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Cannes 2017 : avec Okja, Bong Joon Ho a "vraiment insisté pour avoir le final cut"

AlloCiné : Vous qui êtes si célèbre pour vos films de genre parfois assez violents, c’est avec un film familial, Okja, que vous accédez à la compétition officielle du Festival de Cannes. Êtes-vous surpris ?

Bong Joon Ho : Effectivement, j’ai été assez surpris au départ. Il faut dire qu’il y a des films très différents dans la compétition. Mais soyons francs : je l’ai été encore plus que le film fasse tant parler de lui par la polémique née de la présence de films distribués par Netflix au Festival de Cannes. Cependant, je me suis toujours effectivement considéré comme un réalisateur de films de genre, même si je ne sais pas très bien ce que cela signifie. Peut-être par opposition à des films d’art. Mais je n’aime pas beaucoup la distinction entre les deux.


On sent l’influence du studio Ghibli sur Okja. Quelles étaient vos principales sources d'inspiration pour ce film ?

Bien sûr, je me suis bien plus inspiré de Ghibli que de Disney. Je suis un très grand fan des films de Myiazaki. Pas seulement pour Okja, d’ailleurs, pour tous mes film! Mais, le paradoxe, c’est que j’ai essayé de faire en sorte qu'Okja ne soit pas cartoonesque. Je voulais que ma créature soit très réaliste, c’est pour ça que  nous avons mis beaucoup de soin dans la conception de son anatomie : les os, la chair, etc. On me parle souvent de Totoro, mais la texture est différente. Totoro, c’est une peluche : il est plein de poils, moelleux ! En y repensant, au cours de mon enfance, il y a un moment où j’ai été séparé de mon chien, au cours d’un déménagement. Et pendant longtemps, cette douleur de la séparation m’a beaucoup affecté. J’ai puisé là-dedans en réalisant Okja, surtout la scène où Mija court derrière le camion qui emporte Okja dans la montagne.

Qu’essayez-vous de dire aux spectateurs avec ce conte?

Qu’il faut écouter la voix des animaux. Au début, c’est la petite Mija qui chuchote à l’oreille d’Okja. A la fin, c’est le contraire. Ils ont des choses à nous dire. Je ne suis pas végétarien, moi-même. Mais même si nous continuons à manger de la viande, il faut remettre en question ce système qui pose un vrai problème. Il faut respecter ce qu’on mange. Ce massacre à grande échelle, on doit y réfléchir. La viande n’est pas un produit de masse. En tout cas, n’allez pas croire que j’ai fait mon film pour mes enfants. Je n’ai qu’un seul fils et il a vingt-et-un ans ! (Rires)

Cannes 2017 : selon Tilda Swinton et Jake Gyllenhaal, "Okja est le seul personnage qui ne se trompe jamais"

Comment arrivez-vous à transformer de grands acteurs dramatiques tels que Jake Gyllenhaal et Tilda Swinton en véritables bouffons ?

Le personnage que joue Jake Gyllenhaal est encore plus extrême que celui qu’il avec joué dans Night Call. Il était fou, mais bien plus calme, tout en retenue. Dans Okja, il explose complètement. C’est une folie qui s’observe de l’extérieur. J’avais très envie de le montrer sous un jour jamais vu auparavant. C’était très difficile parce que c’est un grand acteur que le public a déjà pu voir dans bien des rôles, très variés. Dans mon film, il a les aspects extrêmes d’un personnage de bande-dessinée. Et - je ne m’en suis aperçu qu’au montage -, il a aussi parfois des expressions de personnage blessé. Ça se remarque par petites touches subtiles qu’on ne repère qu’en voyant le film plusieurs fois. Il faut lire entre les lignes. Pour Tilda, elle était embauchée dès le départ puisqu’elle a même coproduit  le film. En faisant Snowpiercer, Le Transperceneige, on est devenus très proches. Elle fait partie de la famille, maintenant. On a discuté ensemble des deux personnages qu’elle incarne dans Okja, Lucy et Nancy. Elle a même écrit certains dialogues elle-même !


Vous appartenez à une génération de cinéastes sud-coréens très talentueuse. Mais parmi vos confrères, seul vous avez réussi à vous exporter à l’international. Pourquoi, selon vous ?

Je ne sais pas ce qu’on peut considérer comme un échec ou comme un succès pour mes confères, et je ne sais pas non plus si j’y suis vraiment mieux parvenu que d’autres. En tout cas, pour mes deux derniers projets, j’ai eu autant de soucis que pour mes autres films. Le principal, c’était de conserver le final cut. En travaillant avec Netflix pour Okja, j’ai vraiment insisté pour avoir le final cut et les mains libres pour la créativité artistique. En travaillant précédemment avec les frères Weinstein, j’ai dû batailler beaucoup plus pour conserver cette liberté. Il avait alors été décidé que Snowpiercer, Le Transperceneige n’allait sortir que de façon limitée aux Etats-Unis. Donc, entre cette sortie limitée et mon dernier long métrage en streaming, mes deux derniers films n’ont finalement pas vraiment eu de grande sortie cinématographique. Mais pour moi, le plus important, c’était de conserver un contrôle total sur mes œuvres. Mon agent précédent me poussait toujours à faire des films de franchises. Bien évidemment, je persistais à dire non, c’est d’ailleurs pour cela que j’en ai changé. (Rires)

Il y a une scène post-générique, dans Okja. Annonce-t-elle une suite ?

Oui, la scène dans le bus, je l’ai tournée comme pour annoncer un deuxième film. Si les producteurs et Netflix sont partants, la suite se fera. Par contre, ça ne sera pas moi qui la réaliserai parce que j’ai d’autres films à faire. Mais je verrais bien une réalisatrice comme Houda Benyamina [La réalisatrice de Divines, Caméra à d’Or au Festival de Cannes 2016, ndlr] s’y essayer. Je ne l’ai jamais rencontrée mais elle est a beaucoup de talent.

Découvrez la bande annonce d'Okja, dernier film de Bong Joon Ho