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BNP, menacé d'une amende record aux Etats-Unis, a chuté en Bourse

BNP Paribas est lourdement sanctionné ce vendredi à la Bourse de Paris, au lendemain d'une information du Wall Street Journal selon laquelle la justice américaine réclamerait plus de 10 milliards de dollars (7,35 milliards d'euros) à la banque française. /Photo prise le 30 mai 2014/REUTERS/Charles Platiau

par Alexandre Boksenbaum-Granier et Jean-Baptiste Vey PARIS (Reuters) - BNP Paribas est tombée à un plus bas de huit mois et demi vendredi à la Bourse de Paris, où la valeur a accusé l'une des plus fortes baisses du CAC 40, au lendemain d'une information du Wall Street Journal selon laquelle la justice américaine réclamerait plus de 10 milliards de dollars (7,35 milliards d'euros) à la banque française. D'après le Wall Street Journal, qui cite des sources proches des négociations, la justice américaine veut pousser BNP Paribas à payer plus de dix milliards de dollars pour solder l'enquête en cours sur des soupçons d'infraction aux sanctions contre l'Iran et plusieurs autres pays. Cette amende constituerait l'un des montants les plus élevés jamais infligés à une banque, selon le quotidien américain précisant que l'établissement cherche à limiter cette amende à moins de huit milliards de dollars. L'action BNP Paribas a reculé de 2,43% à 51,37 euros, après être tombé à 49,445 euros (-6%) en matinée, dans des volumes ayant représenté 3,6 fois ceux réalisés en moyenne sur une séance complète au cours des trois derniers mois sur NYSE Euronext. L'indice phare de la place de Paris, le CAC 40, a perdu 0,24% dans des volumes équivalant à 1,1 fois leur moyenne quotidienne habituelle. La valeur a accusé le recul le plus marqué des banques européennes, dont l'indice sectoriel Stoxx cède 0,22% en clôture provisoire. RISQUE SUR LE RATIO DE SOLVABILITÉ Interrogée par Reuters, la Banque de France a indiqué suivre ce dossier avec la plus "extrême" attention, tout en indiquant que des négociations étaient toujours en cours. "Le ministre des Finances et les autorités de supervision du secteur bancaire se tiennent régulièrement informés de l'évolution de la situation", ont de leur côté fait savoir les services du Premier ministre. BNP Paribas s'est en revanche refusée à tout commentaire. "Il semble qu'une amende de cette taille pourrait ramener son ratio de capital en dessous de 10%. Ce n'est pas une bonne nouvelle à l'approche des stress tests, que BNP ne peut pas se permettre de rater. Une augmentation de capital serait une solution envisageable", estime Yohan Salleron, gérant chez Mandarine Gestion. Le montant de l'amende ainsi évoqué représente environ 15% de la capitalisation boursière de la banque à la clôture de la Bourse jeudi soir. Selon les analystes de la Société générale, dans l'hypothèse d'une amende de 10 milliards de dollars, le ratio de solvabilité Core Tier 1 de BNP Paribas serait affecté d'environ 100 points de base (pdb), par rapport au niveau actuel de 10,6%, et chaque palier d'un milliard de dollars d'amende aurait un impact de 12 pdb sur ce ratio. La valorisation de BNP Paribas est tombée vendredi à un peu moins de 64 milliards d'euros en Bourse. "EFFETS DÉSASTREUX" "C'est un montant nettement plus élevé que les chiffres qui circulaient jusqu'ici et on a l'impression qu'il grossit sans cesse", s'inquiète un vendeur actions en poste à Paris. Il y a deux semaines, des sources proches du dossier avaient dit à Reuters que la banque discutait du paiement d'une amende de plus de trois milliards de dollars. Et fin avril, BNP Paribas avait dit que ce litige avec les autorités américaines pourrait se traduire par une pénalité supérieure à une provision de 1,1 milliard de dollars déjà constituée fin 2013. Des analystes estiment que les effets pourraient être "désastreux" pour l'activité de BNP Paribas aux Etats-Unis. "Nous voyons cela comme un risque plus important pour BNP que pour Credit suisse (...) car BNP est confrontée à la possibilité d'une perte temporaire de sa capacité à traiter des paiements à New York", souligne dans une note Morningstar. "Les clients seraient obligés de trouver une autre entreprise pour traiter leurs paiements et certains pourraient ne jamais revenir", ajoute Morningstar. Credit Suisse a été condamné à payer plus de 2,5 milliards de dollars (1,8 milliard d'euros) d'amendes et de pénalités après avoir plaidé coupable de complicité d'évasion fiscale aux Etats-Unis. Mais les autorités de régulation de New York ont décidé de ne pas retirer la licence de la banque suisse valable dans l'Etat. La question de l'étendue des pouvoirs des autorités américaines suscite également l'étonnement de plusieurs observateurs. "BNP n'est pas une banque américaine, et les activités qui lui sont potentiellement reprochées n'ont pas eu lieu aux Etats-Unis", remarque Frederick T. Davis, avocat chez Debevoise & Plimpton à Paris et ancien substitut du procureur fédéral aux Etats-Unis. Si BNP Paribas finit par plaider coupable, cela devrait intensifier le débat en France et dans le reste de l'Europe de l'impartialité des procédures pénales américaines, estime l'avocat. (Avec Matthieu Protard et Julien Ponthus à Paris et Lionel Laurent à Londres, édité par Jean-Michel Bélot)