Le complot iranien de Washington : trop beau et gros pour être vrai?

Pour un complot, c'est un complot. On croirait un film série B d'Hollywood. Vous savez le genre, dont les auditoires sont si friands, qui met en vedette des «gros bras, pas de tête» où on compense la nullité du scénario par des explosions spectaculaires.

Deux agents iraniens, dont un était un vendeur d'automobiles usagées au Texas depuis 25 ans, contactent un dirigeant de cartel mexicain pour faire assassiner l'ambassadeur saoudien aux États-Unis et faire sauter les ambassades d'Arabie saoudite et d'Israël à Washington. On lui offre un million et demi de dollars pour recruter les tueurs à gages et exécuter le contrat. Coup de théâtre les deux crétins ont fait affaire avec un agent secret américain qui les a bernés et s'est fait envoyer cent milles dollars d'Iran.

L'administration Obama accuse formellement le gouvernement iranien d'être derrière la présumée conspiration réalisée par les forces d'élite Qods des gardiens de la révolution.
De nombreux analystes sont frappés par le caractère hautement improbable du complot tel que décrit. La témérité même de la tentative d'assassinat aux États-Unis soulève des doutes quant à savoir si les religieux conservateurs au pouvoir à Téhéran, d'ordinaire méticuleusement prudents, ont soutenu ou même connu l'existence du complot aberrant.

Pas que l'Iran n'hésiterait un seul instant à commettre un tel crime pour se venger des Américains et des Israéliens. Au cours des dernières années, l'Iran a été la cible d'attentats terroristes pour paralyser son programme nucléaire. Quatre scientifiques iraniens liés au programme ont été abattus par des tueurs inconnus, un autre a échappé de justesse à un attentat à la voiture piégée. Les installations nucléaires ont été endommagées par le ver informatique, Stuxnet, créé par les Israéliens avec l'aide des États-Unis.

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C'est la méthode employée pour réaliser le complot qui paraît d'une audace aussi stupide qu'inutile. Un ancien de la CIA, Philip Giraldi, considère l'histoire invraisemblable. Il ne comprend pas comment un complot prétendument sophistiqué impliquerait des membres d'un cartel de drogue mexicain. «Cela n'a tout simplement pas de sens.» Un autre ancien espion, lui aussi de la CIA, Robert Baer, auteur de plusieurs livres sur l'Iran, a estime que le complot tel que décrit «serait une manifestation incroyable d'incompétence de la part des services iraniens.»

On peut, par exemple, trouver singulièrement idiot que les deux Iraniens discutent ouvertement du complot dans des conversations téléphoniques entre l'Iran, les États-Unis et le Mexique et se fassent transférer des sommes d'argent, facile à retracer, d'Iran aux États-Unis.

Mais, la question fondamentale est de savoir pourquoi les services iraniens, qui peuvent compter sur des milliers de fanatiques religieux disposés à assassiner et à se suicider sur ordre, voudraient-ils sous-traiter un assassinat aussi névralgique à des tueurs à gages mexicains pas exactement connus pour la subtilité de leurs méthodes? Un chiite extrémiste l'aurait fait gratuitement et se serait éliminé lui-même, laissant un minimum d'indices.

On verra bien si les preuves qui sous-tendent les accusations américaines sont solides.

Si le parrainage officiel iranien est prouvé, que peuvent faire les États-Unis ? Hillary Clinton affirme que le complot va permettre d'adopter de nouvelles mesures contre l'Iran déjà frappé par une multitude de sanctions. Il n'y a plus tellement de mesures punitives possibles autres que militaires.

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Attaquer l'Iran offre des avantages certains aux Démocrates. Cela ferait oublier aux Américains leurs déboires économiques actuels, marginaliserait les Républicains à un an des élections et donnerait au lobby pro-israélien, qui les finance largement, ce qu'il réclame depuis des années.

L'administration Obama cherche peut-être le casus belli.