Facebook: Zuckerberg sort de son silence et présente ses excuses

Facebook a commis des erreurs qui ont permis à la société Cambridge Analytica de collecter des informations personnelles auprès d'utilisateurs du réseau social, a déclaré mercredi son directeur général, Mark Zuckerberg. /Photo d'archives/REUTERS/Stephen Lam

par David Ingram

SAN FRANCISCO (Reuters) - Mark Zuckerberg est sorti de son silence et a reconnu que Facebook avait commis des erreurs qui ont permis à la société Cambridge Analytica de collecter des informations sur des dizaines de millions d'utilisateurs du réseau social.

Ses propos, mercredi soir, n'ont toutefois pas suffi à endiguer la baisse du titre en Bourse, qui a perdu depuis lundi environ 10% à Wall Street.

Le fondateur de Facebook n'avait pas encore réagi aux révélations sur le siphonnage, en 2014, des données relatives à 50 millions d'abonnés du réseau social par le cabinet londonien de marketing politique Cambridge Analytica, qui a travaillé avec l'équipe de campagne de Donald Trump.

Dans un communiqué publié sur sa page puis multipliant les interventions dans les médias américains, Mark Zuckerberg a présenté des excuses aux utilisateurs de la plate-forme et a reconnu que sa société avait "commis des erreurs".

Il a également promis d'enquêter sur les milliers d'applications qui se servent de Facebook comme plate-forme, de restreindre l'accès des développeurs aux données et de donner la possibilité aux membres du réseau de désactiver plus facilement la fonction permettant d'accéder à leurs informations.

Ces mesures ne représentent pas une modification en profondeur du modèle économique de la société, qui s'appuie sur sa capacité à fournir des informations ciblées aux annonceurs.

"Je ne pense pas que nous allons nous écarter du modèle publicitaire", a déclaré le directeur général de Facebook, indiquant par ailleurs ne pas avoir observé un mouvement significatif de fermetures de comptes Facebook depuis les premières révélations, le week-end dernier.

L'accès à la plate-forme, a souligné Mark Zuckerberg, doit rester "très bon marché ou gratuit".

LES ETATS S'IMPATIENTENT

Plusieurs Etats européens ont exprimé leur insatisfaction face à la réponse du PDG de Facebook et réaffirmé la nécessité d'une plus grande régulation.

"Ce n'est pas à (Facebook) de décider quel est l'équilibre approprié entre la vie privée, l'innovation et l'utilisation des données. Ces règles devraient être établies par la société dans son ensemble et donc par le Parlement", a dit le ministre britannique chargé du numérique, Matt Hancock, à la BBC.

La ministre allemande de la Justice, Katarina Barley, a demandé à Facebook de dire si les 30 millions d'utilisateurs allemands du réseau social avaient été touchés par l'affaire Cambridge Analytica. Israël a également promis d'enquêter.

Dans une interview accordée à CNN, Mark Zuckerberg s'est dit ouvert à de nouvelles mesures de régulation et prêt, s'il est la bonne personne, à témoigner devant le Congrès.

"Je ne suis pas certain qu'il ne devrait pas y avoir de régulation", a-t-il dit. "La question est plus de savoir quelle est la bonne régulation (...). Les gens devraient savoir qui achète les publicités qu'ils voient sur Facebook."

Le fondateur de Facebook s'est également dit convaincu que des entités étaient en train d'essayer de s'immiscer dans des processus électoraux via Facebook et a ajouté que son entreprise s'engageait à stopper ces ingérences dans des élections, citant notamment les élections américaines de mi-mandat, en novembre prochain, et les scrutins en Inde et au Brésil.

Suspendu mardi, le directeur général de Cambridge Analytica a affirmé dans un enregistrement vidéo réalisé en caméra cachée que son cabinet d'analyse avait joué un rôle décisif dans la victoire de Donald Trump en novembre 2016 lors de la campagne présidentielle américaine.

OBJECTIF DE COURS RÉDUIT

L'affaire Cambridge a plongé Facebook dans la tourmente.

Le titre a perdu en trois jours plus de 45 milliards de dollars de capitalisation, entraînant dans son sillage d'autres grands noms du secteur des réseaux sociaux tels que Twitter ou Snap. Une heure après l'ouverture jeudi à Wall Street, il cédait encore plus de 1%.

La société de conseil Stifel a réduit son objectif de cours de 27 dollars, à 168 dollars. C'est la quatrième grande maison de courtage de Wall Street à prendre une telle décision cette semaine, en raison de l'incertitude engendrée par ces révélations.

"La situation actuelle de Facebook nous rappelle celle d'eBay en 2004 : une société de contenu mal structurée reposant sur la confiance et qui perd cette confiance, avant de mettre en place des politiques visant à renforcer sa structure et ses procédures", écrit l'analyste de Stifel Scott Devitt dans une note.

Christopher Wylie, ancien employé de Cambridge Analytica à l'origine des révélations sur le détournement, a déclaré sur Twitter qu'il avait accepté de témoigner devant des parlementaires au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.

Quant à Aleksandr Kogan, l'universitaire britannique désigné par Facebook et Cambridge Analytica comme étant à l'origine du scandale, il s'est efforcé mercredi de minimiser son rôle, affirmant servir de "bouc émissaire" aux deux entreprises.

C'est ce professeur de psychologie à l'Université de Cambridge qui a créé une application fonctionnant avec les identifiants Facebook des internautes. Téléchargée par 270.000 personnes, elle a permis d'avoir accès à leurs données personnelles mais aussi à celles de leurs "amis".

(avec Dustin Volz et David Shepardson à Washington et Kate Holton à Londres, Nicolas Delame, Henri-Pierre André et Jean-Stéphane Brosse pour le service français, édité par Gilles Trequesser)