«Pour certains manifestants en Iran, leurs yeux éborgnés sont comme une médaille d'honneur»
Le 14 septembre 2022, la journaliste iranienne exilée en France depuis 2010 Aïda Ghajar révélait, avec des photos à l’appui, que Mahsa Amini était dans le coma à un hôpital de Téhéran, après son arrestation par la police des mœurs. À partir d’octobre 2022, Aïda Ghajar, 40 ans, se dédie corps et âme à un sujet qu’elle couvre pour le média IranWire depuis l’étranger : l’utilisation systémique, répétée et intentionnelle de projectiles ciblés sur les yeux des contestataires lors des manifestations dans les rues d’Iran. En plusieurs mois, elle récolte une centaine de témoignages de victimes désormais aveugles qu’elle partage dans un long rapport pour expliquer et dénoncer ce mode opératoire. Entretien.
RFI : Comment en êtes-vous venue à vous intéresser à ce sujet de l’aveuglement des manifestants en Iran ?
Aïda Ghajar : Ça remonte à la fin octobre, en 2022. Une de mes sources parmi mon réseau sur place en Iran m’a contactée pour me dire qu’une jeune fille avait perdu ses yeux lors d’une manifestation. Je savais que cette façon de viser les yeux était une arme déjà utilisée dans d’autres pays, mais c’était une des premières fois qu’on m’alertait sur ce sujet en Iran. J’ai donc appelée cette jeune femme. Elle m’a raconté son histoire : elle a été arrêtée dès la première semaine de manifestations après la mort de Mahsa Amini. Elle est restée dix jours en prison puis, une fois sortie de détention, elle est immédiatement retournée manifester.
Pourquoi les forces de l'ordre cible-t-elle en priorité les yeux ? Que représentent-ils ?