"Catastrophe écologique, agricole, sanitaire": avant le 7 mars, le gouvernement joue la stratégie de la peur
À écouter Olivier Véran, l'apocalypse semble guetter l'Hexagone. À l’issue du Conseil des ministres ce mercredi, le porte-parole du gouvernement a redoublé de gravité au moment d'évoquer les éventuelles conséquences du mouvement de grève contre la réforme des retraites prévu le 7 mars prochain à l'initiative des syndicats.
Évoquant tour à tour la sécheresse, la vaccination contre le papillomavirus et le réseau ferroviaire, il a jugé que "mettre la France à l'arrêt" reviendrait à "prendre le risque d'une catastrophe écologique, agricole, sanitaire", à négliger "la santé de nos enfants" ou encore à "rater le train du futur".
"Et pourquoi pas la défaite en Coupe du monde?"
Ce ton, pour le moins très alarmiste, n'a pas manqué de faire réagir ses opposants politiques et syndicaux.
"La sécheresse, c’est la faute des syndicats? La crise sanitaire, idem? Et pourquoi pas la défaite en Coupe du monde?", a ironisé Laurent Berger, patron de la CFDT.
Le leader syndical estime ainsi qu'il s'agit de "tentatives pour déstabiliser une mobilisation sans précédent contre les 64 ans" qu'il qualifie de "grossières".
Pour Matthieu Croissandeau, éditorialiste politique sur BFMTV, si "Olivier Véran croit ce qu'il raconte", alors il "serait bien inspiré de s'interroger". En effet, "si les Français qui manifestent étaient prêts à faire courir tous ces risques", il y aurait "manifestement un très gros problème avec cette réforme". Dès lors, avec un tel scénario, "le plus prudent" aurait été "de renégocier pour ne pas précipiter la France dans l’abîme", analyse l'éditorialiste.
"Caricature gonflée et déplacée"
Il avance une seconde option: "Olivier Véran en fait des caisses, il ne croit pas un mot de ce qu'il raconte". Dans ce cas, ses déclarations seraient "une tentative de plus de disqualifier le mouvement social contre la réforme des retraites".
Or, "cette caricature est à la fois gonflée et déplacée", selon Matthieu Croissandeau. D'abord, en raison de la bonne tenue du mouvement social. Celui-ci "est le miroir inversé du spectacle que nous offre la classe politique". Si "les débats parlementaires" ont révélé "de profondes divisions, les syndicats eux sont restés unis". Surtout, les centrales "n'ont pris personne par surprise", leur plan étant connu depuis des semaines.
Pour notre éditorialiste, cette stratégie du gouvernement "traduit à la fois une forme de frayeur devant la menace de blocage" et "une impuissance face à ce mouvement".
"En politique, quand vous êtes obligés d'agiter des éventails, c'est que vous n'avez généralement plus beaucoup d'arguments", commente-t-il.
"On n'est pas du tout dans la provoc"
Présent au Salon de l'Agriculure ce jeudi, Olivier Véran a toutefois assumé ses déclarations. "On n'est pas du tout dans la provoc", a estimé l'ex-ministre de la Santé.
"J'ai le droit comme porte-parole du gouvernement de dire que les urgences du quotidien des Français, c'est de pouvoir faire ses courses, se soigner, avoir le droit à la sécurité et qu'une France à l'arrêt, ce n'est pas une France qui nous permet d'avancer vers ces urgences", s'est-il justifié.
Reste que ses déclarations ont été très largement critiquées, même au sein de la majorité. "C'est des bêtises ce que dit Olivier Véran, je ne partage absolument pas ses propos", a par exemple réagi le député MoDem Richard Ramos sur BFMTV.