Le budget 2025 arrive à l’Assemblée : ce que révèlent les 2000 amendements déposés au texte du gouvernement

Ce que révèlent les 2000 amendements déposés au budget 2025 (photo de Michel Barnier prise en octobre 2024)
DIMITAR DILKOFF / AFP Ce que révèlent les 2000 amendements déposés au budget 2025 (photo de Michel Barnier prise en octobre 2024)

POLITIQUE - Qui va trouver des millions ? Les députés avaient jusqu’à dimanche soir minuit pour faire savoir leurs propositions sur le budget 2025. Au total, près de 1900 amendements ont été déposés avant l’examen de la partie recette en commission des finances à l’Assemblée nationale. L’année dernière, il y en avait plus de 3000.

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Sur ces 1854 amendements, plusieurs dizaines (voire plus) ne passeront pas les prochaines étapes. Certains seront déclarés irrecevables, d’autres pourront être retirés par leurs auteurs. Il n’empêche, ce chiffre brut, amené à évoluer, recèle malgré tout plusieurs enseignements sur le contexte politique et les semaines rocambolesques qui s’ouvrent.

D’un côté, l’activisme des députés de droite et du centre pour modifier la feuille de route budgétaire d’Antoine Armand et Laurent Saint-Martin souligne la fragilité de l’alliage censé soutenir Michel Barnier. De l’autre, le changement de stratégie de la gauche, plus « raisonnable » pour éviter l’obstruction, rappelle que les rapports de force ont changé, dans la sphère politique et au sein même de l’Assemblée.

Contradictions dans la coalition Barnier

Dans le détail, les groupes du « socle commun » (LR et ex-majorité) ont déposé 767 amendements, dont près de la moitié du fait de la Droite républicaine. Un chiffre particulièrement élevé : cette année, les différentes chapelles de la majorité relative sont à l’origine de 41 % des amendements en tout, contre 21 % l’année dernière, pour le PLF 2024.

En clair, l’exécutif va devoir composer avec les propositions et les nombreuses lignes rouges de ses propres députés. Du côté des Républicains, les troupes de Laurent Wauquiez affichent par exemple leur volonté de « faire obstacle » au relèvement de la taxe sur l’électricité et du malus automobile (sur le CO2 et la masse des véhicules). Ils poussent, en parallèle, une série de mesures pour alléger la fiscalité des héritages. Pas tout à fait l’esprit de la première mouture du texte. Et ce n’est pas tout.

L’aile droite du camp macroniste se montre également très offensive : plusieurs députés Ensemble pour la République (EPR) et Horizons veulent supprimer les articles sur la taxation de l’électricité, des chaudières à gaz, des grandes entreprises… Et limiter à une année contre trois la contribution exceptionnelle demandée aux plus fortunés. Autant de préoccupations qui recoupent en partie celles du Rassemblement national, en particulier sur l’énergie.

Le parti d’extrême droite (qui a déposé 131 amendements) veut par ailleurs taxer davantage les rachats d’actions, tandis que sa cheffe de file Marine Le Pen propose de « profondément » réformer « l’octroi de mer » dans les départements ultramarins - en résonance avec la crise contre la vie chère en Martinique.

Des majorités de circonstances ?

En revanche, les amendements poussés notamment par la droite du « socle commun » risquent de se heurter aux attentions d’autres chapelles, comme le MoDem. Le parti centriste, pourrait, lui, trouver des points communs avec le Nouveau Front populaire sur ses amendements visant à « pérenniser » la surtaxe sur les hauts revenus et à relever la « flat tax » sur les revenus du capital. Le reflet de cette nouvelle donne « tripartite » à l’Assemblée.

À gauche, justement, cette première phase montre un certain changement de stratégie. En 2023, les députés de la Nupes avaient déposé plus de 1000 amendements avant l’examen du budget. Ils ont été plus « raisonnables » cette année, selon les mots d’Éric Coquerel, le président (LFI) de la commission des Finances, afin d’éviter le phénomène d’obstruction et de donner des arguments faciles au gouvernement pour utiliser le 49.3 ; référence à cet article de la Constitution qui permet de couper court au débat et de faire passer un texte sans vote.

Résultat : 797 amendements, autant que la coalition Michel Barnier et 10 grandes priorités ouvertes aux autres composantes de l’Assemblée. On y retrouve entre autres le retour d’un impôt sur la fortune (ISF ) « renforcé », le durcissement de l’« exit tax » contre l’exil fiscal, mais aussi la taxation des « héritages dorés » et des « super-dividendes ». De quoi faire bouger les lignes ? Et modifier le texte ?

De fait, la copie présentée par les ministres de l’Économie et des Comptes publics peut être largement modifiée d’ici à son adoption définitive à la fin de l’année. Elle le sera au gré des alliances de circonstances, pour raboter une contribution ici ou augmenter un impôt là. Mais elle le sera également pas le gouvernement lui-même, qui s’apprête à déposer une flopée d’amendements pour affiner son texte.

Il doit, par exemple, revoir certains crédits - repris, faute de temps, tels que prévus par l’exécutif précédent. Le garde des Sceaux a déjà laissé entendre qu’il quitterait son poste si le budget de la Justice restait en l’état, raboté de 500 millions d’euros. Autres sujets délicats, le gouvernement doit également préciser, par amendement, les contours de la surtaxe sur les billets d’avion. L’atterrissage est pour bientôt.

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