A Calais, Macron contre-attaque sur sa politique migratoire

Emmanuel Macron a exprimé mardi, lors d'une visite à Calais, sa confiance "sans faille" aux forces de l'ordre mises en cause par des associations de défense des migrants, fustigeant des "mensonges" et appelant les militants à la responsabilité. /Photo prise le 16 janvier 2018/REUTERS/Michel Spingler

par Marine Pennetier

CALAIS, Pas-de-Calais (Reuters) - Critiqué depuis un mois pour sa politique migratoire jugée "inhumaine", Emmanuel Macron a contre-attaqué mardi en défendant ses choix politiques et en apportant son soutien aux forces de l'ordre mises en cause par des organisations de défense des droits de l'homme.

En visite à Calais (Pas-de-Calais), ville symbole de la crise migratoire de ces dernières années, le chef de l'Etat a mis en avant l'équilibre du futur projet de loi asile et immigration, qui sera présenté en conseil des ministres en février, lors d'un discours offensif de près d'une heure.

"Notre ligne est claire : à chacun nous devons garantir un accueil digne et humain, à tous nous devons donner une réponse rapide (...) mais à ceux qui ne sont pas admis nous devons faire en sorte qu'ils regagnent effectivement leur pays", a-t-il réaffirmé devant les forces de l'ordre rassemblées dans une caserne de la ville.

Cette ligne est dénoncée par les associations et les organisations de défense des droits de l'homme et la gauche qui accusent le couple exécutif de privilégier le sécuritaire à l'humanitaire et d'aller plus loin que ce qui avait été fait sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

L'action des forces de l'ordre à Calais est dans le même temps pointée du doigt depuis un an. Human Rights Watch (HRW) a notamment accusé l'été dernier les forces de l'ordre d'utiliser du gaz irritant, de confisquer les couvertures ou de perturber la distribution de l'aide humanitaire.

Le Défenseur des droits Jacques Toubon avait dénoncé à l'époque des "atteintes aux droits fondamentaux" des migrants à Calais "d'une exceptionnelle et inédite gravité", des "conditions de vie inhumaines" et une "sorte de traque".

"MENSONGES ET MANIPULATIONS"

Des accusations rejetées par Emmanuel Macron qui s'est ému des "approximations" sur l'action des quelque 1.130 policiers et gendarmes déployés à Calais, "parfois les mensonges, souvent les manipulations, qui ne visent qu'au final un seul but : mettre à mal la politique mise en oeuvre par le gouvernement."

"Je ne laisserai personne caricaturer (votre) travail", a-t-il dit aux forces de l'ordre. "Ce travail que vous faites au quotidien, pour qui le faites-vous? Les Françaises et les Français (...) Je ne tolérerai jamais qu'on travestisse la vérité".

Soit les fait dénoncés relèvent de la diffamation et des poursuites seront engagées, soit les faits sont avérés et la "justice passera", a-t-il poursuivi, appelant les forces de l'ordre à l'exemplarité, au "respect absolu" de la déontologie policière et du droit.

"Si manquement il y a, des sanctions seront prises, ma réaction sera proportionnelle à la confiance sans faille que nous plaçons en vous".

Une semaine après la couverture de l'Obs faisant figurer le visage d'Emmanuel Macron encadré de fils barbelés dans des couleurs rouge blanc et noir rappelant celles de l'Empire allemand, le chef de l'Etat a revendiqué un "langage et un message de vérité".

"Si les migrants n'acceptent pas les propositions de mise à l'abri qui leur sont faites systématiquement, s'ils refusent les prises d'empreintes (...), s'ils commettent des infractions, ils le font en toute connaissance de cause", a-t-il dit. "Rester à Calais (...) constitue une impasse, l'alternative passe par l'accueil dans des centres d'hébergement où la situation de chacun sera examinée", a-t-il ajouté.

Une circulaire va être prise pour permettre "d'avoir une sanction, une peine de prison pour ceux qui aujourd'hui n'obtempèrent pas" concernant la prise d'empreintes, a-t-il précisé un peu plus tard.

Calais n'est pas "une porte d'entrée dérobée vers l'Angleterre (...) en aucun cas nous ne laisserons ici se développer des filières et se reconstituer une 'Jungle'", a-t-il prévenu, quatorze mois après le démantèlement du camp.

PRIME EXCEPTIONNELLE ET PRISE EN CHARGE DES REPAS

A quelques heures d'une réunion avec des associations de migrants, au cours de laquelle des acteurs ont exprimé un "malaise" et des "inquiétudes", le chef de l'Etat a appelé tout le monde à la responsabilité.

"Toujours nous défendrons les associations qui vont au contact, apportent les services élémentaires, protègent", a-t-il dit. Mais "à chaque fois qu'on dit (à une personne) lorsqu'elle est emmenée dans un centre d'accueil que c'est la police qui l'attend, on lui ment, et c'est ce mensonge qui nuit à notre efficacité collective et à l'humanité que nous devons à ces personnes".

Seules véritables annonces du discours, l'octroi d'une prime exceptionnelle aux policiers et gendarmes déployés en permanence dans le Calaisis, et la prise en charge par l'Etat de la distribution de repas aux migrants de Calais, actuellement assuré par les associations.

"Ca nous paraît très bien mais nous attendons de voir concrètement ce que cela va donner", a réagi Christian Salomé, président de l'Auberge des migrants, une des associations qui a décliné l'invitation à échanger avec le chef de l'Etat dénonçant une rencontre "alibi".

Le déplacement du chef de l'Etat à Calais survient deux jours avant un sommet franco-britannique au cours duquel la délicate question du traité du Touquet conclu en 2003, qui place la frontière britannique à Calais et que Paris souhaite amender, devrait notamment être évoquée.

Il y a "plusieurs éléments que nous devons améliorer dans notre gestion commune" avec Londres, a estimé Emmanuel Macron, citant la question des mineurs isolés, le renforcement de la coopération policière et le déblocage de fonds pour financer des "projets importants pour le développement" du Calaisis.

(avec Matthias Blamont à Paris, édité par Yves Clarisse et Tangi Salaün)