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May demande l'aide des Européens pour faire adopter le Brexit

La Première ministre britannique, Theresa May, a demandé jeudi aux autres dirigeants européens des concessions pour l'aider à obtenir l'aval de son Parlement en janvier sur l'accord de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. /Photo prise le 13 décembre 2018/REUTERS/Piroschka van de Wouw

par Gabriela Baczynska et Elizabeth Piper

BRUXELLES (Reuters) - La Première ministre britannique, Theresa May, a demandé jeudi aux autres dirigeants européens des concessions pour l'aider à obtenir l'aval de son Parlement en janvier sur l'accord de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.

Affaiblie politiquement au lendemain d'une tentative infructueuse au sein de son parti conservateur de la renverser, Theresa May avait déclaré à son arrivée au Conseil européen qu'elle ne s'attendait pas à obtenir une "avancée immédiate" mais espère pouvoir commencer à travailler "aussi vite que possible" sur des "réassurances".

Les chefs d'Etat et de gouvernement européens se sont dits prêts à l'aider mais ont tous refusé de rouvrir l'accord encadrant les modalités du divorce approuvé le 25 novembre, à commencer par le "backstop" sur lequel ils excluent de revenir.

Les dirigeants envisagent de rédiger jeudi une déclaration écrite visant à apaiser les inquiétudes des Britanniques, éventuellement suivi d'autres expressions en janvier avant la présentation de l'accord à la Chambre des communes.

Des diplomates ont évoqué la possibilité de fixer une date non contraignante - peut-être fin 2021 - comme horizon pour la conclusion d'un accord commercial entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, qui rendrait caduque ce "backstop".

Cette clause de sécurité, qui cristallise les oppositions à la Chambre des communes, doit éviter le rétablissement d'une frontière physique entre la république d'Irlande et la province britannique d'Irlande du Nord.

Ce point est jugé crucial pour empêcher un retour de la violence et une remise en cause de l'accord du Vendredi-Saint, en 1998, qui a mis fin à un conflit ayant fait plus de 3.000 morts en trois décennies.

Le "backstop" ne s'appliquera que si le Royaume-Uni et l'Union européenne, au cours de la période de transition censée s'ouvrir après le divorce, le 29 mars prochain, et courir sur deux à quatre ans, ne parviennent pas à négocier un accord commercial de nature à empêcher le retour d'une frontière à travers l'île d'Irlande.

"UNE POLICE D'ASSURANCE QUE NUL NE VEUT UTILISER"

"Nous devons tout faire pour aider Theresa May, mais la marge de manoeuvre est étroite", a déclaré le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, qui a reçu mardi matin son homologue britannique.

Devant les journalistes massés à l'entrée du Conseil européen, il a réaffirmé que l'option du "backstop" était nécessaire mais que nul en Europe ne voulait la déclencher.

Le Premier ministre irlandais Leo Varadkar, en première ligne, a insisté : "Il n'existe pas d'autre option de repli crédible qui puisse prendre la place du backstop", a-t-il dit.

"Nous tous admettons que le backstop est une police d'assurance, nul ne veut que nous l'utilisions. Et s'il devait être utilisé, nous voulons nous assurer que ce ne serait que sur une période la plus courte possible."

Mais, a-t-il ajouté, "si cette clause est dotée d'une date d'expiration, ou même si une partie (ndlr, le Royaume-Uni en l'occurrence) peut s'en retirer unilatéralement, alors ce n'est plus un backstop, cela le rendrait inopérant".

Même tonalité dans les propos d'Emmanuel Macron face à la presse : "Il est important d'éviter toute ambiguïté : on ne peut pas rouvrir un accord juridique, on ne peut pas renégocier ce qui a été négocié pendant plusieurs mois, on peut avoir une discussion politique."

Dans un entretien accordé au quotidien autrichien Der Standard, le chancelier autrichien Sebastian Kurz, dont le pays assure la présidence tournante de l'UE, confirme qu'aucun changement ne pourra être effectué aux quelque 600 pages de l'accord de retrait.

Mais, ajoute-t-il, des "clarifications" pourraient être apportée à la déclaration politique. Adoptée parallèlement à l'accord de retrait, cette déclaration de 26 pages - "formulée en termes vagues", dixit Kurz - porte sur les relations commerciales futures qui entreront en vigueur à l'issue de la période transitoire de deux à quatre ans.

On y lit notamment que "les parties rappellent leur détermination à remplacer la solution de dernier recours (ndlr, le backstop) pour l'Irlande du Nord par un accord ultérieur établissant d'autres arrangements qui permettront de pérenniser l'absence d'une frontière physique sur l'île d'Irlande".

"Nous sommes prêts à répondre aux besoins particuliers de Theresa May", poursuit Kurz.

Dans un projet de déclaration que Reuters s'est procuré, les dirigeants européens se disent "prêts à étudier si de nouvelles garanties peuvent être apportées" aux Britanniques sur la question du backstop et plus généralement sur l'accord de Brexit. Mais ce document en six points souligne que toute nouvelle garantie "ne changera, ni ne contredira" l'accord trouvé.

A Londres, l'agenda des travaux parlementaires dévoilé jeudi par la ministre chargée des Relations avec le Parlement, Andrea Leadsom, ne prévoit pas de vote avant Noël.

Ce vote devait initialement se tenir mardi dernier. Mais, faute de majorité, Theresa May y a renoncé in extremis, suscitant un tollé auprès des parlementaires et précipitant le vote de défiance au sein de son Parti conservateur, dont elle s'est sortie mercredi soir par 200 voix contre 117.

(avec Kate Holton et Kylie MacLellan à Londres et Alastair Macdonald, Jean-Baptiste Vey et Philip Blenkinsop à Bruxelles; Eric Faye et Henri-Pierre André pour le service français)