Bristol-Myers accélère en oncologie en rachetant Celgene 74 milliards de dollars

par Ankur Banerjee et Michael Erman

(Reuters) - Bristol-Myers Squibb a annoncé jeudi l'acquisition de Celgene pour une valeur d'environ 74 milliards de dollars (65,2 milliards d'euros), qui donnera naissance à l'un des plus grands groupes pharmaceutiques du monde combinant deux acteurs majeurs de l'oncologie.

La fusion des deux laboratoires américains créera un groupe disposant de neuf traitements à plus d'un milliard de dollars de ventes annuelles chacun et d'un fort potentiel de croissance en cancérologie, en immunologie et dans les maladies inflammatoires et cardiovasculaires.

L'accord intervient toutefois alors que Bristol-Myers et Celgene sont chacun confrontés à des défis et certains analystes de Wall Street se demandent si leur fusion - qui, selon les deux sociétés, générera une économie de 2,5 milliards de dollars et augmentera les bénéfices - permettra de les relever.

Le titre Bristol-Myers chutait de 13% à 45,26 dollars vers la mi-séance à Wall Street, tandis que Celgene faisait un bond de 24% à 82,8 dollars.

Bristol-Myers a été un pionnier de l'immunothérapie du cancer avec ses médicaments Yervoy puis Opdivo. Mais il a subi une forte concurrence avec le Keytruda de Merck & Co qui lui a pris des parts de marché dans le traitement du cancer du poumon, le marché le plus lucratif en oncologie.

Quant à Celgene, il a connu des échecs cliniques et commencera à perdre en 2022 l'exclusivité aux Etats-Unis pour son médicament phare, le Revlimid, contre le myélome multiple.

"Cet accord semble suivre un schéma familier chez les biotechs sous pression à forte capitalisation qui trouvent une sortie via leur acquisition par un acheteur plus important", a déclaré Christopher Raymond, analyste chez Piper Jaffray, dans une note de recherche.

FORTE PRIME

D'autres analystes ont déclaré que la transaction évoquait la possibilité d'une nouvelle ère de grandes opérations dans le secteur de la pharmacie.

Bristol prévoit de réaliser les 2,5 milliards de dollars d'économies de coûts d'ici 2022 et a déclaré que l'accord augmenterait de plus de 40% ses bénéfices la première année suivant sa conclusion, prévue pour le troisième trimestre 2019.

Les actionnaires de Celgene recevront une action Bristol-Myers Squibb et 50 dollars en numéraire pour chaque action détenue, soit 102,43 dollars par action, ce qui représente une prime de 53,7% par rapport au cours de clôture du titre Celgene mercredi.

Chaque actionnaire de Celgene recevra aussi un certificat de valeur conditionnelle (contingent value right, CVR) pour chaque action détenue, donnant droit au porteur de recevoir un paiement additionnel de neuf dollars en numéraire en fonction de l'approbation réglementaire des produits ozonimod et liso-cel au plus tard le 31 décembre 2020 et de celle du bb2121 d'ici au 31 mars 2021.

Celgene a acheté l'an dernier Juno Therapeutics pour neuf milliards de dollars, ce qui lui a permis de mettre la main sur une génothérapie expérimentale contre le cancer développée par la biotech américaine.

Lors d'une conférence téléphonique, le PDG de Bristol Giovanni Caforio a déclaré que la fusion créerait la principale franchise en oncologie et l'une des cinq plus importantes franchises en immunologie, solide à la fois dans le traitement des cancers du sang et des tumeurs solides.

Le Revlimid devrait générer un chiffre d'affaires de près de 10 milliards de dollars en 2018 et est considéré comme un pilier des nouveaux traitements combinés du myélome multiple des os.

Bristol a dit prévoir six lancements de produits au cours des 12 à 24 prochains mois pour les traitements en phase de développement clinique avancé, dont cinq provenant du portefeuille de Celgene. Il a également insisté sur les premiers actifs cliniques prometteurs qu'il va engranger grâce au rachat de la biotech.

"PLUS SOLIDE"

Alex Arfaei, analyste chez BMO Capital Markets, a estimé que l'accord répondait à la nécessité pour Bristol-Myers Squibb de se diversifier de l'immunothérapie, jugeant cette acquisition opportuniste mais coûteuse. "L'accord proposé n'envoie pas un signal de confiance quant aux perspectives de croissance indépendantes de Bristol", écrit-il dans une note.

La concurrence croissante subie par les principaux traitements anticancéreux des deux sociétés et des contretemps cliniques l’année dernière ont suscité les inquiétudes des investisseurs. Celgene a ainsi perdu 38,6% de sa valeur en Bourse en 2018, tandis que Bristol-Meyers en perdait 15,2%.

Pour Brad Loncar, PDG du cabinet Loncar Investments, qui gère l'ETF Loncar Cancer Immunotherapy, les deux sociétés ont commis de grosses erreurs et fait des investissements insuffisants dans des acquisitions et des partenariats avec des laboratoires plus petits.

"La fusion rend l'entité combinée beaucoup plus solide", a-t-il dit.

Selon deux sources proches du dossier, les pourparlers ont débuté en septembre, lorsque Bristol-Myers a approché Celgene.

L'offre est restée à peu près au même niveau tout au long des négociations même si le prix de l'action Celgene a été ramené d'environ 80 dollars en septembre à environ 66 dollars la veille de l'annonce, a déclaré l'une des sources. Bristol a modifié son offre en ajoutant plus de numéraire et en supprimant un peu de la partie en actions, a ajouté cette source.

RACHAT D'ACTIONS

Bristol-Myers a dit son intention d'accélérer un programme de rachat d'actions pouvant atteindre cinq milliards de dollars environ sous réserve de la finalisation de la transaction, des conditions du marché et de l'approbation de son conseil d'administration.

La partie en numéraire de la transaction sera financée par une combinaison de liquidités et d'emprunt.

Bristol-Myers Squibb a obtenu une garantie de financement par emprunt de la part de Morgan Stanley Senior Funding et de MUFG Bank.

Morgan Stanley & Co. LLC est le principal conseiller financier de Bristol-Myers, Evercore et Dyal Co. LLC sont ses conseillers financiers. Kirkland & Ellis LLP en est le conseiller juridique.

JP Morgan Securities LLC est le principal conseiller financier de Celgene et Citi en est le conseiller financier, Wachtell, Lipton, Rosen & Katz étant conseiller juridique.

(Dominique Rodriguez pour le service français, édité par Marc Joanny et Benoît Van Overstraeten)