Bruno Retailleau pense que « l’immigration n’est pas une chance » pour la France, des concernés lui répondent

Bruno Retailleau a déclaré sur LCI que « l’immigration n’est pas une chance ».
BERTRAND GUAY / AFP Bruno Retailleau a déclaré sur LCI que « l’immigration n’est pas une chance ».

POLITIQUE - Une semaine seulement après son entrée Place Beauvau, Bruno Retailleau multiplie les déclarations polémiques. L’ancien sénateur LR entend « bousculer les règles » après le meurtre de Philippine, défend la nécessité d’un référendum sur l’immigration, juge dans un hebdomadaire repris par l’extrême droite que l’État de droit n’est ni « sacré » ni « intangible » et considère enfin que « l’immigration n’est pas une chance ».

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Si l’immigration n’est pas une chance selon lui, c’est parce qu’on n’est « pas capables d’accueillir. C’est une fausse générosité », tranche-t-il, pointant aussi « des individus qui peuvent parfois être dangereux ». Amalgame complet et propos incendiaires qui ont soulevé d’indignation de nombreux Français concernés par l’immigration.

« Extrême violence »

« Mes parents ont immigré en France. Ils nous ont poussés, mon frère, ma sœur et moi à faire des études, à évoluer, à vouloir nous en sortir. Je suis avocat. Je suis élu. Mais merci Monsieur le ministre de me le rappeler : ce n’était pas de chance, pour la France », s’agace l’avocat au barreau de Paris Seydi Ba. Sur la même ligne, le sociologue Joan Stavo-Debauge souligne que « ce ministre vient de jeter sous le bus l’ensemble des Français issus de l’immigration, dont la présence au sein de la communauté nationale serait une malchance. S’il ne démissionne pas, c’est que nous sommes officiellement entrés dans un régime raciste. »

Pour beaucoup d’immigrés ou de descendants d’immigrés, l’interview donnée par le ministre de l’Intérieur à Darius Rochebin « est d’une extrême violence ». C’est ainsi que l’a ressenti l’épidémiologiste franco-syrien Mahmoud Zureik : « Non Bruno Retailleau, l’immigration est depuis toujours une chance pour les migrants et pour la France. Pour moi, comme beaucoup d’immigrés, la France m’a tout donné et je lui ai tout donné. Maintenant, cet entretien peut secouer la conscience des macronistes. Comment ils peuvent encore soutenir un tel gouvernement ? » Parmi les proches du chef de l’État, certains ont (timidement) pris leurs distances, comme Yaël Braun-Pivet et Élisabeth Borne. D’autres, à l’image de l’ex-macroniste en rupture de ban Sacha Houlié, ont carrément fait savoir qu’ils n’hésiteraient pas à utiliser l’arme de la censure.

« Nous ne vous laisserons pas insultés »

Si la nomination de Michel Barnier à Matignon avait déjà fait hurler la gauche, arrivée en tête aux élections législatives, ces sorties de Bruno Retailleau ne font que renforcer la thèse d’un non-respect du message envoyé dans les urnes. « Le ministre de l’Intérieur ne devrait pas oublier que c’est le barrage républicain qui a emporté les élections législatives », estime la députée écologiste Sabrina Sebaihi, fille d’Algériens arrivés en France après l’indépendance du pays obtenue en 1962. « Est-ce que vous vous rendez compte de l’ordure raciste que cette non moins ordure de président autocrate nous a imposés, et qui s’appuie sur le vote du RN alors qu’on a fait un putain de barrage contre ces idées de merde ? », explose le linguiste Médéric Gasquet-Cyrus.

« Je suis un immigré. Ma famille a construit son logement en s’installant en France. Mon père ne s’est pas versé de salaire mais a employé des Français qui ont ainsi des droits Urssaf qu’il n’a pas », rappelle de son côté le docteur en biologie moléculaire Alexander Samuel. La journaliste Nassira El Moaddem ne passe pas par quatre chemins : « Bruno Retailleau est une honte pour la France », tranche-t-elle de façon lapidaire.

« L’immigration est une chance pour notre pays, renchérit la députée socialiste des Yvelines Dieynaba Diop. Notre République est riche de sa diversité et chaque citoyen, d’où qu’il vienne, y contribue. C’est dans le respect de nos différences que notre pays sera plus fort. » Sa collègue Florence Hérouin Léautey, élue en Seine-Maritime, s’aventure sur le terrain personnel : « À mes aïeux qui ont immigré en France, à ma belle-mère venue d’Allemagne, nous ne vous laisserons pas insultés. Nous allons résister, fièrement ! ».

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