Ce que l'on sait sur les "restrictions de production" de la centrale de Blaye

La centrale nucléaire du Blayais (Gironde) (Photo by JEAN-PIERRE MULLER / AFP)

L'information, disponible sur le site d'EDF, a notamment été partagée par Jean-Luc Mélenchon, lui donnant ainsi une importante visibilité.

"En raison des prévisions de températures élevées de certains fleuves, des restrictions de production sont susceptibles d’affecter le parc de production nucléaire d’EDF à partir du lundi 9 mai 2022 jusqu’au dimanche 15 mai 2022, et plus particulièrement le site de Blayais".

Ce message, publié sur le site d'EDF, a suscité de nombreuses réactions, notamment de Jean-Luc Mélenchon, qui en profite pour rappeler que selon lui, le nucléaire est une énergie intermittente, un débat qui a agité la campagne présidentielle.

  • Pourquoi la centrale du Blayais ralentit sa production ?

L'eau sert à refroidir les centrales nucléaires, mais les conditions sont réglementées, et diffèrent selon les caractéristiques de chaque centrale. "Pour la centrale du Blayais, la limitation est de 30 degrés en hiver, jusqu'au 15 mai, et 36,5 degrés en été, jusqu'au 15 octobre", nous explique Thibault Laconde, ingénieur spécialiste des risques climat et fondateur de Callendar, spécialisée dans l'évaluation des risques climatiques.

Une température qui dépend notamment du système de refroidissement des centrales et de leur positionnement sur un fleuve ou près de la mer. En circuit ouvert, comme la centrale du Blayais, l’eau nécessaire au refroidissement est prélevée dans un fleuve au débit important ou dans la mer. Après avoir traversé le condenseur de la turbine, l’eau est directement et intégralement rejetée, légèrement plus chaude, vers sa source. C'est ainsi que fonctionne la centrale du Blayais, qui capte et rejette l'eau dans l'estuaire de la Gironde, rappelle EDF.

En circuit fermé, l’eau est prélevée dans un fleuve ou une rivière. Réchauffée par le condenseur de la turbine, cette eau est ensuite refroidie au sein d’une tour aéroréfrigérante par le courant d’air qui monte à l’intérieur. Une partie de l’eau s’évapore dans l’atmosphère tandis qu’une autre partie est renvoyée vers le condenseur. On a seulement besoin de compenser l’évaporation par un prélèvement modéré d’eau de la rivière.

  • Faut-il s'en inquiéter ?

"Ces restrictions de production n'ont rien à voir avec la sûreté nucléaire, il s'agit uniquement de ne pas rejeter de l'eau trop chaude dans l'estuaire de la Gironde afin de préserver l'environnement qui s'y trouve", pose d'emblée Tristan Kamin, ingénieur en sûreté nucléaire.

Depuis 2015, EDF est contraint de publier les messages d'activités de ses centrales. "C'est la première fois depuis que les données sont transparentes que la production doit être ralentie en raison de la météo aussi tôt dans l'année. En revanche, c'est tout à fait fréquent durant l'été, notamment dans les centrales en bord du Rhône comme celle du Bugey et de Saint-Alban", poursuit Thibault Laconde.

  • Faut-il craindre un manque d'électricité ?

Une baisse de 10% de la production du réacteur numéro 1 a été constatée lundi soir. Certains sites sont particulièrement touchés par ces épisodes d'été. Selon un rapport de RTE, sur les 14 dernières années, 90% des pertes de production dues aux indisponibilités dites "climatiques" ( liées aux canicules et sécheresses) ont ainsi été concentrées sur 4 des 18 sites.

À l’échelle annuelle, l’énergie perdue correspondant à ces indisponibilités est globalement limitée (moins de 1%, sauf en 2003 marquée par une canicule importante). "La puissance coupée lors de ces aléas climatiques peut toutefois être ponctuellement conséquente", écrit RTE, illustrant avec la canicule de 2019 "ces indisponibilités simultanées ont atteint près de 6 GW (soit environ 10% de la capacité installée)".

Mais avec une sécheresse de plus en plus marquée et le réchauffement climatique, "c'est une certitude, ces interruptions seront de plus en plus nombreuses. D'un côté, l'eau captée sera de plus en plus chaude avec le réchauffement, et donc nécessitera des arrêts plus fréquents. De l'autre, avec des niveaux d'eau plus faibles dans les fleuves, la température maximale sera atteinte plus rapidement", poursuit Tristan Kamin, ingénieur en sûreté nucléaire.

  • Le nucléaire est-il intermittent ?

L'exemple de la centrale de Blaye a permis à Jean-Luc Mélenchon de réaffirmer que le nucléaire est une énergie intermittente. "Dire que le nucléaire est intermittent, alors qu'il y a des interruptions pour maintenance ou aléa climatique, c'est comme dire que le solaire est intermittent car lorsqu'il fait nuit aucune énergie n'est produite, ou l'éolien est intermittent lorsqu'il n'y a pas de vent, c'est changer le sens du mot 'intermittent'", déplore Tristan Kamin.

Néanmoins, les rapports de RTE montrent que les coupures en raison des aléas climatiques vont se multiplier d'ici à 2050, sans toutefois faire peser un risque majeur sur l'électricité en France. Des aléas climatiques que les futures centrales devront prendre en compte. Emmanuel Macron a annoncé la construction de 14 réacteurs dont 8 en option.

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