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Brexit: Le compromis Malthouse bat de l'aile

Le gouvernement britannique ne s'appuiera plus dans ses discussions avec l'Union européenne sur un compromis proposé par des élus conservateurs pro- et anti-Brexit pour tenter de sortir de l'impasse, rapporte mardi un journaliste du Mail on Sunday. /Photo prise le 13 février 2019/REUTERS/Hannah McKay

LONDRES (Reuters) - Le gouvernement britannique ne s'appuiera plus dans ses discussions avec l'Union européenne sur un compromis proposé par des élus conservateurs pro- et anti-Brexit pour tenter de sortir de l'impasse, rapportent mardi des journalistes du Mail on Sunday et du Daily Telegraph.

Forgé par des élus conservateurs des deux camps, ce compromis porte le nom de Kit Malthouse, secrétaire d'Etat au Logement qui a favorisé les échanges entre pro- et anti-Brexit.

"Il semble que le compromis Malthouse soit mort", a écrit Harry Cole, du Mail on Sunday, sur Twitter. Il ajoute que Theresa May, attendue mercredi à Bruxelles pour des discussions avec Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, a clairement indiqué à ses ministres lors d'une réunion de son cabinet dans la journée qu'elle ne mettrait pas l'idée à l'ordre du jour de ses discussions avec les Européens.

Interrogé par l'agence Reuters lui demandant si ce compromis était bien "mort", un porte-parole de la dirigeante britannique a répondu qu'il ne présenterait pas les choses ainsi.

Le député eurosceptique Steve Baker a quant à lui assuré qu'il n'avait pas été enterré. "Le compromis Malthouse est en pleine forme. Le secrétaire d'Etat chargé de la sortie de l'UE peut fournir des détails. Nous attendons la suite avec impatience", a-t-il déclaré.

Dans un communiqué diffusé à l'issue de la rencontre de lundi soir entre le ministre britannique du Brexit, Stephen Barclay, et Michel Barnier, le négociateur en chef des Européens, les services du premier avaient rapporté que la Commission européenne était intéressée par les idées proposées par Londres mais qu'elle s'était montrée inquiète quant à leur "viabilité" à propos du "backstop".

Une nouvelle rencontre est prévue en milieu de semaine entre Barclay et Barnier.

Le compromis Malthouse tente de réconcilier pro- et anti-Brexit en apportant à chacun de quoi trouver satisfaction.

Aux Brexiters, il offre la promesse d'obtenir la suppression de la clause de sauvegarde ("backstop") destinée à éviter le rétablissement d'une frontière physique entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande après le Brexit.

Aux Remainers, il promet la mise en place de garde-fous pour minimiser les risques de perturbations en cas de sortie sans accord.

Parmi ses promoteurs se trouvent des poids lourds de la classe politique britannique, dont Nicky Morgan, ancien ministre de l'Education qui milite pour le maintien de liens étroits avec l'Union européenne, et, à l'autre extrémité, Jacob Rees-Mogg, chef de file de la puissante faction eurosceptique du Parti Tory, l'European Research Group (ERG).

Après l'échec cuisant essuyé par May le 15 janvier dernier à la Chambre des communes, où l'accord de retrait qu'elle a négocié avec Bruxelles a été rejeté par 432 voix contre 202, c'est ce compromis qui a permis, quinze jours plus tard, de dégager une majorité à la Chambre pour charger la Première ministre de retourner à Bruxelles tenter de renégocier le "backstop" nord-irlandais.

PROLONGER LA TRANSITION JUSQU'À FIN 2021

Dans le détail, le "Malthouse Compromise" peut se diviser en deux temps: une série d'objectifs à atteindre dans la négociation avec Bruxelles et une solution de repli en cas d'échec.

Pour l'essentiel, il s'agit d'obtenir des Européens une modification du "backstop" en proposant un mécanisme alternatif avec un accord de libre échange sans droits de douane au lieu de l'union douanière que propose en l'état la clause de sauvegarde mais dont les Brexiters redoutent qu'elle n'enferme indéfiniment le Royaume-Uni dans l'orbite de l'UE. Les Européens, eux, refusent catégoriquement de retoucher à l'accord de retrait et de modifier le "backstop".

La solution Malthouse repose sur des solutions techniques pour que les contrôles douaniers se fassent loin de la frontière irlandaise (et empêchent donc ce que Londres, Bruxelles ou encore Dublin veulent éviter à tout prix, à savoir le rétablissement d'une frontière physique sur les 500 km séparant la république d'Irlande et l'Irlande du Nord, avec le risque de rallumer les tensions dans la province britannique, vingt ans après les accords de paix de 1998).

Le compromis propose aussi de prolonger d'un an, jusqu'à décembre 2021, la "période de transition" qui s'ouvrira dès la date du Brexit, le 29 mars prochain au soir - à condition qu'il y ait un accord - et durant laquelle le Royaume-Uni restera assujetti à l'ensemble des règles européennes.

Cette transition doit permettre aux deux parties de négocier un accord définitif sur leurs futures relations, notamment commerciales, que ne cadre pour l'heure qu'une simple Déclaration politique d'une trentaine de pages.

En cas d'échec de la "re-négociation" avec Bruxelles, le compromis demande au gouvernement de chercher à obtenir un accord basique de transition, avec garantie des droits des citoyens européens vivant en Grande-Bretagne et contribution financière britannique.

Officiellement, Theresa May n'a pas endossé ce plan, qui n'a pas été soumis aux voix des députés de la Chambre des communes. Mais il fait partie de ses options. Sauf si les informations des journalistes du Mail on Sunday et du Daily Telegraph sont justes.

LE POINT sur les négociations du Brexit

(William James; Jean-Stéphane Brosse et Henri-Pierre André pour le service français)