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Londres sortira du marché unique, May opte pour un "hard Brexit"

Le Royaume-Uni quittera le marché unique européen en même temps que l'Union européenne, a déclaré mardi la Première ministre britannique Theresa May, mettant fin aux spéculations selon lesquelles Londres chercherait à obtenir un Brexit en douceur. /Photo prise le 9 janvier 2017/REUTERS/Dan Kitwood

par Kylie MacLellan et William James LONDRES (Reuters) - Le Royaume-Uni quittera le marché unique européen en même temps que l'Union européenne, a déclaré mardi la Première ministre britannique Theresa May, mettant fin aux spéculations selon lesquelles Londres chercherait à obtenir un Brexit en douceur. Dans un discours très attendu définissant ses douze priorités dans les négociations qui vont s'ouvrir avec ses partenaires européens, Theresa May a présenté son pays comme un acteur mondial dont l'objectif est de commercer en des termes équitables bien au-delà de l'Europe. Theresa May a déclaré qu'elle chercherait à obtenir un partenariat équitable avec l'UE mais elle a aussi spécifié que le Royaume-Uni se retirerait du marché unique et de ses 500 millions de consommateurs et qu'il n'adopterait pas les modèles déjà utilisés par d'autres pays ayant des accords de libre-échange avec le bloc. "Pas d'appartenance partielle à l'Union européenne, pas de membre associé de l'UE, rien qui nous laisse à moitié dehors, à moitié dedans. Nous ne cherchons pas à adopter un modèle dont bénéficient déjà d'autres pays", a-t-elle déclaré. "Je veux le dire clairement: ce que je propose ne peut pas signifier une appartenance au marché unique", a-t-elle encore martelé devant une audience de diplomates étrangers et l'équipe des négociateurs britanniques du Brexit réunis à Lancaster House, là même où Margaret Thatcher avait annoncé en 1988 le soutien britannique au marché unique. Elle a ajouté que l'accord final entre Londres et l'UE serait soumis au vote des deux chambres du Parlement. Cette promesse a fait rebondir la livre sterling sur le marché des changes. La devise britannique a chuté de près de 20% depuis le référendum du 23 juin par lequel 52% des électeurs britanniques ont approuvé la sortie du Royaume-Uni de l'UE. Dans l'après-midi, son ministre du Brexit David Davis puis sa porte-parole ont précisé qu'un rejet par les députés de l'accord négocié avec Bruxelles ne remettrait pas en cause la sortie de l'UE, simplement ses modalités arrangées avec les partenaires européens de Londres. LONDRES MET FIN À L'AMBIGUÏTÉ Depuis que la victoire du Brexit l'a propulsée à la tête du gouvernement, May avait refusé d'énoncer précisément ce qu'elle tenterait de négocier avec ses partenaires européens. Cette ambiguïté avait nourri les spéculations sur la possibilité d'un "Brexit doux" qui aurait préservé certains des bénéfices liés à l'appartenance à l'ensemble européen en échange de contreparties concernant le respect de règles européennes. Theresa May, qui entend lancer officiellement les négociations avec ses partenaires européens en activant d'ici la fin mars l'article 50 du traité européen de Lisbonne, y a mis fin ce mardi. "Triste procédure, période surréaliste mais au moins annonce plus réaliste sur le Brexit. L'UE27 unie et prête à négocier après Article 50", a réagi le président du Conseil européen, le Polonais Donald Tusk, tandis que le vice-chancelier allemand Sigmar Gabriel a souligné qu'"y voir un peu plus clair dans l'orientation britannique est une bonne chose". Mais, a-t-il ajouté, "il est également clair que ça ne sera pas à la carte". Dans les douze objectifs fixés par May figurent la fin de la compétence de la Cour européenne de justice sur le Royaume-Uni, la sortie de l'Union douanière - qui fixe pour les Etats membres les taxes à l'importation - et la maîtrise de l'immigration en provenance d'Europe - qui heurte de front le principe européen de liberté de circulation des personnes. Il est "illusoire" de penser que Londres pourra bénéficier des avantages du marché unique sans accepter les obligations qui vont avec, a commenté l'eurodéputé belge Guy Verhofstadt, chargé de superviser les négociations au nom du Parlement européen. PAS D'ACCORD PLUTÔT QU'UN MAUVAIS ACCORD Dans son discours, la Première ministre a défendu une Grande-Bretagne qui soit un "aimant pour les talents internationaux", un "grand pays commerçant au niveau mondial", au-delà des frontières européennes. Elle a aussi souhaité une mise en oeuvre progressive des modalités qui organiseront les relations entre la Grande-Bretagne et l'Union européenne pour éviter de confronter les entreprises à un "saut dans le vide" alors que le marché unique absorbe près de la moitié des exportations britanniques. "Nous voulons acheter vos biens, vous vendre les nôtres, commercer avec vous de manière la plus libre possible et travailler ensemble pour faire en sorte que nous soyons tous plus en sécurité, plus prospères, à travers cette amitié poursuivie", a-t-elle dit. La réussite de l'Europe fait partie de l'intérêt national britannique, a-t-elle ajouté, balayant les "incompréhensions" de ceux parmi les Européens qui redoutent que le divorce britannique marque le début d'un démantèlement de l'UE. Mais elle a également mis en garde ses interlocuteurs contre la tentation de "punir" la Grande-Bretagne pour dissuader d'autres pays d'emprunter la même voie. "Ce serait un acte d'autodestruction calamiteuse", a-t-elle dit, ajoutant qu'elle préférerait une "absence d'accord" à un "mauvais accord". May a aussi laissé entendre que la Grande-Bretagne pourrait se servir de l'arme fiscale pour attirer ou conserver entreprises et investisseurs sur son sol si l'UE opte pour des tarifs douaniers prohibitifs. Dans son discours, elle s'est aussi attachée à réaffirmer l'union entre les quatre nations constitutives du Royaume-Uni (Angleterre et Pays de Galles, qui ont majoritairement voté pour le Brexit, Ecosse et Irlande du Nord, qui ont voté contre). Réagissant à ses propos, Nicola Sturgeon, dirigeante nationaliste de l'exécutif écossais, a réaffirmé qu'il n'était pas possible de laisser le gouvernement britannique "nous sortir de l'UE et du marché unique sans tenir compte des conséquences sur notre économie, nos emplois, notre niveau de vie et notre réputation" avant de redire qu'il existait "un avenir différent" pour l'Ecosse, celui de l'indépendance. (Henri-Pierre André et Jean-Stéphane Brosse pour le service français, édité par Tangi Salaün)