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Cannes 2002: "Frère et Sœur" d'Arnaud Desplechin, le premier film français de la compétition

Marion Cotillard dans
Marion Cotillard dans

Cannes, jour 4. Les Français entrent dans la compétition. Arnaud Desplechin retrouve ce vendredi les honneurs de la sélection officielle trois ans après Roubaix, une lumière. Le réalisateur vient présenter Frère et sœur (en salles ce vendredi), un drame où Marion Cotillard et Melvil Poupaud incarnent une fratrie qui se déchire.

Alice (Cotillard) est actrice, Louis (Poupaud) fut professeur et poète. Alice hait son frère depuis plus de vingt ans. Ils ne se sont pas vus depuis tout ce temps – quand Louis croisait la sœur par hasard dans la rue, celle-ci ne le saluait pas et fuyait... Le frère et la sœur vont être amenés à se revoir lors du décès de leurs parents.

Cette histoire a été conçue dans la douleur, après la présentation houleuse de Roubaix, une lumière à Cannes, raconte à BFMTV Arnaud Desplechin: "J'étais malheureux comme tout parce que les critiques n'avaient pas compris mon film. C'était terrible. Et j'ai commencé à écrire Frère et Sœur."

Un film "obsédé" par la haine

Avec Frère et Sœur, les connaisseurs du cinéma d'Arnaud Desplechin ne seront pas dépaysés. L'histoire s'inspire de la structure de Rois et Reine (2004) et convoque des personnages vus dans Un conte de Noël (2008).

"J'avais déjà fait un film avec la même famille dans Un conte de Noël", raconte Arnaud Desplechin. "J'avais laissé à l'époque une sœur qui s'appelait Elisabeth [jouée par Anne Consigny, NDLR] et qui détestait son frère. Je n'avais pas réussi à régler la question." Quatorze ans après, il règle cette question avec un film "obsédé" par l'idée de la haine.

"Alice est perdue dans sa haine. Elle ne sait même plus qui elle déteste. Tout le film a été fait pour délivrer Alice. C'est ce que nous avons réussi à faire avec Marion."

La thématique de la haine est récurrente dans l'œuvre d'Arnaud Desplechin, de Comment je me suis disputé... à Roubaix, une lumière. "C'est peut-être parce que je suis obsédé par la question du pardon", sourit le cinéaste, qui espère apporter "une réponse humble" à cette question fondamentale, "comme dans les contes."

"Mille-feuille d'émotions et de sensations"

Frère et Sœur se déroule dans la ville de Roubaix, dont Arnaud Desplechin est originaire, et qui est au centre de tous ses films. "Il a toujours fait de Roubaix une ville très cinématographique, alors qu'on n'imagine pas ça comme ça", note Melvil Poupaud. "Ce n'est pas New York! Il arrive par son cinéma qui n'est pas naturaliste à transformer des choses réelles et de la vie quotidienne en cinéma."

"C'est un territoire humble et je trouve ça très bien de descendre de mon piédestal", confie Desplechin. "Ça me plaît de me souvenir que je viens de là, comme Philip Roth avec sa ville natale de Newark." "J'avais l'impression d'aller à son essence", poursuit Marion Cotillard. "Il y avait quelque chose de très vibrant dans le fait de tourner là-bas."

Véritable "mille-feuille d'émotions et de sensations" selon Melvil Poupaud, Frère et Sœur évoque la frontière très fine entre l'amour et la haine. "La haine n'est jamais qu'un visage malheureux de l'amour", rappelle Arnaud Desplechin. "Il y a énormément d'amour entre [nos personnages], et peut-être trop", confie Marion Cotillard. "C'est pour ça qu'ils ont besoin de briser cet amour pour exister hors de cette fraternité."

Un jeu de contraste stimulant pour les comédiens, renchérit l'actrice oscarisée: "Arnaud aime le contraste, raconter des choses très dramatiques avec légèreté. Ca donne une profondeur assez unique, qui définit bien son cinéma."

"Une préparation assez unique"

Marion Cotillard reste marquée par son rôle dans Frère et Sœur, un rôle "complet, profond, d'une complexité abyssale", comme aime le définir le metteur en scène. Elle a été troublée aussi de devoir incarner pour la première fois de sa carrière "un couple qui ressent une émotion que l'on peut qualifier de négative":

"C'est la première fois que j'ai eu besoin de mettre beaucoup de distance avec [mon partenaire de jeu]", complète-t-elle. "J'ai mis beaucoup de distance sur le tournage avec Melvil, alors que j'ai plutôt tendance à créer un lien, à avoir une familiarité. Je sentais que c'était quelque chose que j'avais besoin d'éviter."

"Elle a eu une préparation assez unique pour faire le film", salue Melvil Poupaud. "Tout le monde qui travaille sur un film d'Arnaud se sent investi d'une mission pour que le film soit plus près de son inspiration. Je pense que ça se ressent dans le film."

Article original publié sur BFMTV.com