"Cela risque d'arriver" : Didier Lallement estime qu'"on a frôlé l'ouverture du feu" lors des gilets jaunes
L'ancien préfet de police de Paris revient longuement sur sa gestion controversée de la crise des gilets jaunes et dénonce "l'amertume et l'acrimonie" des manifestants. Il salue encore "le courage des fonctionnaires de police" qui ont "frôlé l'ouverture du feu".
Droit dans ses bottes. L'ancien préfet de police de Paris, dont la gestion du maintien de l'ordre a été très contestée pendant les gilets jaunes, revient sur son expérience. Désormais Secrétaire général de la Mer, Didier Lallement assume sa doctrine qui a débouché sur des dizaines de blessés dans les rangs des manifestants.
"Il n’y a pas eu de morts à Paris pendant la crise. On a frôlé l’ouverture du feu mais, grâce au courage des fonctionnaires de police, cela ne s’est pas produit. Le jour où on devra ouvrir le feu, on entrera dans une autre dimension. Cela risque d’arriver un jour", avance le sexagénaire dans un long entretien à L'Opinion.
"Amertume et acrimonie" des gilets jaunes
Le haut fonctionnaire avait été nommé par Emmanuel Macron en décembre 2018, après l'acte 3 des gilets jaunes qui avait mené à de graves dégradations sur les Champs-Élysées et sous l'Arc de Triomphe. Son mandat est alors clair: aller au contact des manifestants pour éviter les dégradations, quitte à assumer des affrontements violents.
"Votre main ne devra pas trembler", lui avait demandé Christophe Castaner, alors ministre de l'Intérieur. Didier Lallement n'a jamais pas vacillé. Quitte à paraître provocant.
La scène, en novembre 2019 Place d'Italie, au lendemain d'une manifestation mouvementée, où il croise une femme gilets jaunes, est symptomatique de cette posture.
"Nous ne sommes pas du même camp, madame!", lâche-t-il alors.
Il concèdera plus tard "une maladresse". "Le mouvement des Gilets jaunes est l’illustration de l’absence de débouchés politiques aux luttes sociales (...). Ses participants, qui d’ailleurs éliminaient systématiquement leurs chefs, ont été renvoyés à leur amertume et leur acrimonie", juge cependant auprès du quotidien l'ancien patron des policiers parisiens.
Pas de policier capable de ramener à la "raison"
Début septembre, un juge a commencé à enquêter sur l'épisode de gilets jaunes nassés à Paris en 2019, au moment où Didier Lallement était aux manettes de la préfecture de police. Une autre information judiciaire le vise également pour "détention arbitraire".
Plus largement, la figure de Didier Lallement a cristallisé ces dernières années les tensions liées à différentes affaires de violences policières, notamment lors du passage à tabac du producteur noir Michel Zecler dans son studio parisien par une brigade de police.
"Dans cette affaire, il n’y avait pas un gradé capable de ramener le calme et la raison. À la préfecture de police de Paris, 60% à 80% des policiers sortant d’école sont affectés chaque année, et ils restent cinq à six ans", tente de justifier l'ancien dirigeant de la préfecture de police de Paris qui a géré cette affaire.
Les polémiques qui se sont enchaîné ont fait de lui la personne à abattre par la gauche, qui a multiplié les appels à la démission. Si le RN et la droite l'ont longtemps soutenu, la donne a changé après le fiasco du Stade de France en mai dernier.
Le Stade de France, "pas brillant"
La finale de Ligue des Champions, qui oppose Liverpool au Real Madrid est alors marquée par des débordements, notamment des mouvements de foule, des tirs de gaz lacrymogènes par les forces de l'ordre et des agressions de supporters. Si le préfet de police défend dans un premier temps le "très bon déroulement" des opérations dans un rapport, son ton avait changé devant la commission d'enquête sénatoriale, reconnaissant "un échec".
"Sur le plan de la sécurité, on s’en est tiré mais, c’est vrai, cela n’a pas été brillant. Il n’empêche, le traumatisme a été collectif, cette soirée vécue comme une humiliation nationale, notre drapeau sali. Je ne pouvais pas rester en fonction et j’ai assumé mes responsabilités", se justifie désormais l'ancien directeur de la police parisienne.
Les sans papiers doivent "être des saints" pour ne "pas devenir délinquants"
En réalité, bien avant cet événement, le sexagénaire avait déjà manifesté son désir de quitter la préfecture de police pour retourner à la Cour des comptes, où il avait été nommé en 2014, avant de prendre définitivement sa retraite.
Enfin, Didier Lallement revient sur les propos de Gérald Darmanin, son ancien ministre de tutelle qui a dévoilé les contours de son futur projet de loi sur l'immigration. "Une partie des étrangers dans les grandes métropoles commettent l'essentiel des actes de délinquance", a jugé au micro de BFMTV le locataire de Beauvau la semaine dernière.
"La réalité est que, pour ne pas devenir délinquant après être arrivé en France dans des situations chaotiques, vous devez être un saint. Des personnes arrivent sur le territoire, ne sont pas reconduites à la frontière pour diverses raisons et n’ont pas le droit de travailler", décrypte l'ancien préfet de police.
Avant d'ajouter: "Qu’ont-elles comme choix ? Travailler au noir ? Subsister grâce à d’autres ressources illégales? L’homme n’est ni naturellement bon, ni naturellement méchant. On crée les conditions d’une réalité".
Au secrétariat général de la Mer, Didier Lallement exerce désormais "une mission de contrôle, d’évaluation et de prospective" en matière de politique maritime.
Article original publié sur BFMTV.com
VIDÉO - La surprenante reconversion de Didier Lallement, l'ancien préfet de Paris