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Casino livre des résultats 2017 et des prévisions jugés peu lisibles

par Pascale Denis

PARIS (Reuters) - Casino a publié jeudi des résultats 2017 en forte hausse grâce à des effets de change positifs et des crédits d'impôts au Brésil, livrant des chiffres et des prévisions jugés peu lisibles et sanctionnés par le marché.

Le distributeur a vu son résultat opérationnel courant (ROC) progresser de 20% à 1,24 milliard d'euros, conformément à sa prévision revue à la baisse en janvier lors de la publication de son chiffre d'affaires annuel. La marge opérationnelle augmente quant à elle de 40 points à 3,3%.

Mais hors taux de change et crédit d'impôts au Brésil, le ROC avance de seulement 5,2%, selon les analystes de Bernstein.

Pour Grégoire Laverne, gérant de Roche-Brune AM, "les chiffres bruts sont plutôt en ligne avec les attentes, mais incluent de nombreux éléments dont la récurrence reste à prouver".

"Les chiffres sont en trompe l’oeil", renchérit Sylvain Navarro, responsable de la vente marchés secondaires chez Invest Securities (plus-values de cessions en France et crédits d’impôt au Brésil), concluant à "une publication médiocre tant en niveau qu’en qualité, ne permettant pas de desserrer une contrainte financière toujours très prégnante".

Lors d'une conférence, le PDG du groupe Jean-Charles Naouri s'est attaché à rassurer, notamment sur les perspectives du groupe en France, son premier marché.

Il a assuré prévoir un retour à la rentabilité pour les hypermarchés Géant en 2018 - initialement annoncé pour 2017 - et indiqué que la réduction de leurs surfaces non alimentaires, très déficitaires, serait achevée d'ici à la fin 2018.

Le dirigeant a aussi estimé que Géant allait, dans la durée, profiter d'un "bon" positionnement de prix - derrière Leclerc mais devant les concurrents - et de l'installation progressive de "corners" CDiscount dans les magasins.

ENCORE D'IMPORTANTS CRÉDIT FISCAUX A ATTENDRE

"L'essentiel du repositionnement des formats est fait", a-t-il ajouté, indiquant que les supermarchés Casino et les enseignes de proximité Franprix étaient maintenant parvenus au niveau de rentabilité de Monoprix. Sans plus de détails.

Il a toutefois ajouté qu'au Brésil, des montants "significatifs" de crédits fiscaux étaient encore à attendre.

En Bourse, le titre Casino lâche -5,12% à42,03 euros à 14h22, après avoir cédé plus de 6% en matinée, alors que l'indice SBF 120 gagne 0,49% au même moment.

Le directeur financier a quant à lui promis que la dette financière nette (passée de 3,37 milliard à 4,1 milliards d'euros) allait baisser en 2018, même sans cession de Viavarejo.

La filiale brésilienne de produits électroniques, mise en vente à l'automne 2016, voit sa valeur augmenter avec la reprise économique et le processus de cession ne sera pas précipité, a également indiqué Antoine Giscard d'Estaing.

La prévision de Casino pour 2018 a elle aussi été jugée peu lisible. Le groupe a dit viser, en France, une progression organique de plus de 10% du ROC de ses activités de distribution, hors plus-values immobilières, et de plus de 10% également pour l'ensemble du groupe, hors crédits fiscaux.

"Casino inclut ces facteurs non opérationnels quand ils sont favorables et les exclut quand ils le sont moins", note Bruno Monteyne (Bernstein), qui souhaiterait que le groupe "fasse preuve de plus de constance".

Casino avait déjà été attaqué par le fonds Muddy Waters à la fin 2015 pour manque de transparence, pile de dettes et ingénierie financière masquant la baisse de ses performances.

Dégradé dans la foulée par l'agence S&P en catégorie spéculative, il avait été contraint de céder ses très rentables actifs asiatiques pour regagner la confiance des investisseurs.

En France, dont le poids est devenu crucial depuis ces cessions, Casino avait averti que la croissance de ses résultats 2017 serait inférieure à ce qu'il avait anticipé.

LE CONSENSUS DES ANALYSTES EST UN "PLANCHER"

Dans un marché toujours plombé par une féroce guerre des prix, où les ventes ont limité leur hausse à 0,8% en comparable, le ROC hors plus-values immobilières a finalement progressé de 10% à 464 millions d'euros, au lieu des 15% d'abord anticipés, pour une marge de 2,45%, contre 2,22% en 2016.

Le groupe semble toutefois avoir mis à profit son alliance dans les achats avec Intermarché, la réduction des surfaces non alimentaires de ses hypers, la cessions de magasins déficitaires et une poursuite de ses contrôles de coûts.

Dans le e-commerce, CDiscount a accru ses pertes à 27 millions d'euros (contre 11 millions en 2016), après des investissements accrus dans la logistique et le "big data".

En Amérique latine, le ROC a grimpé de 32,7% à 713 millions d'euros grâce à des crédits d'impôts au Brésil. Sans eux, la hausse ressort à 11,3%.

Interrogé sur le consensus des analystes sur le ROC 2018, Antoine Giscard d'Estaing a évoqué un chiffre "révisé à la baisse en janvier de 1,240 milliard d'euros" et estimé qu'il s'agissait là d'un "plancher".

Face aux visées d'Amazon en France, Casino a multiplié les efforts pour accélérer dans le digital.

Après un accord dans le e-commerce alimentaire avec le britannique Ocado, Monoprix va racheter Sarenza, spécialiste de la vente de chaussures en ligne pour mieux rivaliser avec le géant américain.

Le résultat net normalisé progresse de 9,0% à 372 millions d'euros et le dividende proposé est inchangé à 3,12 euros.

(Pascale Denis, avec Blandine Hénault et Sudip Kar-Gupta, édité par Jean-Michel Bélot)