L'incertitude prévaut toujours à Londres avant le vote sur le Brexit

Dans son édition du jour, citant des ministres et des conseillers, le Sunday Times écrit que Theresa May s'apprêterait à repousser le vote fixé mardi à la Chambre des Communes sur l'accord négocié avec les Européens. /Photo prise le 6 décembre 2018/REUTERS/Toby Melville

par Kylie MacLellan

LONDRES (Reuters) - "Le vote est pour mardi." A quarante-huit heures d'une étape cruciale pour la suite du Brexit, le gouvernement britannique a dû de nouveau s'employer dimanche à écarter les rumeurs d'un report du calendrier.

Dans son édition du jour, citant des ministres et des conseillers, le Sunday Times écrit que Theresa May s'apprêterait à repousser le vote fixé mardi à la Chambre des Communes sur l'accord négocié avec les Européens. La Première ministre britannique, poursuit le journal, pourrait retourner dans la semaine à Bruxelles pour demander à l'Union européenne de meilleures conditions de retrait.

Ce n'est pas la première fois que le calendrier parlementaire fixé pour l'adoption de l'accord de retrait négocié par Londres et Bruxelles et validé le 25 novembre dernier par les dirigeants des Vingt-Sept est mis en doute.

Vu le rapport des forces à Westminster, il semble en effet improbable qu'une majorité d'élus s'y rallie et des ministres redoutent que l'ampleur de la défaite soit telle qu'elle provoque la chute du gouvernement.

Pour autant, le ministre du Brexit, Stephen Barclay, a été clair: "Le vote est pour mardi", a-t-il dit en fin de matinée sur la BBC. "La Première ministre se bat pour nous et restera en poste", a-t-il ajouté.

Si elle tentait de rouvrir les négociations, les partenaires européens du Royaume-Uni chercheraient à obtenir plus de concessions, a-t-il par ailleurs prévenu.

Interrogé plus tôt dans la matinée sur Sky News, Kwasi Kwarteng, secrétaire d'Etat britannique chargé de la sortie de l'Union européenne, avait indiqué lui aussi que le vote aurait bien lieu ce mardi. "A ce que j'ai compris, nous aurons un vote mardi et nous espérons remporter ce vote", a-t-il dit. "Nous avons une bonne chance de gagner", a-t-il ajouté.

Depuis la signature de l'accord négocié avec Bruxelles, May souligne que ce texte est le meilleur possible et que s'il est rejeté par les députés de Westminster, le seul choix qui restera sera soit un Brexit sans accord, soit le maintien dans l'Union.

Dans une interview au Mail on Sunday, la Première ministre estime que les députés auront le choix entre son accord ou le risque d'une "grave incertitude", celui d'une sortie de l'UE sans accord.

La pression ne cesse de monter depuis l'ouverture, lundi dernier, du débat au Parlement où May est confronté à la fois à l'opposition des partisans du Brexit et de ceux du maintien du Royaume-Uni au sein de l'UE.

RETOURNER À BRUXELLES

Jon Trickett, député du Labour et proche allié du chef de file de ce parti, Jeremy Corbyn, a déclaré à la chaîne Sky News que les travaillistes étaient prêts à assumer le pouvoir.

"Nous sommes prêts à former un gouvernement minoritaire si cela est nécessaire, et cela pourrait arriver dès mercredi matin", a-t-il dit.

Theresa May risque aussi d'être évincée du pouvoir par les députés conservateurs rebelles. Dans le Mail on Sunday, le responsable conservateur pro-Brexit Jacob Rees-Mogg écrit que la Première ministre doit démissionner si elle subit une défaite mardi à la Chambre des Communes ou si elle reporte ce vote.

Les élus nord-irlandais du Parti unioniste démocrate (DUP), dont le soutien est indispensable à la majorité parlementaire de May, l'ont exhorté à retourner à Bruxelles pour tenter de renégocier un accord acceptable.

"La marche à suivre, pour la Première ministre, c'est de retourner à Bruxelles", a déclaré dimanche sur Sky News Nigel Dodds, le chef du groupe parlementaire DUP à la Chambre des communes. A défaut, a-t-il prévenu, "ce à quoi nous sommes par-dessus tout déterminés, ce sera de mettre en échec le 'vote significatif' du gouvernement sur cet accord".

L'ex-ministre du Brexit Dominic Raab a demandé lui aussi dimanche à Theresa May de retourner à Bruxelles pour tenter de renégocier l'accord trouvé. L'ex-ministre du Travail et des Retraites Esther McVey, qui a démissionné en novembre pour protester contre cet accord, a appelé Theresa May à faire de même. Selon cette ex-ministre, la situation de la cheffe du gouvernement deviendra "très difficile" si elle ne consent pas à retourner à Bruxelles pour exiger un meilleur accord.

Boris Johnson, ex-ministre des Affaires étrangères du gouvernement May et figure de proue du camp des Brexiters les plus ardents, a estimé en revanche que si Theresa May est mise en minorité mardi, elle pourra rester en poste mais devra retourner à Bruxelles et renégocier les termes du divorce.

Dans son rapport publié dimanche, la commission parlementaire chargée du Brexit juge à l'unanimité de ses membres, appartenant à différentes formations politiques, que l'accord négocié avec Bruxelles constitue "un pas immense dans l'inconnu".

"Il ne fournit pas au peuple britannique ou à nos entreprises la clarté et la certitude dont ils ont besoin sur notre future relation commerciale avec l'UE dans un délai de cinq à dix ans", a souligné le président de la commission, Hilary Benn.

Le rapport évoque notamment la question récurrente du "backstop", ce mécanisme de sauvegarde censé éviter le rétablissement d'une frontière physique à travers l'île d'Irlande entre la république d'Irlande et la province britannique d'Irlande du Nord.

Les députés reprochent aussi à l'accord et à la déclaration politique qui l'accompagne de ne pas trancher la question des relations futures avec l'UE, ce qui signifie à leurs yeux que de nouvelles négociations sont encore à attendre, peut-être des années durant.

(avec Guy Faulconbridge et Sarah Young; Arthur Connan, Henri-Pierre André et Eric Faye pour le service français)