Boue, ruines et désespoir après les inondations en Pologne

Des excavatrices enlèvent les restes d'un pont détruit par l'inondation dans la rivière Biala, le 24 septembre 2024 à Glucholazy, dans le sud de la Pologne (Wojtek RADWANSKI)
Des excavatrices enlèvent les restes d'un pont détruit par l'inondation dans la rivière Biala, le 24 septembre 2024 à Glucholazy, dans le sud de la Pologne (Wojtek RADWANSKI)

Au bord des larmes, épuisée, abattue, Agata Pioro et son mari nettoient ce qui reste de leur appartement à Glucholazy, dans le sud de la Pologne, inondé par la rivière toute proche.

Les murs transpirent l'humidité alors que devant la maison s'entasse, jeté pêle-mêle, tout ce que leur appartement contenait avant que la tempête Boris ne détruise leur vie: le frigo, les meubles, les portes, les vêtements, englués dans la boue omniprésente, amalgamés aux débris apportés par la crue.

"C'est indescriptible ce qui s'est passé", déplore Mme Pioro, "cette puissance inimaginable de l'eau qui a balayé tout ce qu'elle a rencontré sur son chemin (...) Sans pitié".

Au total, au moins 24 personnes ont péri en Autriche, en République tchèque, en Pologne et en Roumanie, victimes de la tempête Boris qui s'est abattue sur l'Europe centrale.

Au moment de la crue, les Pioro et leurs deux filles de 14 et 10 ans sont restés dans l'appartement à suivre d'un oeil impuissant l'eau en train d'emporter les meubles, le lave-linge, leur vie.

"Le fait d'avoir perdu en si peu de temps tous les biens qu'on a accumulés au long de la vie, et que nos enfants aient été témoins de tout cela, ça restera gravé dans leur mémoire", dit Mme Pioro.

Les flots ont déterré les fondations de leur immeuble, qui a aussitôt été formellement déclaré inhabitable.

Deux valises et deux sacs à la main, les Pioro ont emménagé chez des amis. Ils ne sont revenus que pour sauver le peu des choses qui restent.

"L'eau passait à travers les murs", se souvient Sebastian Pioro, le mari d'Agata, montrant du doigt la trace laissée par l'eau sur la peinture de la cuisine, à un mètre de hauteur.

- "Torrent déchaîné" -

La petite rivière Biala qui coule normalement à une cinquantaine de mètres de chez eux a débordé le 15 septembre.

En l'espace de quelques heures, la crue a atteint Glucholazy, petite ville pittoresque fondée au Moyen-Age, d'environ 14.000 habitants.

"C'était un vrai torrent déchaîné qui a soudainement traversé la place du marché", raconte le maire, Pawel Szymkowicz. "Jamais dans l'histoire de la ville l'eau n'a atteint la place du marché, même pas lors des inondations de 1997", déjà historiques.

La crue a emporté deux ponts, dévasté des appartements, des écoles, détruit les routes sur son passage.

A côté de l'immeuble où habitait la famille Pioro, des carcasses de voitures recouvertes de branches cassées jonchent le bord de la rivière.

"Juste dans les infrastructures municipales, les dégâts se chiffrent à environ 250 millions de zlotys" (58,6 millions d'euros), indique M. Szymkowicz.

Les besoins et l'ampleur des travaux à venir sont énormes, dit-il.

Dans toute la région, les dommages pourraient s'élever à plusieurs milliards de zlotys.

Le gouvernement a déclaré être en mesure de mobiliser au total 23 milliards de zlotys (5,4 milliards d'euros) pour l'aide aux régions sinistrées et leur reconstruction.

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a annoncé la semaine dernière une aide de 10 milliards d'euros pour les pays d'Europe centrale touchés par les intempéries.

Des centaines de bénévoles sont venus des quatre coins du pays pour soutenir les habitants, les aidant à nettoyer leurs maisons, à distribuer diverses denrées, dont du pain et de la soupe.

Des soldats nettoyent également les caves remplies de boue.

Mais pratiquement tous les commerces de cette ville touristique restent fermés.

"J'ai eu de la chance. Je n'ai eu qu'un demi-mètre d'eau, j'espère ouvrir demain ou après-demain", déclare Artur, propriétaire d'un salon de médecine naturelle. "Mais certains voisins disent ne plus jamais pouvoir rouvrir, ne plus être en mesure de se relever après que l'eau a dévasté leurs commerces".

Commerçants eux aussi, Agata et Sebastian Pioro craignent pour l'avenir de leur deux boutiques de vêtements pour hommes, dont une a été pratiquement anéantie.

"Le pire, c'est l'incertitude", déclare Mme Pioro. "On ne sait même pas si on pourra vivre ici car la maison est partiellement détruite, on ne sait pas non plus ce que vont devenir nos boutiques. (...) Parfois je pense que je voudrais trouver un autre endroit sur terre pour ma famille".

bo/sw/mba