Canicule: une veuve attaque l'État en justice après la mort de son mari chauffagiste cet été

Un ouvrier se rafraîchit à Mérignac, le 14 juin 2022. - PHILIPPE LOPEZ / AFP
Un ouvrier se rafraîchit à Mérignac, le 14 juin 2022. - PHILIPPE LOPEZ / AFP

Sous 40 degrés le 4 juillet dernier, un chauffagiste de la Marne, âgé d'une cinquantaine d'années, était victime d'une crise cardiaque. Peu avant, il avait accepté la demande exceptionnelle de son patron - il n'était pas manutentionnaire - de décharger un camion sous un soleil de plomb. D'abord pris en charge par les pompiers et transporté au CHU de Reims, le pire avait été évité. L'homme était ressorti de l'hôpital en bonne forme, après qu'un stent lui ait été posé.

Mais le 16 juillet, son état de santé s'était subitement aggravé, et il était finalement mort des suites de sa crise cardiaque. D'après le médecin légiste qui l'a examiné, les causes de son décès n'ont rien à voir avec l'effort physique qu'il a fourni, mais sont liées à la chaleur qui régnait ce jour-là, à l'origine d'une hyperthermie sévère maligne. Conclusion? L'homme est une des victimes des nombreuses canicules qui ont rythmé l'été 2022, le deuxième plus chaud jamais enregistré depuis 1900.

"On est dans le droit-fil de la condamnation de l'État"

S'appuyant sur ce constat, sa veuve a décidé de poursuivre l'État en justice pour inaction climatique. Le 10 novembre, une requête a été déposée au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne. La requérante demande également une indemnisation au titre d'un préjudice écologique.

"C'est un recours administratif pour inaction climatique. On est dans le droit-fil de la condamnation de l'État pour inaction climatique", a évoqué ce mardi sur BFMTV maître Emmanuel Ludot, l'avocat de la veuve.

Avant de poursuivre: "C'est la preuve aujourd'hui que les premières victimes du réchauffement climatique sont les Français et les Françaises les plus défavorisés, qui travaillent à l'extérieur, qui font des métiers difficiles, et qui vont mourir dans les années à venir car le code du travail n'est pas adapté aux nouvelles conditions climatiques".

La mort des suites de la chaleur de ce chauffagiste de la Marne n'est pas un cas isolé. Durant l'été 2022, sept accidents du travail mortels en lien possible avec la chaleur ont été notifiés à la Direction générale du travail. Trois de ces incidents ont touché des personnes exerçant dans le secteur de la construction.

10.420 décès supplémentaires cet été

De manière plus générale, la surmortalité, à comprendre la différence entre les décès attendus et ceux observés sur une période, a été particulièrement importante durant l'été 2022, marqué par des canicules à répétition, selon les derniers chiffres publiés par Santé Publique France.

Du 1er juin au 15 septembre, un excès de 10.420 décès a été enregistré, imputable à la chaleur, mais également en lien avec l'épidémie de Covid-19. Sur les périodes de canicule uniquement, une surmortalité de 2816 décès a été enregistrée par Santé Publique France concernant les personnes âgées vulnérables.

Pour ce qui est des recours aux soins, 20.000 ont été observés durant la saison estivale. Les passages aux urgences ont été multipliés par deux, les appels à SOS Médecins par trois. Sébastien Denys, directeur environnement travail à Santé Publique France, évoque des patients présentant "des indicateurs très en lien avec la chaleur, de la déshydratation, une hyperthermie, une déficience en sodium...".

Contestation de la Caisse d'assurance maladie

Après le chagrin, la veuve du chauffagiste mort cet été dans le Marne souhaite que le drame vécu par son mari serve d'exemple, et débouche sur une meilleure prise en compte des effets du réchauffement climatique sur les ouvriers du bâtiment.

"Il y a aussi derrière cette procédure le souhait que cet homme ne soit pas mort pour rien, qu'il y ait une prise en compte au niveau des gouvernements pour que le code du travail soit réformé, qu'il soit adapté aux nouvelles conditions, qu'on ne puisse plus obliger ces personnes à se mettre en pleine chaleur", a indiqué sur BFMTV maître Emmanuel Ludot.

"L'État n'est pas responsable de la chaleur, mais d'une absence de moyens pour nous protéger de la chaleur, et protéger les Français et Françaises les plus fragiles", a-t-il ajouté.

Preuve s'il en fallait une de cette nécessaire prise de conscience, les services de l'État contesteraient actuellement les raisons derrière la mort du chauffagiste marnais.

"Sachez que la Caisse d'assurance maladie conteste aujourd'hui que c'est un accident du travail. Elle dit que c'est la faute à pas de chance. C'est gravissime", a conclu sur notre antenne Me Ludot.

Article original publié sur BFMTV.com