riz, du miel, du sucre, etc.
Pourquoi provoque-t-il la colère des agriculteurs ?
Face à l’importation massive de produits d’Amérique du Sud, produits à bas coût et qui ne seraient pas soumis aux normes européennes, les agriculteurs français craignent une concurrence déloyale.
"En fait, l'Europe veut vendre des voitures, des Rafales, des services et imposer l'importation de produits agricoles, de viande bovine, de volailles, de sucre, d'éthanol, à des prix défiant toute concurrence", dénonce Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne, sur Franceinfo.
Elle donne l’exemple de la viande bovine - l’accord du Mercosur permettrait à l’UE d’en importer 99 000 tonnes. "On va arriver à peu près à 7% de viande importée avec des conditions extrêmement préférentielles. Cela suffit largement pour déstabiliser un marché européen", poursuit la porte-parole. Les agriculteurs descendent ainsi de nouveau dans les rues, un an après une mobilisation historique. Ils appellent à manifester dès ce lundi 18 novembre.
Les politiques français peuvent-ils empêcher sa signature ?
Vent debout contre cet accord, les agriculteurs sont nombreux à être suivis par les politiques de tous horizons qui souhaitent, a minima, rediscuter les termes du traité UE-Mercosur. Le ministre de l’Économie Antoine Armand le juge "inacceptable et insupportable". Une tribune opposée au traité a été publiée dans Le Monde le 12 novembre ; parmi les 622 signataires se trouvent l’ancien premier ministre Gabriel Attal ou le député communiste André Chassaigne.
Plusieurs pays européens, comme la Pologne et l’Autriche, se sont également opposés au traité dès 2019, date à laquelle le projet avait été suspendu en raison de la vaste déforestation de l’Amazonie entreprise sous la présidence brésilienne de Jair Bolsonaro. Avec Lula da Silva aux commandes du Brésil depuis fin 2022, les négociations ont repris. L’UE est déterminée à le signer d’ici la fin de l‘année. Pour bloquer l’accord, il faudrait au minimum que quatre États s’y opposent. Les Pays-Bas ou l’Irlande, qui ne se sont pas encore prononcés définitivement, pourraient tout faire changer.