Boris Vallaud appelle la gauche à retourner aux "vies réelles" des Français
C'est un petit fromager au bord de la faillite, une femme au chômage qui désespère de retrouver du travail malgré ses diplômes, une mère d'un enfant handicapé confrontée aux obstacles administratifs, une femme interdite bancaire pour un chèque sans provision de 20 euros, un chasseur de palombes qui n'en peut plus d'être "emmerdé": des vies "trop souvent loin des yeux et parfois loin du coeur de ceux qui gouvernent", explique le patron des députés socialistes, dans son livre sous-titré "ces vies que je fais miennes".
"J'ai fait ce livre en ayant le sentiment de la nécessité de m'arracher aux brouillards de l'époque, à la confusion un peu généralisée du débat public", raconte Boris Vallaud à l'AFP.
"Un moment de vérité, d'attention à l'autre"
Celui qui reconnaît avoir "un rapport ambivalent à la politique, elle me fascine autant qu'elle me désespère", raconte ces hommes et ces femmes, ordinaires mais "remarquables", qu'il rencontre dans sa permanence de Saint-Sever. "Je voulais offrir à la politique qui souvent donne le sentiment de ne parler que d'elle, un moment de vérité, d'humanité, d'attention à l'autre", relate-t-il, disant avoir le sentiment d'avoir vu "les gilets jaunes dans ma permanence avant d'en voir sur les rondspoints" et "la colère avant de la voir dans les urnes". Talonné par le RN au premier tour des législatives, il admet avoir eu le sentiment d'une déception amoureuse: "finalement, je les aimais plus qu'ils ne m'aiment".
Les électeurs du RN, "ce sont nos familles, nos voisins, nos amis"
"Une petite blessure narcissique", reconnaît celui qui a finalement été réélu au second tour. Mais "si on en reste là, on n'a rien compris".
Car "à 40, 45% d'électeurs du Rassemblement national, ce sont nos familles, nos voisins, nos amis", dit-il. Pour ses électeurs, "une grande partie de ce que je défends à Paris est à côté de la plaque, à côté de leur vie". "Comment on est arrivé là? Qu'est ce qu'on a raté?", interroge-t-il, persuadé de "la nécessité d'un retour aux choses humaines, aux vies réelles". Le chef des députés socialistes à l'Assemblée insiste sur la distance entre les électeurs et leur représentant: "Beaucoup de gens qui viennent dans ma permanence se posent cette question: est-ce qu'ils savent comment on vit, comment ça se passe, comment ça ne marche pas".
"Colère et incompréhension des électeurs"
Il faut aussi "écouter sans juger". "Trop souvent on donne le sentiment de passer notre temps à juger la façon dont les gens vivent leurs pratiques culturelles, sportives, ce qu'ils mangent, comment ils habitent". De quoi provoquer "colère et incompréhension". De toutes ces vies, Boris Vallaud tente de tirer des leçons: "dans ce que signifie représenter, dans la façon dont fonctionne l'administration, dans les priorités qui peuvent être celles des Français, dans le sentiment que la dignité des uns et des autres n'est pas toujours justement reconnue". Et de raconter la surprise de cette administrée dont il a fait le portrait. "Elle m'a dit 'pourquoi moi, je ne suis pas intéressante'. Cette simple phrase, elle dit tout".
La gauche pour défendre "la fraternité"
Le député n'a pas voulu faire un livre de propositions, ni un livre programmatique. Juste "un temps de restitution, de démonstration de comment on fait de la politique. La politique, c'est une façon d'être à ses électeurs", dit celui qui se sent parfois "travailleur social, écrivain public, défenseur des droits".
Il invite la gauche à "reprendre la bataille des idées" pour aboutir à un projet "fruit d'une expérience humaine", qui défend "la fraternité". Alors que certains s'interrogent sur ses ambitions, au sein du PS ou pour la future présidentielle, Boris Vallaud dit ne pas se poser la question: "Mon livre n'a pas d'autres ambitions que de réconcilier quelques personnes avec la politique et avec la gauche".