Sur le Budget de la Sécu, le gouvernement Barnier désavoué par ses propres députés

Le « socle commun » censé soutenir l’exécutif a infligé un camouflet budgétaire au gouvernement.

Le ministre du Budget Laurent Saint-Martin photograhié à l’Assemblée nationale le 24 octobre (illustration)

Avec des alliés comme ça, Michel Barnier n’a pas besoin d’adversaires. Ce mercredi 30 octobre, les macronistes, la droite et le Rassemblement national ont infligé un camouflet budgétaire au gouvernement, en supprimant du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) une refonte des cotisations patronales censée rapporter 4 milliards d’euros. Le gouvernement espère désormais en rediscuter au Sénat.

Sur la réforme des retraites, le Rassemblement national s’est piégé à son propre jeu

Il s’en est fallu de peu : avec 170 voix contre 162, le camp gouvernemental a infligé une défaite… au gouvernement. Un revers remarquable, sur un article clé du budget de la Sécurité sociale pour 2025. Rebelote en début de soirée, sur un autre article visant spécifiquement l’apprentissage et les start-up. Là aussi, l’Assemblée a retoqué les hausses de cotisation voulues par le gouvernement, grâce aux voix du RN et d’une partie du camp gouvernemental, plus divisé cette fois.

L’exécutif a touché une corde sensible en s’attaquant aux exonérations de cotisations patronales, dont le montant a doublé en dix ans et tutoie aujourd’hui les 80 milliards d’euros. Ces aides « deviennent trop coûteuses », a souligné la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet, pour justifier d’en revoir le barème, sur la base de plusieurs rapports récents. « Ce n’est pas un retour en arrière, c’est un freinage », a plaidé son collègue du Budget Laurent Saint-Martin, proposant même de « discuter » du gain attendu de 4 milliards.

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Insuffisant pour convaincre des macronistes presque hostiles, à l’image d’un Gérald Darmanin interpellant le locataire de Bercy : « Ne vous cachez pas derrière votre petit doigt, ce ne sont pas des économies (...) On n’est pas là pour augmenter les impôts des entreprises ».

« Ce n’est ni une réforme, ni une économie, c’est une augmentation du coût du travail », a insisté le député macroniste Mathieu Lefèvre (proche de Gérald Darmanin), réclamant en lieu et place une « réduction des dépenses » via notamment « la réforme de l’assurance chômage ». Le groupe Droite républicaine s’est également opposé à la mesure, derrière son chef Laurent Wauquiez, pour qui « l’allègement de charges bénéficie au travail ».

Le Rassemblement national a achevé de faire pencher la balance, sa porte-parole Laure Lavalette dénonçant un « acharnement contre les petites entreprises ». Seuls les centristes du MoDem n’ont pas voté la suppression de cet article, dans l’espoir de présenter « un autre dispositif » contre les « trappes à bas salaires », a expliqué Philippe Vigier. En vain.

« Cadeaux au patronat »

Le résultat du vote démontre le « splendide isolement du gouvernement Barnier », a commenté le socialiste Jérôme Guedj, qui comme tous les députés de gauche présents s’est retrouvé à défendre l’exécutif pour écorner le « dogme intouchable » des exonérations. Un « gaspillage » sous forme de « cadeaux au patronat », a renchéri l’Insoumis Hadrien Clouet, qualifiant ses adversaires de « fondés de pouvoir du Medef ». Tout comme l’écologiste Clémentine Autain pointant une droite « pas du côté du travail, mais définitivement du côté du capital ».

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Peu importe, le message est bien passé : les deux ministres se sont à plusieurs reprises dits « prêts à des ouvertures » sur le sujet pendant la « navette » parlementaire. Comprendre lors de l’examen du texte au Sénat, à partir de la mi-novembre. Les tractations ont déjà démarré afin « qu’un autre équilibre soit trouvé, dans le respect de la trajectoire budgétaire », indique une source ministérielle, évoquant « d’autres sources d’économies » qui permettraient de « ne pas augmenter le coût du travail ».

À l’inverse, dans un hémicycle plus clairsemé, l’Assemblée a adopté en début de soirée une série d’amendements portés par la gauche pour créer un « malus » sur les entreprises à fort taux d’accidents du travail, puis pour étendre les cotisations aux dividendes ainsi qu’aux primes d’intéressement et de participation.

Un peu plus tard, la coalition associant la droite et l’extrême droite s’est reformée pour obliger les retraités établis à l’étranger à pointer chaque année au consulat de France pour continuer à percevoir leur pension, et ce afin d’« éviter les fraudes ».

L’avenir des modifications apportées au texte est cependant incertain, pour peu que le débat aille à son terme : plus de 1 000 amendements restent à examiner d’ici au vote solennel programmé mardi 5 novembre. Si l’Assemblée n’en vient pas à bout dans les temps, ou en cas de rejet, c’est la version initiale du gouvernement qui serait transmise au Sénat.

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