Madrid lance un nouvel ultimatum à Puigdemont

par Julien Toyer et Sam Edwards

MADRID/BARCELONE (Reuters) - Le gouvernement espagnol a donné jusqu'à jeudi au président de la Généralité de Catalogne, Carles Puigdemont, pour dire si oui ou non il a déclaré l'indépendance de la région.

Madrid avait donné initialement au chef de l'exécutif catalan jusqu'à ce lundi 10h00 locales (08h00 GMT) pour clarifier sa position, et jusqu'à jeudi 10h00 pour changer d'avis en cas de déclaration unilatérale d'indépendance.

Mais dans une lettre à Mariano Rajoy, l'intéressé n'a pas répondu directement à la question, prônant à la place un dialogue avec Madrid et proposant de rencontrer "le plus rapidement possible" le président du gouvernement espagnol.

"M. Puigdemont a encore l'occasion de s'orienter vers une sortie de crise, il doit pour cela répondre 'oui' ou 'non' à la question d'une déclaration d'indépendance", a répondu la vice-présidente du gouvernement espagnol, Soraya Saenz de Santamaria.

Mariano Rajoy a demandé à Carles Puigdemont de répondre à la question sur l'indépendance par un simple "oui" ou "non", ajoutant que toute réponse ambiguë serait considérée comme la confirmation qu'il y a bien eu proclamation d'indépendance.

Il a averti que Madrid suspendrait l'autonomie de la Catalogne si Carles Puigdemont optait pour l'indépendance.

La région a menacé de faire sécession à la suite du référendum du 1er octobre, jugé illégal par la Cour constitutionnelle espagnole. Ces événements ont plongé l'Espagne dans sa plus grave crise politique depuis la tentative de coup de force de février 1981.

Carles Puigdemont a fait mardi dernier une proclamation d'indépendance symbolique mais l'a suspendue quelques secondes plus tard et a appelé à des négociations avec Madrid sur l'avenir de la Généralité.

Dans sa lettre au président du gouvernement espagnol, communiquée aux médias catalans, Carles Puigdemont ne répond pas directement à la question sur la proclamation d'indépendance et, au lieu de cela, suggère que Mariano Rajoy et lui-même se rencontrent le plus rapidement possible pour engager un dialogue dans les deux mois à venir.

"Notre offre de dialogue est sincère et honnête. Dans les deux mois à venir, notre objectif principal est d'engager un dialogue, et de faire en sorte que toutes les institutions internationales, espagnoles et catalanes, ainsi que les personnalités qui se sont montrées désireuses d'un dialogue puissent le mener", dit-il dans la lettre.

"De cette façon, nous vérifierons que chacune des parties veut bel et bien une solution négociée", ajoute-t-il.

TRAPERO DEVANT LA JUSTICE

Une proclamation d'indépendance déclencherait l'article 155 de la Constitution espagnole de 1978, en vertu duquel le gouvernement central peut imposer son administration directe à l'une des 17 communautés autonomes d'Espagne en cas d'infraction à la loi.

Le gouvernement central peut alors destituer l'administration régionale en place et mettre en place une autre équipe, prendre le contrôle de la police et des finances et convoquer des élections régionales anticipées.

Selon l'exécutif catalan, le "oui" à l'indépendance a recueilli 90% des voix lors du référendum du 1er octobre. Mais la majeure des opposants à l'indépendance ont boycotté ce scrutin, pour lequel la participation a été de 43%.

Le chef de la police catalane, Josep Lluis Trapero, a comparu lundi devant l'Audience nationale, la plus haute cour espagnole, pour dire si les Mossos d'Esquadra (policiers catalans) ont délibérément refusé de faire respecter l'interdiction du référendum décrétée par la justice espagnole.

Le procureur a requis son placement en détention, mais la Haute Cour s'est bornée à ordonner la confiscation de son passeport.

Trapero a été placé sous enquête pour sédition, mais pas formellement inculpé, pour ne pas avoir donné l'ordre de secourir des gardes civils qui étaient retranchés dans un bâtiment administratif de Barcelone, lors du référendum.

La Haute Cour a en revanche ordonné dans la soirée la détention de deux dirigeants d'organisation indépendantistes catalanes accusées de sédition.

Selon le procureur, Jordi Sanchez, chef de l'Assemblée nationale catalane (ANC), et Jordi Cuixart, dirigeant d'Omnium Cultural, une association qui oeuvre pour la promotion de la langue et de la culture catalanes, ont joué un rôle important dans l'organisation du référendum d'autodétermination du 1er octobre.

(Eric Faye, Jean-Stéphane Brosse et Tangi Salaün pour le service français)