CARTE. Syrie: qui contrôle quel territoire après la chute de Bachar al-Assad?

Un pays fragmenté par les affres de l'histoire. Quelques jours après le départ de Syrie et la chute de Bachar al-Assad, chassé de la capitale Damas par des forces islamistes et rebelles après 24 ans d'un règne sanguinaire, ces derniers semblent vouloir s'installer rapidement au pouvoir après la conquête d'une partie significative du territoire syrien, qui comporte les villes les plus importantes du pays.

Cette accession vers un contrôle total du pays ne semble toutefois pas si aisée. Depuis plusieurs années maintenant, la Syrie est ravagée par des luttes intestines entre factions armées et groupes ethniques ou religieux dont la présence devient de plus en plus forte et influente. À cela, il faut ajouter une ingérence étrangère forte, avec jusqu'à il y a peu la présence importante de la Russie et de l'Iran dans le pays.

"Ce qui est un peu fou, c'est de s'apercevoir aujourd'hui qu'on avait un État fantoche en Syrie qui déjà ne contrôlait pas toute une partie du territoire", analyse auprès de BFMTV Dorothée Schmid, responsable du programme Turquie et Moyen-Orient.

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"C'est un territoire qui s'est complètement fragmenté au fur et à mesure de la guerre avec des allégeances variables. Ces différentes factions se faisaient la guerre et, depuis six mois, on avait des retours de conflictualités partout sur le territoire syrien pour des raisons différentes. Il y a plein de guerres différentes qui se jouent en Syrie", ajoute-t-elle sur notre plateau.

Une large partie du pays contrôlé par les rebelles

En ce qui concerne l'avancée du groupe Hayat Tahrir Al-Cham (HTS), principale faction de rebelles et de ses alliés, celle-ci contrôlait une petite faction autour de la frontière turque fin octobre. C'est début décembre que les islamistes ont mis le cap au sud vers les villes d'Alep, Hama, homs puis enfin Damas. À date, ils contrôlent désormais de manière certaine une large bande dans l'ouest du pays allant de la frontière turque à, quasiment, celle d'Israël en longeant le Liban.

En revanche, le contrôle d'une large partie du territoire, notamment la partie centrale et la côte à l'ouest, où se trouvent des bases russes, reste plus incertain malgré la présence forte d'alliés d'HTS qui ont recemment repris la province de Deraa, au sud du pays.

C'est à cet effet qu'Israël a d'ailleurs indiqué avoir temporairement pris le contrôle d'une zone tampon démilitarisée sur les hauteurs du Golan, à la frontière des zones contrôlées par HTS et ses alliés. En revanche, les forces gouvernementales, désormais anciennement affiliées à Bachar al-Assad, ne semblent plus contrôler aucune partie du territoire à l'exception d'une poche située au nord du pays.

Tensions entre groupes turques et Kurdes

La situation reste sous tensions dans le nord et nord-est du pays. Depuis la chute de Daesh, une large partie du pays, dont les régions de Raqqa ou bien encore de Deir ez-Zor sont contrôlées par les forces kurdes.

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Cette zone s'étant le long de la frontière irakienne, mais surtout turque. Une situation qui en convient que très peu à Ankara, qui depuis des années s'emploie à financer et former "l'Armée nationale syrienne", composée de 28 groupes rebelles et qui compte dans ses rangs 80.000 hommes.

"Je travaille beaucoup sur la Turquie qui aujourd’hui nous dit quelle veut protéger l’intégrité territoriale de la Syrie mais qui est présente sur toute une partie du territoire", signale encore Dorothée Schmid.

Ces derniers jours, des affrontements ont eu lieu entre Kurdes et forces soutenues par la Turquie, notamment autour de la ville de Manbij. Si les deux camps disent avoir repris certaines parties de la ville, la BBC souligne que des combats se poursuivent dans certains quartiers.

De fait, les factions téléguidées par Ankara disposent d'une zone située au nord-est de celle contrôlée par HTS, le long de la frontière avec la Turquie. Elles disposent également d'une enclave en territoire kurde, au nord, également le long de la frontière avec la Turquie.

Présence étrangère et ombre de Daesh

Allié de longue date du régime d'al-Assad, la Russie possède plusieurs bases à l'avenir incertain sur le territoire syrien dont la base navale de Tartous, qui date de l'Union soviétique, et cette aérienne de Lattaquié, créée après son intervention en 2015.

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Ces deux bases sont des atouts militaires majeurs pour le Kremlin, et sont "des points de ravitaillement essentiels aux opérations militaires russes en Libye, au Sahel et en République centrafricaine."

Pour leur part, les États-Unis possèdent également une base, nommée al-Tanf, située à la frontière avec l'Irak et la Jordanie. Autour de celle-ci se situe une "zone de désescalade" d'un rayon de 55 kilomètres.

En outre, il ne fait pas oublier la présence, parcellaire, de Daesh qui pourraient tenter de profiter d'un potentiel chaos pour reconquérir des territoires et faire libérer ses combattants emprisonnés en zone kurde.

Ses combattants sont aujourd'hui terrés en petites cellules dans le désert de l'Est du pays. Dimanche, Washington a mené "des dizaines de frappes aériennes" visant "plus de 75 cibles" de ces djihadistes. Dans sa revue officielle Al-Naba, l'EI refuse par avance toute forme de pouvoir à Damas autre que le sien.

Article original publié sur BFMTV.com