Bruno Retailleau n’a pas échappé aux polémiques sur l’État de droit et la justice face aux députés
POLITIQUE - Toujours pas convaincus. Les députés de la Commission des Lois ont auditionné ce mercredi 2 octobre le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau. Et si les questions techniques n’ont pas manqué, une large partie des élus a profité de l’occasion pour réclamer des explications au ministre sur ses propos sur l’État de droit et ses relations avec le ministère de la Justice.
Bruno Retailleau visé par Michel Barnier qui évoque « l’État de droit » à l’Assemblée nationale
À peine arrivé à Beauvau, Bruno Retailleau a suscité l’inquiétude à gauche et dans le camp présidentiel. Tout d’abord en déclarant que l’État de droit n’était « pas intangible, ni sacré ». Puis en empiétant à plusieurs reprises sur le terrain du garde des Sceaux Didier Migaud en plaidant par exemple pour une évolution de « l’arsenal juridique ». Entre la « caution » de gauche du gouvernement et le très droitier ministre de l’Intérieur, les premiers échanges se sont faits par médias interposés avec deux visions totalement opposées.
Depuis, Bruno Retailleau a tenté des explications sur l’État de droit. Et le Premier ministre Michel Barnier a fait savoir qu’il avait reçu ses deux ministres, dans une tentative de rassurer sur la bonne entente de ses troupes. Mais rien de tout cela n’a convaincu les députés de la Commission des Lois.
« Allez vous piétiner joyeusement le champ de votre collègue Garde des Sceaux ? »
D’emblée en ouvrant la séance, le président (EPR) de la Commission Florent Boudié a réclamé « des précisions » sur l’État de droit. Avant de souligner : « Depuis votre nomination, vous avez déployé beaucoup d’énergie à vous exprimer par voie de presse sur les politiques publiques placées sous votre autorité mais pas que. Vous avez employé des mots à très large rayon d’action puisqu’ils englobaient non seulement la place Beauvau mais aussi la place Vendôme ».
Près d’une dizaine d’élus ont appuyé sur les mêmes points, autant au sein de la gauche – LFI, GDR, écologistes – que dans les rangs d’Ensemble pour la République et ses alliés. « Allez-vous comme ministre de l’Intérieur piétiner joyeusement le champ de votre collègue Garde des Sceaux ? (...) Vous apprêtez-vous à dénier l’office du juge dans l’application comme dans l’interprétation de la loi en violation du principe de séparation des pouvoirs, fondement de l’État de droit ? », a cinglé Sacha Houlié, ex-EPR désormais non-inscrit. « Je suis inquiète quand j’entends dire que monsieur Retailleau est un ministre de droite et que monsieur Migaud est un ministre de gauche et qu’on est davantage dans un duel plutôt que dans un duo », a pour sa part déclaré la députée Horizons Naïma Moutchou.
Retailleau « revendique » une « légitimité » à parler justice
Interpellé par Florent Boudié, Bruno Retailleau a de nouveau tenté de déminer ses propos sur l’État de droit. Tentant sa propre définition, il a assuré n’avoir « jamais voulu l’abolir ». « J’ai simplement dit qu’il fallait déplacer le curseur dans l’État de droit, comme nous l’avons fait au moment du terrorisme et du Covid » entre « les deux pôles libertés publiques et protection de la société », a-t-il développé. « Il n’y a pas d’impossibilisme juridique », a-t-il insisté… flirtant là encore avec le domaine de son collègue Migaud.
Mais Bruno Retailleau l’assure, il n’a « aucun problème » avec le Garde des Sceaux, qu’il connaît depuis plusieurs années, anecdote à l’appui. Quant à son ancrage très à droite quand son collègue a été élu socialiste ? « Je pense que le clivage droite-gauche est quelque chose de positif », démine le ministre.
« Le travail conjoint avec le ministre de la justice, c’est un classique », souligne-t-il. Ce qui ne l’empêche pas de revendiquer une « légitimité » à s’emparer de sujets qui sortent de son champ d’action. « Quand je vais à la Courneuve pour voir des policiers dont un s’est fait broyer une main par un individu mineur qui avait 33 antécédents... Je suis le patron des gendarmes, des policiers. Ils ont des familles, je leur dois la protection », a-t-il lancé pour justifier ses déclarations sur le durcissement pénal qu’il souhaite. Avant de conclure : « Si on n’a pas une inflexion de la justice pénale, on aura un problème. » Pas sûr que ces arguments convainquent plus les députés que les précédents.
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