Avec son budget, Michel Barnier contraint tout le monde à revoir ses positions
Le Premier ministre compte notamment franchir les deux lignes rouges que Les Républicains ont tracées il y a seulement trois mois.
POLITIQUE - Aux grands maux, les grandes manœuvres. Michel Barnier et son gouvernement présentent les projets de loi de finances (PLF) et de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ce jeudi 10 octobre en Conseil des ministres, avec un retard inédit de neuf jours sur le calendrier prévu. Spoiler : ce budget est le plus difficile des dernières décennies et risque de ne satisfaire personne.
À la veille du budget, ces soutiens de Michel Barnier sont inquiets de la potion qui sera annoncée
Le nouveau locataire de Matignon s’est fixé comme objectif 60 milliards d’euros d’économie, pour commencer à assainir les finances publiques et rattraper un déficit hors de contrôle jusqu’à présent. Soit, « l’effort de redressement le plus important sans doute que notre pays ait connu », selon le ministre des Comptes publics Laurent Saint-Martin.
Dans ce contexte, chaque camp se voit contraint de réviser ses positions ou stratégies. Dans le « socle commun » censé soutenir le gouvernement, on est forcé, non sans mal, d’infléchir les orientations défendues auparavant. Dans l’opposition, à gauche, comme à l’extrême droite, on se prépare à ferrailler pour engranger quelques victoires.
Revirement spectacuLR
Parmi les soutiens de Michel Barnier, le revirement le plus spectaculaire est sans doute à mettre au crédit des Républicains. Après avoir durement éreinté Emmanuel Macron ces dernières années, puis balayés l’hypothèse d’une coalition après les législatives anticipées, les troupes de Laurent Wauquiez se retrouvent dans un gouvernement composé aux trois quarts de macronistes. Mais mené par l’un des leurs.
Surtout, le parti de droite républicaine pourrait finalement avoir à s’asseoir sur les deux lignes rouges qu’il traçait il y a encore trois mois : la hausse des impôts, et la mise à contribution des aînés. Michel Barnier propose effectivement d’augmenter la fiscalité des ménages et entreprises les plus riches, et de reporter la revalorisation des pensions de retraite sur l’inflation de six mois.
Des orientations complètement contraires à celles que Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau, les deux chefs des groupes parlementaires, défendaient en juillet dernier, quand ils évoquaient ces deux points précis comme autant de raisons de censurer le futur exécutif. Mais qu’ils se rassurent, Les Républicains ne sont pas seuls à avaler des couleuvres dans cette affaire.
L’ancienne majorité bousculée
Au sein de l’ancienne majorité relative, les élus du MoDem et d’Horizons sont eux aussi contraints de revoir certaines positions. Chez les seconds, on accepte sans ciller de taper au portefeuille des plus aisés, et de revenir ainsi sur le logiciel naturel d’Edouard Philippe. Les coupes drastiques imposées aux collectivités territoriales seront en revanche plus difficiles à accepter pour un parti qui veut les mettre au centre de sa stratégie et de son attention. Mais ce n’est rien par rapport à ce qui attend les élus du parti présidentiel, encore macroniste ou non.
Depuis qu’il est arrivé à Matignon, Michel Barnier pointe régulièrement l’héritage des gouvernements précédents, et de Bruno Le Maire, à l’heure où les finances publiques sont au bord de l’abîme. Un discours qui nourrit les rancœurs, déjà nombreuses, entre le nouvel homme fort de l’exécutif et les députés de Renaissance. Dans ce contexte, la remise en cause de certains dogmes et stratégies appliquées depuis 7 ans, passe difficilement chez certains.
Gérald Darmanin et Gabriel Attal ont ainsi engagé une croisade contre les hausses d’impôts assumées par Michel Barnier sur les foyers les plus aisés et les entreprises les plus bénéficiaires. Pour les deux, ces mesures viendront mettre à mal la politique de « l’offre » chère au président de la République. Une politique qui a, selon eux, porté ses fruits sur le front du chômage notamment.
Le NFP pousse 10 mesures
Mais pour quel résultat ? Pour l’instant, le Premier ministre n’est pas enclin à faire évoluer fondamentalement sa recette, une potion composée de 40 milliards d’euros d’économies de dépenses et de 20 milliards d’euros de recettes supplémentaires. Il a tout juste indiqué être ouvert à des nouvelles pistes d’économies lors du débat au Parlement.
C’est désormais là que tout va se jouer. Dans une Assemblée divisée en trois blocs, la gauche forte de 190 élus entend bien peser de tout son poids sur les débats pour essayer de rendre le budget « NFP compatible. » « Nous souhaitons profiter de ce débat pour faire des propositions utiles à notre pays », a ainsi résumé le président (PS) de la Commission des Finances du Sénat Claude Raynal, mercredi, lors de la présentation des 10 mesures phares que l’alliance des gauches va défendre.
Il est par exemple question de « l’impôt de solidarité sur la fortune climatique » ou du « recentrage » de certaines niches fiscales ou crédits d’impôts. En quelque sorte, d’essayer de sauver ce qui peut l’être, après avoir revendiqué Matignon pour y appliquer « le programme, tout le programme du NFP ». Enfin, de l’autre côté de l’échiquier, le Rassemblement national ne dévoile guère son jeu pour l’instant. Mais le parti d’extrême droite, qui s’alarme déjà d’une possible hausse des taxes sur l’électricité ou du report de l’indexation des retraites, ne manquera pas d’adapter sa boussole au gré de son intérêt immédiat. Au moins un repère qui ne change pas.
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