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Brexit, le calendrier d'un "saut dans l'inconnu"

par Alastair Macdonald BRUXELLES (Reuters) - Les réunions secrètes à Bruxelles et dans toute l'Europe trahissent la profonde inquiétude que suscite la perspective d'un Brexit, une sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne, à l'issue du référendum de jeudi. Le Premier ministre David Cameron, qui est à l'initiative de cette consultation référendaire, admet qu'il s'agirait d'"un saut dans l'inconnu". Mais la perspective d'un "Bremain" (maintien) apporte aussi son lot d'incertitudes. Des entretiens avec de nombreux diplomates et responsables européens permettent d'y voir un tout petit peu plus clair et d'esquisser un calendrier des principales échéances à attendre après le vote, qu'il soit favorable au "In" ou au "Out". VENDREDI 24 JUIN. Les bureaux de vote ferment à 22h00 (21h00 GMT). Aucun sondage de sortie des urnes n'est prévu mais le décompte des bulletins au cours d'une nuit qui s'annonce très longue devrait permettre de connaître le résultat du référendum vendredi à l'aube. David Cameron a promis d'informer les autorités communautaires "immédiatement" en cas de Brexit. Mais cette démarche pourrait exiger plusieurs jours. Ayant fait campagne pour le "Remain" (le maintien), le chef du gouvernement britannique sera soumis à une pression intense en cas de victoire du "Out" (sortie). Les choses devraient être à peine plus simples au sein du Parti conservateur, dont nombre de membres soutiennent la sortie, en cas de victoire du "In". Les marchés financiers risquent de se montrer volatils même si la Banque d'Angleterre et la Banque centrale européenne ont des plans d'urgence pour soutenir la livre sterling et l'euro pour faire face à un "choc Brexit". Une réunion de routine des ministres des Affaires européennes et des ambassadeurs est prévue à Luxembourg à 10h30 (08h30 GMT), l'occasion d'enregistrer les premières réactions. Le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, dont le pays assure la présidence tournante, devrait s'exprimer à cette occasion. SAMEDI 25 JUIN. Les ministres des Affaires étrangères des six pays fondateurs du bloc communautaire (Allemagne, France, Italie, Belgique, Pays-Bas et Luxembourg) pourraient se réunir à Berlin. Plusieurs ministres des Finances de la zone euro ont préconisé une réunion d'urgence de l'Eurogroupe mais celle-ci est peu probable. La gestion des turbulences sur les marchés bancaires incombera à la BCE et aux autres instances de régulation. DIMANCHE 26 JUIN. Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker présidera une réunion d'urgence des 28 commissaires européens, dont le Britannique Jonathan Hill. La Commission aura la charge de gérer le divorce entre Londres et Bruxelles dont la procédure ne peut excéder deux ans. Les dirigeants européens répètent qu'il n'y a pas de "plan B" en cas de Brexit. Mais l'expérience montre, notamment la gestion de la crise de la dette souveraine de la Grèce, qu'une "pièce B" est aménageable. C'est dans cet espace que se tiendraient les experts juridiques et les responsables chargés de contenir l'incendie. "L'idée est que tout soit prêt pour lundi", explique un dirigeant européen. MARDI 28 JUIN/MERCREDI 29 JUIN. Un Conseil européen de 24 heures est prévu. Au centre de cette réunion, l'attitude de David Cameron en cas de Brexit. Le Premier ministre informera-t-il à ce moment-là Donald Tusk, président du Conseil européen, qu'il invoque l'article 50 du traité européen, base juridique d'un retrait de son pays ? Responsables et diplomates européens affirment vouloir que la procédure de sortie s'engage sans attendre et excluent toute nouvelle négociation. Toutefois, il n'existe pas de procédure permettant de contraindre Londres à suivre ce calendrier resserré, de même le traité européen ne permet pas l'expulsion d'un Etat membre. La situation sera particulièrement inconfortable car les électeurs demanderont que soit respecté leur choix tandis que les 27 Etats membres souhaiteront entamer de nouvelles discussions sans la Grande-Bretagne. Au deuxième jour du sommet, les dirigeants européens se réuniront alors à 27, sans Cameron. L'enjeu sera de pallier l'absence de la contribution britannique au budget communautaire et de rassurer les populations des autres pays membres. Une démonstration d'unité en faveur de plus d'intégration sera certainement de mise même si les divergences entre l'Allemagne et la France sur la gestion de la zone euro devraient empêcher des avancées significatives à un an d'élections cruciales dans les deux pays. D'autres initiatives, visant à couper l'herbe sous le pied des eurosceptiques et des partis d'extrême-droite, pourraient être prises notamment dans le soutien à la création d'emplois pour les jeunes. Enfin, les dirigeants européens devront donner mandat à la Commission de gérer la séparation sur une période de 24 mois qui devra notamment régler les conditions des relations commerciales entre la Grande-Bretagne et l'espace communautaire. À PARTIR DU 30 JUIN. La grande inconnue concerne la forme que prendra la relation entre la Grande-Bretagne et l'Europe, toujours en cas de Brexit. De nombreux dirigeants européens affirment que Londres ne pourra pas avoir accès aux marchés commerciaux et financiers communs si la Grande-Bretagne refuse l'entrée des ressortissants européens sur son marché du travail et si elle refuse de contribuer au budget collectif. "Dehors, c'est dehors" (Out is out), expliquent-ils. De nouvelles barrières commerciales seraient préjudiciables aux deux économies avec le risque d'un "effet domino". AÀ PARTIR DE LÀ ? Il existe à Bruxelles un consensus selon lequel la Grande-Bretagne serait la première pénalisée par sa décision. Un scénario envisagé est qu'à terme, elle pourrait revenir frapper à la porte communautaire en échange de concessions comme la circulation des ressortissants européens et la contribution au budget. Mais, avec prudence, les diplomates font valoir que bien des rebondissements sont possibles. Plusieurs dirigeants européens, à commencer par la chancelière allemande Angela Merkel, ne souhaitent pas cette sortie britannique et pourraient être prêts à trouver un arrangement quelle que soit l'issue du référendum. Les règlements européens sont clairs mais "en politique, il ne faut jamais dire jamais", rappelle un diplomate. (Pierre Sérisier pour le service français, édité par Jean-Stéphane Brosse)