"C'est un ovni": comment le réalisateur des "Triplettes de Belleville" a été recruté pour une scène du nouveau "Joker"

Le très attendu Joker: Folie à deux, en salles ce mercredi, s'ouvre avec un court métrage d'animation, un cartoon façon Looney Tunes où le célèbre méchant de l'univers des comics DC affronte son ombre dans un combat particulièrement violent. Un choix cohérent avec l'ambition de ce film, une superproduction conçue pour décontenancer les fans du premier volet sorti en 2019.

Cette séquence, l'une des plus mémorables de Joker: Folie à deux, a été réalisée en France par le réalisateur Sylvain Chomet, doublement nommé aux Oscars en 2004 pour Les Triplettes de Belleville. "Je connaissais son travail depuis longtemps", a confié à BFMTV Todd Phillips, le réalisateur de Joker. "C'était très fun de collaborer avec un autre réalisateur et de lui donner la liberté de créer dans un médium où il excelle."

À l'approche de la sortie, Sylvain Chomet vit "un rêve éveillé", comme il l'a confié à BFMTV. "Je n'aurais jamais pensé qu’un jour, je ferais un film qui commence avec le logo de la Warner. Tout ce qui a bercé mon enfance! J'ai été content de travailler avec Todd parce que c’est un vrai réalisateur. C'est quelqu’un qui met toujours la barre très, très haut. Je suis très fier d’avoir bossé sur ce film. C'est un ovni!"

Email surprise

Sylvain Chomet, qui n'est pourtant pas très fan des films de superhéros, avait été séduit par le premier Joker avec Joaquin Phœnix. "Ma femme m'avait offert le premier Joker en blu-ray et même si tout le monde m'en disait beaucoup de bien, j'ai longtemps été réticent et je ne l'ai regardé qu’un an plus tard. J'ai adoré! Je ne m'attendais pas du tout à ce que j'ai vu."

Deux semaines après l'avoir visionné, Sylvain Chomet reçoit un mail de Todd Phillips lui proposant de collaborer avec lui sur la suite. "Il me dit qu’il est un grand fan des Triplettes de Belleville, et surtout de l’ouverture du film. C'est exactement ce qu’il voulait pour son film: une ouverture avec un dessin animé rétro, mais pas dans le style de Betty Boop comme au début des Triplettes. Je lui ai alors proposé de faire un cartoon façon Tex Avery, comme dans les années 40. L'idée lui a plu."

Depuis le succès des Triplettes de Belleville, son travail est très apprécié à Hollywood. Sylvain Chomet a notamment signé le générique d'un épisode des Simpson en 2014. "Devant l'animation, les Américains redeviennent des enfants. C'est très amusant, cela les passionne et ils portent un regard enfantin sur les dessins animés. C’est dans leur culture, dans leur ADN", souligne le réalisateur.

Grand secret

Sylvain Chomet a eu une totale liberté. "Il voulait que son film ait l'air d’avoir été fait par des fous! C’est pour cela qu’il nous a contactés", plaisante-t-il. "J'ai fait l'animatique (un storyboard synchronisé sur les dialogues, NDLR) pour mettre en image son script. On lui envoyait régulièrement des images et il nous a laissé carte blanche sur ce qu’on voulait montrer du personnage: la façon de bouger, de donner des coups de pied en l’air, de danser."

Sylvain Chomet a supervisé ce court-métrage tout en préparant son nouveau film, Marcel et Monsieur Pagnol, prévu pour l'automne 2025. Une quinzaine d'animateurs ont travaillé dans le plus grand secret pendant dix mois, entre Bayeux et Paris, sur ces images. "Nous aurions pu faire ça aux Etats-Unis mais nous avons décidé de le faire ici en France", se félicite Sylvain Chomet avant d'ajouter:

"Todd tenait à ce que nous travaillions sur cette partie animée. Nous avons trouvé de très, très bons animateurs 2D sur Paris. Grâce à Todd, nous avons eu le budget dont nous avions besoin. Il a le contrôle sur ses films. C’est très rare à Hollywood."

Ecran éclaboussé de sang

Sylvain Chomet a travaillé sur sa séquence sans connaître le reste du scénario. "Je ne savais pas du tout comment ça allait être utilisé", précise-t-il. Parodie trash des Looney Tunes, le dessin animé prend à contrepied tous les standards des cartoons.

"Petit à petit, on se rend compte qu'il y a du sang - alors qu'il n'y a jamais de sang dans les cartoons", indique Sylvain Chomet "Todd avait écrit dans son script: 'jusqu’à ce que ça ne soit plus drôle.' Ils le tabassent jusqu'à ce que ça ne soit plus drôle. Et jusqu'à ce que l’écran soit éclaboussé de sang."

"L'idée de Todd était de commencer avec quelque chose de musical et de dynamique", complète encore Sylvain Chomet. "Le dessin animé se termine avec l'image d'un rideau qui s'ouvre, puis on entre dans l'univers réel du Joker."

Un futur film culte

Sylvain Chomet a été marqué par sa découverte de Folie à deux lors de l'avant-première à Londres. "Je me suis rendu compte que l’univers réaliste du Joker est tellement impitoyable et violent que c'est certainement le seul film que je connaisse où on attend les parties musicales - pour respirer. On en a besoin. C’est une prouesse de la part de Todd."

Pour lui, Folie à deux "va devenir culte". "Il a vraiment pris tout le monde à contrepied. Une fois de plus. En faisant un film que les gens n'attendaient pas. C'est ça qui est extraordinaire! Beaucoup vont s'attendre à ce que ce soit la suite, l'explication. Et pas du tout! C'est un film très psychologique, très intime. Il joue avec tous les poncifs de Hollywood."

Et de conclure: "Le premier film était déjà un film très intimiste au lieu d’être un film de superhéros. Et le deuxième est totalement différent. Il a fait un film d’auteur avec le budget (d'une superproduction). Ça demande vraiment du courage aujourd’hui de faire des films comme ça."

Le prochain film de Sylvain Chomet sera aux antipodes du Joker. Il termine Marcel et Monsieur Pagnol, une comédie sur la vie de Marcel Pagnol coproduite par What The Prod, Mediawan et Bidibul Productions et distribuée par WildBunch. "C'est un film sur la création et sur l’écriture. C'est aussi un film familial qui raconte comment un enfant qui écrivait des poèmes est devenu un des plus grands dramaturges et un des plus grands cinéastes au monde. Il a eu une vie incroyable que nous avions envie de raconter."

Article original publié sur BFMTV.com