Boualem Sansal : pourquoi l’auteur emprisonné est au cœur des tensions entre la France et l’Algérie ?
Le romancier algérien de 75 ans avait été arrêté samedi 16 novembre. Récemment, le président algérien Tebboune l'a qualifié "d'imposteur" envoyé par la France.
L’arrestation de Boualem Sansal, écrivain franco-algérien critique du régime d’Alger, avait provoqué une onde de choc à la fois sur la scène culturelle et dans les relations franco-algériennes. Retour sur cette affaire complexe, au croisement des enjeux politiques et diplomatiques.
L’arrestation d’un écrivain engagé
Le 16 novembre 2024, Boualem Sansal, âgé de 80 ans, a été arrêté à son arrivée à l’aéroport d’Alger, comme le rapporte Libération. L’écrivain, connu pour ses prises de position critiques à l’égard du régime algérien, a été inculpé pour "atteinte à la sûreté de l’État" en vertu de l’article 87 bis du code pénal algérien : ce dernier assimile des actes subversifs à du terrorisme.
L'arrestation a rapidement suscité des réactions en France, où Emmanuel Macron a exprimé sa "préoccupation" face à la disparition de l’auteur. Selon Le Monde, la naturalisation récente de Boualem Sansal par la France en 2024 a accentué l’attention portée sur son cas. Son comité de soutien a dénoncé un motif d’inculpation "fantaisiste", rappelant l’importance de son œuvre pour dénoncer l’autoritarisme et l’islamisme en Algérie.
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Un écrivain dans le collimateur du régime algérien
Boualem Sansal n’est pas étranger à la controverse. Depuis son premier roman, Le Serment des barbares (Gallimard, 1999), il dénonce la corruption et les violences post-indépendance en Algérie. L’écrivain a souvent fait face à des mesures de répression, perdant notamment son poste de haut fonctionnaire en 2003 pour ses critiques publiques.
Les récents propos de Boualem Sansal dans le média d’extrême droite Frontières, où il évoquait l’annexion de territoires marocains par la France coloniale pour former l’Algérie, auraient exacerbé les tensions. Ces déclarations, perçues comme une remise en cause des frontières algériennes, ont été vivement critiquées par le président algérien Abdelmadjid Tebboune, qui a qualifié l’écrivain d’"imposteur envoyé par la France", d’après Tout sur l’Algérie (TSA).
"Vous envoyez un imposteur qui ne connaît pas son identité, ne connaît pas son père et vient dire que la moitié de l’Algérie appartient à un autre État", le président Abdelmadjid Tebboune.
Un contexte diplomatique tendu
L’arrestation de Sansal s’inscrit dans un climat déjà chargé entre Paris et Alger. Cet été, l’Algérie avait rappelé son ambassadeur en réaction au soutien exprimé par Emmanuel Macron au plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental. Comme le rappelle l'AFP, ce territoire est un point de discorde majeur entre l’Algérie, soutien du Front Polisario, et le Maroc.
En décembre, l’ambassadeur de France à Alger a été convoqué pour des accusations de "déstabilisation", alors que des médias algériens évoquaient des "manœuvres agressives" supposément orchestrées par les services français, selon Le Soir d’Algérie.
Un cas emblématique de la répression en Algérie
L'affaire Boualem Sansal illustre la répression croissante envers les intellectuels et journalistes en Algérie. Comme le souligne Libération, plusieurs écrivains et journalistes ont récemment été arrêtés ou censurés, marquant une dérive autoritaire accrue.
En France, la mobilisation s’intensifie. Antoine Gallimard, PDG des éditions Gallimard, a dénoncé une "non-assistance à personne en danger" face à la détention de Boualem Sansal dans des conditions jugées précaires. L’écrivain, gravement malade, a été transféré dans une unité pénitentiaire de soins en décembre, mais son état de santé reste préoccupant.
Un symbole des tensions entre liberté et répression
L’affaire Boualem Sansal dépasse son cas personnel : elle incarne en revanche la lutte entre liberté d’expression et autoritarisme dans un contexte de rivalités géopolitiques. Alors que l’Union européenne et Emmanuel Macron sont appelés à agir, la pression internationale pourrait devenir un levier crucial pour sa libération.
Comme l'explique Le Monde, Boualem Sansal reste une figure majeure du dialogue entre la France et l’Algérie, malgré les divisions historiques et politiques. Sa situation témoigne de la difficulté pour les intellectuels de naviguer dans des espaces marqués par la censure et les tensions diplomatiques.