Budget 2025 à l’Assemblée : pourquoi les députés qui soutiennent Barnier vont rejeter la première partie du texte
La version du volet « recettes » soumise au vote n’a plus rien à voir avec le texte déposé par Michel Barnier et ses ministres début octobre.
POLITIQUE - Enjeux de dupes. Après de longues heures de débats à l’Assemblée nationale, le projet de loi de finances franchit une nouvelle étape de parcours législatif avec le vote dit « solennel » des députés, ce mardi 12 novembre, sur la première partie du budget, dédié aux recettes (donc aux taxes et impôts).
Les parlementaires de la chambre basse ont achevé l’examen des articles et quelque 3 000 amendements dans la nuit de vendredi à samedi à 3h du matin. Les voilà désormais appelés à se prononcer sur la mouture qui ressort de ces discussions difficiles pour le gouvernement et les soutiens de Michel Barnier. Pour quel résultat ?
Sauf surprise majeure, la gauche va voter en faveur de cette première partie tandis que le Rassemblement national, pourrait s’abstenir ou voter contre. Du côté du « socle commun », l’alliance des macronistes et des Républicains, les positions sont claires : hors de question de soutenir ce budget. Une issue singulière, mais attendue.
« Comment voter un texte qui sortira la France de l’UE ? »
Et pour cause : la version soumise au vote ce mardi n’a plus rien à voir avec le texte déposé par Michel Barnier et ses ministres début octobre. Au fil des victoires glanées par les oppositions, notamment la gauche, des milliards de recettes supplémentaires ont été votés, et plusieurs mesures phares rejetées. Exit, par exemple, le malus automobile ou la surtaxe sur l’électricité. Ajoutées, en revanche, les taxes dites « Zucman » (du nom de l’économiste qui les a imaginées) sur le patrimoine des milliardaires et sur les bénéfices des multinationales en France.
À tel point que les groupes du Nouveau Front Populaire se réjouissent d’avoir rendu cette première partie « NFP-compatible », selon l’expression d’Éric Coquerel, le président (LFI) de la commission des Finances. Il évoquait « 60 milliards de recettes » minimum, « récupérés uniquement sur les très riches et les très grandes entreprises », fin octobre au HuffPost, après un premier round de discussions au Palais Bourbon.
À l’inverse, les partis du « socle commun » – dont les députés ont régulièrement brillé par leur absence, même sur des votes majeurs comme la contribution à l’Union européenne – dénoncent un « n’importe quoi fiscal. » Impossible, pour eux, de soutenir le budget tel qu’il est.
« Comment voter un texte qui alourdira le coût du travail dans le contexte que nous connaissons ? Comment voter un texte qui sortira la France de l’UE (la contribution française ayant été annulée par vote) ? », insiste la députée et porte-parole du groupe EPR Prisca Thevenot, fustigeant également « plusieurs milliards d’euros supplémentaires d’impôt pour tous les Français sans distinction. »
Quelles conséquences ?
De quoi entrevoir un rejet de cette partie « recette » ? En théorie, les troupes de la coalition Barnier sont plus nombreuses que celles du Nouveau Front populaire. S’ils parviennent à se mobiliser cette fois-ci, les députés de la coalition droite - camp présidentiel pourront effectivement faire échec à cette version. Ceci, même si le Rassemblement national décide de s’abstenir, après avoir largement critiqué les ajouts obtenus par la gauche.
Pour le gouvernement et ses soutiens, cette issue paraît la plus favorable. Pour cause, si la première partie du budget est finalement validée mardi dans l’hémicycle (hypothèse peu probable, sauf retournement de situation), les députés s’attaqueraient au pas de charge au volet « dépenses » de l’État, avec un délai limite fixé au 21 novembre.
En revanche, si ce premier volet est rejeté, l’ensemble du texte file directement au Sénat, dans sa version initiale (celle du gouvernement), sans que l’Assemblée nationale discute du versant « dépenses » en séance. De quoi dégager la voie du Premier ministre ?
De fait, si l’Assemblée nationale, divisée en trois blocs, est hostile à Michel Barnier, celui-ci dispose d’une majorité très élargie à la chambre haute avec près de 250 sénateurs sur 348, dont 130 environ au sein du groupe Les Républicains, sa propre famille politique. Les choses s’annoncent donc plus aisées pour le gouvernement. Mais cette bouffée d’air pourrait être malgré tout de courte durée, étant donné la volonté des sénateurs de revenir sur certaines coupes budgétaires imposées aux collectivités locales. C’est l’épisode d’après.
À voir également sur Le HuffPost :
Grève SNCF, aéroports, agriculteurs : le gouvernement face à une explosion des mouvements sociaux