Bégaiement

Comme un sinistre flash-back : la Marche pour l’égalité et contre le racisme quitte Marseille le 15 octobre 1983, un mois après le premier «grand» succès électoral du Front national à Dreux. Ces jeunes des banlieues qu’on n’appelait pas encore quartiers dénonçaient les discriminations et violences policières dont ils étaient des victimes régulières.

Trente ans plus tard, l’histoire bégaie à Brignoles et la France ne sait toujours pas vivre avec ses enfants nés de l’immigration.

En 1983, le pays (et ce journal notamment) avait cru que la «Marche des beurs», devenue un fleuve de 100 000 manifestants à Paris, allait changer l’histoire et la fabrique de la France. Un vieux pays réalisait que les immigrés avaient eu des enfants et qu’être français se déclinait sous d’autres couleurs qu’Astérix le Gaulois.

Une génération plus tard, cette diversité française est-elle devenue une évidence ? Samia Ghali a certes gagné la primaire socialiste à Marseille, mais le parti se regroupe derrière Patrick Mennucci. Les banlieues restent des lieux d’exclusion, une adresse dans le «93» plombe le meilleur des CV. Quant aux rapports des enfants des quartiers avec la police, souvent le seul visage de l’Etat en banlieue, ils demeurent aussi haineux et conflictuels. Une fois au gouvernement, les socialistes ont enterré leur promesse de récépissé pour les contrôles d’identité ou de droit de vote des étrangers - promis par Mitterrand aux marcheurs de 1983.

Eux qui alors faisaient «une déclaration d’amour à la France». Qu’elle leur a bien mal rendue.

Retrouvez cet article sur Liberation.fr

«On s’est dit que, face à la peur et à la haine, il existait une volonté de vivre ensemble»
Quand les cités comptaient leurs morts
L’intégration, un oubli de trente ans
«Marche des beurs» : changement de pied
Serge Dassault, les détours du fils prodigue