L'ancien président Laurent Gbagbo de retour en Côte d'Ivoire après dix ans d'exil

par Ange Aboa et Loucoumane Coulibaly

ABIDJAN (Reuters) - L'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo est arrivé jeudi par avion à Abidjan en provenance de Bruxelles, marquant son retour au pays pour la première fois depuis qu'il a été chassé du pouvoir en 2011, alors que des foules se sont massées à travers la capitale pour saluer son arrivée.

Un petit nombre de fidèles de l'ancien chef d'Etat, autorisés à entrer à l'aéroport, ont exulté lorsque l'avion de Brussels Airlines a atterri. En d'autres endroits d'Abidjan, la police a fait usage de gaz lacrymogène lors de légers heurts avec de larges groupes de partisans de Laurent Gbagbo.

"Je suis ravi de revenir en Côte d'Ivoire et en Afrique", a déclaré l'ancien chef de l'Etat, vêtu d'un t-shirt bleu et d'un masque de protection sanitaire. "Je suis ivoirien mais j'ai appris en prison que j'étais d'Afrique. Toute l'Afrique me soutient", a-t-il ajouté devant des partisans.

Un fort contingent de policiers était présent à Abidjan afin d'éviter toute violence, même si le gouvernement du président Alassane Ouattara et les partisans de Gbagbo ont dit espérer que son arrivée contribue à la réconciliation du pays.

Dans le district de Yopougon à Abidjan, considéré comme un fief de Gbagbo, des centaines de personnes ont manifesté dans la rue pour saluer son retour. Un groupe a scandé "Gbagbo arrive, nous allons l'installer", tandis que d'autres ont crié "Respectez le pouvoir de Gbagbo" depuis des mini-vans se dirigeant vers l'aéroport.

"C'est un grand jour pour moi d'aller accueillir Gbagbo", a déclaré Liliane Kokora, qui portait un t-shirt à l'effigie de l'ancien président.

Arrivé au pouvoir en 2000, Laurent Gbagbo a été arrêté au terme de la brève guerre civile survenue après qu'il a refusé d'accepter sa défaite électorale face à son rival Alassane Ouattara en 2010. Les violences, qui se sont déroulées sur fond d'animosités ethniques et régionales, ont fait plus de 3.000 morts.

En 2019, Laurent Gbagbo a été acquitté par la CPI des accusations de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité pour son rôle dans ces violences, une décision confirmée en mars dernier par la chambre d'appel de La Haye.

Le retour de Gbagbo intervient après de longues négociations entre ses partisans et le gouvernement. Si ce dernier s'est plaint de ne pas avoir été consulté sur la date de retour, il a finalement indiqué que Laurent Gbagbo serait accueilli dans l'intérêt de la réconciliation nationale.

L'ancien président, qui conserve un soutien ferme parmi ses partisans, devra encore faire face à une condamnation à 20 ans de prison par contumace prononcée en novembre 2019 par un tribunal ivoirien pour détournement de fonds de la Banque centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest (BCEAO).

En avril, le président Alassane Ouattara avait déclaré que Laurent Gbagbo était libre de revenir, sans préciser toutefois s'il avait été gracié.

(Loucoumane Coulibaly, avec la contribution d'Ange Aboa; version française Diana Mandiá, édité par Blandine Hénault et Jean Terzian)