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Boris Johnson ne briguera pas la succession de David Cameron

par William Schomberg LONDRES (Reuters) - Favori des bookmakers britanniques mais désavoué au sein même de son parti, Boris Johnson a annoncé jeudi qu'il ne serait pas candidat à la succession de David Cameron, provoquant un coup de théâtre dans la bataille qui s'annonce au sein d'un camp conservateur bouleversé par le vote en faveur du Brexit. Avec ce retrait, la ministre de l'Intérieur Theresa May fait désormais figure de favorite parmi les cinq prétendants pour succéder au Premier ministre britannique, qui a annoncé qu'il démissionnerait d'ici au 9 septembre, tirant les conséquences du vote de jeudi dernier en faveur d'une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, à laquelle il s'opposait. Premier choix des adhérents conservateurs qui sont 36% à la soutenir selon un sondage du quotidien The Times, Theresa May a promis de respecter le verdict du référendum en dépit du soutien qu'elle avait apporté à la campagne en faveur du maintien du Royaume-Uni dans l'Union. "Brexit, cela veut dire Brexit", a-t-elle déclaré devant la presse. "La campagne a été disputée, le scrutin s'est tenu et l'opinion publique a rendu sa décision", a-t-elle poursuivi, tout en jugeant qu'il convenait de ne pas activer la procédure de sortie avant la fin de l'année. Boris Johnson, lui, a annoncé qu'il renonçait à la mi-journée, quelques minutes avant l'heure limite de dépôt des candidatures. "Je dois vous dire, mes amis, vous qui avez attendu plein d'espoir les petites phrases percutantes de mon discours, qu'après avoir consulté mes collègues et qu'à la lumière de la situation au Parlement, j'ai conclu que cela ne sera pas moi", a dit Boris Johnson, provoquant la stupéfaction de ses partisans réunis dans un grand hôtel de Londres. La livre s'est légèrement redressée à l'annonce de l'ex-maire de Londres. "La réaction des marchés est que cela fait de Theresa May la grande favorite, ce qui est moins susceptible de provoquer la confrontation, moins dommageable", a expliqué Marc Ostwald, stratège chez ADM Investor Services. MANOEUVRES Certains élus conservateurs soulignent néanmoins qu'il est bien trop tôt pour sacrer Theresa May. Quatre autres personnalités du Parti conservateur ont fait acte de candidature: Michael Gove, ministre de la Justice, Stephen Crabb, ministre du Travail et des Retraites, Liam Fox, ancien ministre de la Défense venu de l'aile droite du parti, et Andrea Leadsom, secrétaire d'État à l'Énergie et au Changement climatique. Sur ces candidats en lice, deux seulement seront retenus par les députés tories et soumis au vote des membres du Parti conservateur qui devront élire le nouveau leader, et futur Premier ministre, d'ici le 9 septembre. Les perspectives d'une candidature de Boris Johnson s'étaient assombries lorsque Michael Gove a annoncé qu'il ne le soutiendrait pas et qu'il serait lui-même candidat à la présidence du Parti conservateur. Ami proche de David Cameron malgré leurs divergences sur le référendum, Michael Gove avait initialement annoncé qu'il soutiendrait une candidature de Boris Johnson avant d'écrire dans les colonnes de l'hebdomadaire The Spectator qu'il était "à regret parvenu à la conclusion que Boris n'est pas en mesure d'assumer la fonction de dirigeant et de bâtir une équipe pour la tâche qui s'annonce". Selon certains parlementaires conservateurs s'exprimant sous le sceau de l'anonymat, Boris Johnson pourrait avoir été victime de manoeuvres ourdies par des partisans de David Cameron qui n'a pas admis que l'ancien maire de Londres lui tourne le dos pour aller soutenir la campagne du Brexit. "Celui qui vit par l'épée périra par l'épée", a averti l'un des députés. Boris Johnson aurait pris sa décision après avoir compris qu'il avait été lâché dans la nuit par les parlementaires. INCERTITUDES L'ancien journaliste a également dû faire face à une volée de critiques des autres candidats déclarés à la présidence du Parti conservateur, à l'image de Theresa May qui a elle aussi contesté ses capacités de dirigeant dans les colonnes du Times. La ministre se décrit comme porte-drapeau des Britanniques ordinaires et se dit plus à même de comprendre leurs vies que son concurrent, ancien élève de la prestigieuse école d'Eton, comme David Cameron, et issu de la haute bourgeoisie. "Franchement, à Westminster tous ne comprennent pas ce que c'est que de vivre comme ça. Et certains ont besoin qu'on leur dise que ce que fait le gouvernement n'est pas un jeu", écrit-elle. Theresa May a soutenu le maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne mais de manière plus discrète que David Cameron et son ministre des Finances, George Osborne, dont les espoirs de prendre la tête du parti Tory ont volé en éclats après la victoire du Brexit. Le chancelier de l'Échiquier s'est retiré de la course lundi soir. "Je ne suis pas la personne capable d'apporter l'unité dont mon parti a besoin en ce moment", a-t-il écrit dans une tribune publiée par le Times. Le gouverneur de la Banque d'Angleterre, Mark Carney, a déclaré que sa banque centrale devrait sans doute prendre des mesures cet été pour stimuler l'économie après le choc provoqué par le résultat du référendum du 23 juin. Les incertitudes entourant la Grande-Bretagne après le vote pèseront sur ses perspectives de croissance et sur celles du reste de l'Europe et du monde en général, a déclaré jeudi un porte-parole du Fonds monétaire international (FMI). (Julie Carriat, Nicolas Delame et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)