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Brexit sur Canal + : que vaut le téléfilm avec Benedict Cumberbatch en artisan du leave ?

C’est l’histoire d’une manipulation. A grande échelle. Le 23 juin 2016, les habitants du Royaume Uni votent le Brexit, soit le retrait de l’Union Européenne. Trois ans plus tard (c’est court mais cela sonne comme une éternité), un téléfilm anglais s’empare du sujet pour mettre en lumière les coulisses de la campagne, car si on connaît l’issue, on ne sait pas comment. Et la réalité dépasse très largement la fiction.




« Beaucoup de gens savent qui a gagné mais peu savent comment »

A priori, il n’y a pas grand chose de sexy à parler du Brexit. C’est peut-être pour cette raison que Toby Haynes choisit de heurter le spectateur avec un montage clipesque, à mi-chemin entre Fight Club et Sherlock. Une impression renforcée par la présence de Benedict Cumberbatch dans le rôle de Dominic Cummings, grand manitou derrière la campagne en faveur du Brexit. L’homme est extrêmement intelligent, clairvoyant, presque supérieur dans sa façon de comprendre le monde et d’imposer ses idées. Hautain, insolent et arrogant également, on ne sera pas surpris de retrouver l’interprète du célèbre détective, avec néanmoins l’impression un peu agacée de voir l’acteur rejouer éternellement le même rôle.

Passées dix premières minutes un peu fatiguantes où sont bombardés informations et personnages à un rythme stakhanoviste, on entre dans le vif du sujet. Le téléfilm devient alors extrêmement éclairant sur les raisons qui ont poussé les gens à voter le retrait de l’Union Européenne. Avec une soudaine résignation, c’est le camp d’en face qui s’en rend compte : « leur campagne a commencé il y a 20 ans. Un long goutte à goutte de peur et de haine. Combien, dans notre camp, ont blâmé l’Europe ou “l’étranger” quand ça les arrangeait ? ». Un constat dramatique qui touche de plus en plus de pays, au fur et à mesure que l’on voit l’extrême droite prendre le pouvoir ou d’autres gouvernements durcir leur politique migratoire. A cela s’ajoute le fossé qui s’agrandit entre le peuple et les dirigeants politiques. On se rend compte qu’il n’y a pas d’exception anglaises et que le Brexit traduit une exaspération générale, manipulée par des acteurs de l’ombre. Et c’est là que ça devient flippant.




« L’argent, c’est une chose mais les données, c’est le pouvoir »

On voit d’abord Dominic Cummings comme une figure un peu excentrique et cynique, mettant son intelligence au service d’une cause qu’il embrasse davantage pour le challenge que par conviction. L’homme possède un côté anarchiste, souhaitant casser le moule pour espérer voir quelque chose de nouveau émerger. Il n’est pas dans l’élite. Ses premiers sondages s’effectuent dans les pubs, avec une volonté manifeste de comprendre ce qui se joue dans le milieu prolétaires parce que c’est là que se situent les clés du futur Brexit. Ensuite un autre acteur entre dans la danse. Son nom : AggregateIQ (on apprendra que Cambridge Analytica y participa également) et son rôle ? Du micro ciblage publicitaire. Un logiciel conçu pour analyser les informations recueillies sur les réseaux sociaux (Facebook en tête) afin de créer un algorithme capable de créer des publicités évolutives en temps réel pour s’adapter à chaque personne individuellement. C’est la fin des campagnes massives uniformes, place à la formule personnalisée. L’équipe de Cummings aurait lancé un milliard de publicités ciblées via AggregateIQ.

On ne le sait pas encore mais c’est toute la face de la politique qui est changée. La même année, Donald Trump remportera les élections présidentielles américaines. En 2018, on apprendra l'ingérence de Cambridge Analytica aussi bien dans le Brexit que dans la victoire de Donald Trump. Car la société anglaise ne s’est pas contentée de produire des flux d’informations individuelles, elle est accusée d’avoir aspirer des données personnelles de plusieurs millions d’utilisateurs sans leur consentement (via un quizz). Le vrai pouvoir se trouve désormais dans les « data » et autres algorithmes.

De la télévision d’intérêt public

Brexit ne brille peut-être pas artistiquement mais le téléfilm montre les coulisses d’un mouvement marquant dans la politique mondiale. Elle affirme, peut-être de façon un peu trop ostentatoire, sa volonté pédagogique. Donner les clés pour comprendre des choses complexes, une mise en perspective pour être capable d’apprécier ce qui s’est joué dans l’ombre et qui nous dépasse un peu. C’est de la télévision d’utilité public, pour ce que l’on y apprend et qui peut faire carrément flipper par ce qu’elle révèle.

Brexit est diffusé ce lundi 28 mars à 21h05 sur Canal+