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Deux suspects des attaques en Catalogne placés en détention

par Adrian Croft MADRID (Reuters) - Le juge espagnol chargé de l'enquête sur les attaques en Catalogne la semaine dernière a ordonné mardi le placement en détention de deux suspects, qui ont reconnu pendant leur comparution que la cellule djihadiste à laquelle ils appartenaient préparait un attentat de grande ampleur. Les deux hommes, Mohamed Houli Chemlal et Driss Oukabir, ont été inculpés pour appartenance à une organisation terroriste, meurtre et possession d'explosifs, lit-on dans un document judiciaire consulté par Reuters. Le juge Fernando Andreu a prolongé la garde-à-vue d'un troisième suspect, Salh El Karib, propriétaire d'un café internet à Ripoll, petit village au pied des Pyrénées d'où étaient originaires plusieurs membres de la cellule, le temps de mener des investigations supplémentaires. Un quatrième suspect, Mohamed Aalla, propriétaire de l'Audi utilisée lors de l'attaque à Cambrils, va être libéré sous conditions, précise l'acte judiciaire. Le procureur avait demandé le placement en détention des quatre hommes, présentés comme les seuls membres encore en vie d'une cellule de douze hommes responsable des attentats qui ont fait 15 morts. Tous les quatre ont comparu pour la première fois mardi devant l'Audience nationale, qui a compétence pour les faits de terrorisme. Ils avaient auparavant été transférés de Barcelone à Madrid. Les huit autres membres de la cellule ont trouvé la mort ou ont été abattus lors de la préparation ou de l'exécution des attaques. UN PROJET D'ATTENTAT DE GRANDE AMPLEUR La comparution intervenue mardi est la première d'un long processus judiciaire, et il faudra probablement des mois, voire des années, avant que se tienne le procès proprement dit. Lors de cette audition, deux des suspects ont déclaré que l'ancien "imam" de Ripoll était l'instigateur de l'attentat et que celui-ci devait à l'origine être de plus grande ampleur grâce à l'emploi d'explosifs, a-t-on appris de source judiciaire. Abdelbaki Es Satty, le "cerveau" présumé, est mort dans l'explosion d'une maison à Alcanar la nuit qui a précédé l'attaque sur les Ramblas à Barcelone. Un billet d'avion à destination de Bruxelles à son nom a été retrouvé dans la maison détruite, lit-on dans l'acte judiciaire. Les enquêteurs ont aussi saisi un document de l'organisation djihadiste Etat islamique, qui a revendiqué l'attaque. L'un des gardés-à-vue a par ailleurs déclaré au magistrat que les éléments devant servir à la confection de la bombe avaient été achetés en Espagne et dans des pays étrangers, a-t-on précisé de source judiciaire. De même source, on ajoute que Mohamed Houli Chemlal a confirmé que les djihadistes avaient bien l'intention de commettre un attentat à l'explosif de grande ampleur. Mohamed Houli Chemlal, l'un des deux hommes à avoir été finalement inculpé, a été arrêté après avoir été blessé dans l'explosion d'Alcanar. Les djihadistes y avaient amassé plus d'une centaine de bombonnes de gaz et du TATP, une substance explosive, en vue de l'attentat. Après l'explosion accidentelle, les djihadistes se sont rabattus sur un mode opératoire plus simple: l'attaque à la camionnette-bélier à Barcelone et celle à la voiture-bélier à Cambrils. Les enquêteurs ont établi que Younès Abouyaaqoub, un Marocain de 22 ans, était l'auteur de l'attaque qui a fait 13 morts et une centaine de blessés sur les Ramblas. Il a tué une 14e personne dans sa fuite avant d'être lui-même abattu par la police lundi en fin d'après-midi à Subirats, une commune située à une cinquantaine de kilomètres à l'ouest de Barcelone. ENQUÊTE INTERNATIONALE Le deuxième homme inculpé mardi est Driss Oukabir, qui s'est volontairement livré à la police. Son passeport a été retrouvé à l'intérieur de la fourgonnette utilisée à Barcelone. Son frère, Moussa, et quatre autres membres de la cellule ont été abattus par les forces de l'ordre après avoir foncé sur des policiers et des passants dans la nuit de jeudi à vendredi à Cambrils. Une femme a été tuée dans l'attaque. Driss Oukabir a clamé son innocence en affirmant que son frère lui avait volé son passeport. Ses explications n'ont manifestement pas convaincu le juge Andreu. L'enquête se poursuit par ailleurs au-delà des quatre hommes présentés mardi à la justice. Les enquêteurs cherchent notamment à déterminer si Younès Abouyaaqoub a bénéficié de complicités lors de sa cavale. "Il est clair qu'il a dû avoir une sorte de logistique", a dit Carlos Mundo, responsable de la justice au sein de l'exécutif régional de Catalogne, au micro de la radio catalane. L'enquête se poursuit également au niveau international. La police autonome de Catalogne a notamment demandé à la Belgique des informations sur le séjour près de Bruxelles d'Abdelbaki Es Satty au début de l'année dernière, ont déclaré les services du procureur fédéral. Hans Bonte, bourgmestre de la ville de Vilvoorde, a indiqué à la chaîne publique flamande VRT que l'ancien imam était venu pour chercher du travail. En France, où l'Audi utilisée à Cambrils a été flashée en excès de vitesse en région parisienne quelques jours avant les attentats, le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, a déclaré que la cellule djihadiste était inconnue des services de renseignement français. "Au départ, on ne connaissait pas cette cellule qui était exclusivement espagnole", a-t-il dit sur BFM TV. Citant une source proche de l'enquête, BFM TV rapporte que deux membres de la cellule djihadiste, Younès Abouyaaqoub et un des cinq assaillants de Cambrils, sont passés par la région parisienne le week-end précédant les attaques. Les deux hommes, ajoute la chaîne d'informations en continue, "ont passé la nuit dans un hôtel de la région parisienne avant de se rendre dans la capitale pour effectuer des achats dans un grand magasin". (avec Cyril Camu à Paris; Henri-Pierre André, Eric Faye et Tangi Salaün pour le service français)