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Le bon bilan climatique de la France est un leurre et voici comment l’améliorer

Les émissions de CO2 en France continuent leur tendance à la baisse, mais les politiques climatiques restent insuffisantes. (Photo: Reuters)
Les émissions de CO2 en France continuent leur tendance à la baisse, mais les politiques climatiques restent insuffisantes. (Photo: Reuters)

Les émissions de CO2 en France continuent leur tendance à la baisse, mais les politiques climatiques restent insuffisantes. (Photo: Reuters)

CLIMAT - Objectif réussi! En apparence seulement. Les émissions de CO2 en France sont en baisse de 3,8% en 2021 par rapport à 2019, s’est félicité le gouvernement le 13 juin. Un succès tempéré par les experts du Haut Conseil pour le Climat (HCC) dans le rapport annuel paru ce mercredi 29 juin. Les scientifiques pointent que cette diminution est surtout le fruit “des impacts de la Covid-19 et de sa gestion, ainsi qu’au relèvement du plafond des émissions du deuxième budget carbone”.

Les politiques publiques mises en place pendant le Covid ont été bénéfiques pour le climat “notamment avec les confinements qui ont entravé les mouvements du quotidien et les émissions des transports associés”, souligne Corinne Le Quéré, présidente du Haut Conseil pour le Climat dans un point presse auquel Le HuffPost a assisté. 

Conséquence de ces mesures, les émissions ont chuté de 7% en 2020, avant  d’augmenter de nouveau de 6,4% en 2021. Un rebond post-covid “partiel” qui permet à la France de rester dans les clous de sa trajectoire d’émissions nationale. Une bonne nouvelle sur le papier, mais les plans français manquent encore d’ambition, jugent les experts du HCC. 

Atteindre son objectif... en l’abaissant

Pour être “dans les clous”, la France ne devait pas émettre plus de 421 millions de tonnes de gaz à effet de serre en 2021 (Mt CO2e). Ce quota est fixé par le gouvernement dans la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC). C’est la feuille de route de la France pour lutter contre le changement climatique. Et justement le ministère de la Transition énergétique s’enorgueillit dans un communiqué: “Le niveau d’émissions de gaz à effet de serre (418Mt CO2e) respecte la trajectoire fixée par la SNBC”.

Mais si le gouvernement a respecté ses engagements, c’est surtout parce qu’il a revu sa copie à la baisse au niveau des exigences début 2020. Le budget carbone de la période 2019-2023 a d’abord été fixé à 398 Mt CO2e, puis à 421 MT CO2e. En clair, si la France n’avait pas adapté son plafond d’émissions, il l’aurait dépassé.

Quand on regarde l’ensemble du quinquennat d’Emmanuel Macron, c’est vrai que les courbes des émissions déclinent et la baisse atteint même 9,6% depuis 2017. Mais cette baisse reste “insuffisante pour nous mettre sur la trajectoire 2030”, ajoute Corinne Le Quéré.

Un train de retard

En effet, les objectifs climatiques de la France ont été rehaussés suite à la loi européenne sur le climat de juillet 2021 et le pays devra doubler sa vitesse de réduction d’émissions en 2030 par rapport à 1990. Cet effort est nécessaire pour maintenirle réchauffement bien en dessous des +1,5°C, comme le préconise l’Accord de Paris.

Pour réduire ses émissions d’au moins 50% d’ici 2030, la France a un train de retard. “Seules 6 des 25 orientations de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) bénéficient de mesures au niveau requis pour l’atteinte des budgets carbone”, indique le rapport du HCC. Quatre orientations sont même totalement en déphasage avec la SNBC, notamment sur les politiques de rénovation des bâtiments ou de développement des énergies renouvelables dans l’agriculture.  Mais alors, concrètement, que faudrait-il faire pour éviter la catastrophe? 

Rien de bien mystérieux, la sobriété est la voie royale vers une diminution drastique de nos émissions. Les experts de ce rapport donnent d’ailleurs quelques pistes pour l’atteindre.

La voie de la sobriété 

D’abord sur la “sobriété des infrastructures”, ils appellent à réfléchir sur l’utilisation de nos bâtiments et l’énergie consommée inutilement (lumières, chauffage) quand ils sont vides. Ils pensent aussi que le secteur industriel pourrait repenser nos véhicules alors que leur taille est souvent “surdimensionnée”.

Les chercheurs appuient également sur l’importance de la “sobriété des usages”, c’est-à-dire notre pouvoir à nous citoyens de faire bouger les lignes. Il faudrait selon eux revoir notre manière de consommer: “Moins de viande et plus d’alternatives végétariennes dans les cantines scolaires”, détaille Corinne Le Quéré. La climatologue insiste aussi sur le contrôle de la publicité qui fait parfois l’apologie de pratiques “très carbonées”.

La sobriété permettrait aussi à la France de mieux faire face aux chocs externes, comme une guerre ou une sécheresse, expliquent les scientifiques du HCC. Aujourd’hui, la guerre en Ukraine couplée à des chaleurs précoces mettent en tension notre système énergétique. Baisser l’offre et la demande d’énergie sur le long terme aurait l’avantage d’atténuer les pénuries lors de ces périodes d’urgence. Et pour prendre le tournant de la sobriété, le HCC rappelle qu’il faut soutenir financièrement les ménages les plus précaires.

Quoi qu’il arrive le changement climatique est déjà là et la France n’est pas prête à en subir les effets, arguent les membres du HCC qui relèvent dès à présent une intensification des chaleurs extrêmes, des littoraux grignotés, des sécheresses, et des pluies extrêmes. S’adapter à ces phénomènes nécessite des politiques d’adaptation radicales qui ne sont pas encore à l’agenda du gouvernement.

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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