Boulette de François Bayrou : depuis quand Mayotte est-elle française ?
Le nouveau Premier ministre s'est quelque peu emmêlé les pinceaux ce mardi, en laissant entendre que Mayotte ne se situait pas sur le "territoire national".
Formulation maladroite ou erreur historique et géographique majeure ? Interrogé ce mardi à l'Assemblée nationale sur le fait qu'il ne s'était pas rendu la veille à Mayotte, ravagée il y a quelques jours par un terrible cyclone, le nouveau Premier ministre François Bayrou a livré une justification des plus déconcertantes.
"Vous dites que le gouvernement n'était pas à Mayotte ce n'est pas exact, il y a avait deux ministres (...) et le président de la République a annoncé qu'il irait à Mayotte, a commencé par énumérer le maire de Pau. Il n'est pas d'usage que le Président et le Premier ministre quittent en même temps le territoire national."
Mayotte est un territoire français depuis... 1841
La réponse du fondateur du MoDem n'a pas manqué de déclencher un torrent de réactions indignées, et pour cause : contrairement à ce que François Bayrou laisse entendre, Mayotte fait bel et bien partie du "territoire national", en tant que département d'outre-mer. Si ce statut est relativement récent, l'appartenance de l'archipel à la France date d'ailleurs de près de deux siècles.
Comme le rappelle entre autres le site du Ministère chargé des outre-mer, l'histoire commune entre l'Hexagone et le petit archipel situé dans l'Océan Indien a débuté en 1841, lorsque le sultan Andriantsoly, qui régnait sur Mayotte depuis cinq ans, a décidé de "vendre l’île à la France pour échapper aux attaques et velléités de domination des voisins comoriens et malgaches".
Le point de départ de la colonisation des Comores
Entré à cette époque dans l'empire colonial français, le minuscule territoire insulaire est rapidement exploité par les colons, qui y développent dans un premier temps une industrie sucrière. A la fin du XIXe siècle, la France étend ensuite considérablement son influence dans la région en prenant le contrôle des trois îles principales des Comores, situées juste à l'ouest de Mayotte et définitivement conquises en 1887.
Mayotte est alors intégré à ce territoire élargi des Comores, qui intègre tardivement le giron des colonies françaises ultramarines, "plus de deux siècles après la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane ou la Réunion" comme le signale un article du géographe Gérard-François Dumont paru en 2005 dans la revue Outre-Terre.
Processus de décolonisation à partir de 1946
Les Comores garderont ensuite le statut de protectorat pendant plus d'un demi-siècle, jusqu'à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. En 1946, l'archipel devient un territoire d'outre-mer et va ensuite connaître un rapide processus de décolonisation. Gérard-François Dumont explique ainsi qu'une "autonomie interne" est accordée aux Comores dès 1958.
La situation évolue encore en 1972, lorsque l'archipel des Comores est, selon le Ministère de l'outre-mer, "inscrit sur la liste des pays à décoloniser par les Nations unies". L'Assemblée locale enclenche quelques mois plus tard le mécanisme menant vers l'indépendance, qui fera l'objet d'un référendum île par île.
Mayotte choisit deux fois de rester français
La spécificité de Mayotte apparaît alors clairement et "quelques lettrés mahorais, souvent instituteurs" décident de faire campagne pour que leur territoire reste français. Le référendum d'autodétermination des Comores du 22 décembre 1974 débouche ainsi sur des résultats spectaculaires : alors que les trois îles principales "votent 'oui' à près de 100%", Mayotte se prononce au contraire "à 63,8 % contre l’indépendance" !
Officiellement indépendantes en 1975, les Comores tentent toutefois immédiatement de revendiquer le territoire de Mayotte, mais la France ne veut rien entendre et décide d'organiser un second référendum, cette fois-ci exclusivement sur l'archipel mahorais. Celui-ci se tient le 8 février 1976 et accouche d'un résultat sans équivoque : comme l'écrit Gérard-François Dumont, "les Mahorais optent à plus de 99% pour le maintien dans la République française".
Un département d'outre-mer depuis 2011
Malgré les protestations des Comores, soutenues à l'ONU par une centaine de pays qui considèrent le référendum de 1976 "comme une atteinte à la souveraineté de l’État comorien", la France entérine le maintien de Mayotte parmi ses territoires d'outre-mer. Ce rattachement n'a toutefois jamais été validé, depuis, par les Nations Unies. L'organisation interétatique a d'ailleurs affirmé à plusieurs reprises qu'elle considérait Mayotte comme appartenant légitimement aux Comores.
A contre-courant des recommandations de l'ONU, la France a de son côté fait en sorte d'intégrer plus fermement le petit archipel à son territoire national. En 2009, un référendum sur la départementalisation a ainsi recueilli près de 95% des suffrages mahorais. En 2011, Mayotte est ainsi devenu le 101e département français, ce qu'elle est toujours aujourd'hui.