Bruno Retailleau, nouveau ministre de l'Intérieur, a-t-il vraiment triché à Intervilles?

Trois jours après la nomination des membres du gouvernement Barnier, Marine Tondelier ne "(s)'en remets toujours pas". Déplorant le virage à droite opéré, la secrétaire nationale des Écologistes s'en est notamment pris ce mardi 24 septembre au nouveau locataire de la place Beauvau, Bruno Retailleau. Avec un angle d'attaque pouvant étonner.

"J'ai compris maintenant que, quand on trichait à Intervilles, on devenait ministre de l'Intérieur", a-t-elle affirmé sur France 2.

Pour comprendre à quoi fait exactement référence Marine Tondelier, il faut remonter plusieurs dizaines d'années en arrière. Plus précisément jusqu'au mercredi 2 juillet 1997, sur lequel est revenu en détails Libération lundi.

Ce soir-là, et pour donner le coup d'envoi de la nouvelle saison, l'émission diffusée sur TF1 et qui met habituellement aux prises deux villes propose à des millions de téléspectateurs un duel 100% Pays de la Loire entre le Puy du Fou et la communauté de communes du Pays d'Ancenis. Le parc d'attractions n'est pas le premier venu dans cette compétition: il a remporté l'année précédente la grande finale d'Intervilles face à Pont-Saint-Esprit.

Trois doigts pour un indice

Après les épreuves physiques durant lesquelles les participants ont notamment dû échapper aux coups de corne des vachettes, le match prend une tournure plus cérébrale avec un quiz de culture générale. Deux équipes de trois candidats se font face. Celle du Puy du Fou compte dans ses rangs Bruno Retailleau, metteur en scène de la Cinéscénie, le spectacle du Puy du Fou, et qui était encore député de Vendée quelques mois plus tôt.

La première question posée par Jean-Pierre Foucault aux candidats défendant les couleurs du Puy du Fou porte sur le tueur en série Landru: "Quelle a été la dernière volonté d’Henri Désiré Landru qui lui a d’ailleurs toujours été refusée?".

L'autre présentateur d'Intervilles, Olivier Chiabodo, forme alors un "trois" avec ses doigts, la main le long de la cuisse, pour indiquer que la troisième réponse proposée est la bonne. Réponse de l'équipe du Puy du Fou au bout des 30 secondes imparties: "Le numéro trois. Il a voulu se laver les pieds." "Bonne réponse", s'exclame Jean-Pierre Foucault.

"Bourvil, ça doit être la deux"

Une question va éveiller encore un peu plus les soupçons. "Savez-vous pour quel fantaisiste Michel Berger a-t-il écrit des chansons?", demande Jean-Pierre Foucault. Et le présentateur de lister les réponses possibles (Fernandel, Bourvil, Jean-Marc Thibault et Maurice Chevalier).

Cette fois, Olivier Chiabodo n'apparaît pas à l'écran. Mais à la fin du chronomètre, Jean-Marie Delahaye, chargé de donner la réponse pour l'équipe du Puy du Fou, a une curieuse remarque. "Bourvil, ça doit être la deux", lance-t-il au micro alors que Jean-Pierre Foucault n'a jamais associé le moindre numéro aux quatre artistes proposés.

Grâce à cette épreuve de culture générale, le Puy du Fou l'emporte contre le Pays d'Ancenis 22 à 12 et se hisse en finale. Le parc la remportera deux mois plus tard face à Mont-de-Marsan.

Le scandale touchant ce jeu télévisé populaire sera révélé par Le Canard enchaîné dans son édition daté du 17 septembre 1997. Elle fera aussi l'objet d'une émission d'Arrêts sur images quatre jours plus tard. Le Parisien remarquera de son côté qu'Olivier Chiabodo semblait déjà apporter un coup de pouce au Puy du Fou dans le match opposant le parc à thème à Pont-Saint-Esprit en 1996.

"À Intervilles, on trichait sans arrêt"

L'histoire aura des répercussions sérieuses sur la carrière du jeune Olivier Chiabodo, l'une des étoiles montantes de la première chaîne. Licencié par TF1, il sera réintégré dans le groupe en janvier 2006 avant d'être à nouveau débarqué en 2017. Il portera alors plainte contre la chaîne pour "harcèlement moral".

Intervilles, on trichait sans arrêt", affirme-t-il dans un entretien au Parisien le 25 septembre 2017, soulignant la proximité qui existait dans les années 1990 entre le créateur du Puy du Fou, Philippe de Villiers, et le producteur d'Intervilles Gérard Louvin.

"C'est Gérard Louvin qui prenait seul la décision d'éliminer certains candidats ou de complexifier les épreuves. Sur les tournages, j'avais une oreillette, et j'obéissais à ses ordres", raconte Olivier Chiabodo.

"C'est lui qui m'a demandé de favoriser le candidat du Puy du Fou", assure-t-il. "Pour l'anecdote, le candidat du Puy du Fou, c'était Bruno Retailleau."

Comme le souligne Libération, Bruno Retailleau n'a lui jamais démenti avoir pris des libertés avec les règles pour emporter la victoire. Le 10 octobre 2017, invité de la matinale de France Inter, le nouveau ministre de l'Intérieur préférait prendre le parti d'en rire face à Charline Vanhoenacker. "Tu peux pas finir ta carrière sur un top à la vachette", faisait notamment semblant de s'émouvoir l'humoriste dans sa chronique.

Article original publié sur BFMTV.com