Obama l'Israëlien



Quand son avion s’est profilé dans le ciel d’Israël mercredi matin, les choses étaient claires. Obama venait en Israël pour une opération de charme, de reconquête et c‘est vrai qu’il partait de loin.


En 4 ans, ses relations avec Netanyahou avaient touché le fond. Un jour en aparté avec Sarkozy, Obama avait traité Bibi de menteur maladif. Un autre, il l’avait planté lors d’une visite à Washington, le laissant dîner seul histoire qu’il réfléchisse à geler les colonies. Bibi avait réfléchi et au retour avait donné les tractopelles à Jérusalem-Est. Bibi l’Israëlien n’aimait pas Barack l’Américain, et priait même pour que Mitt Romney soit élu à la place de ce président trop arrogant. Et puis Obama a été réélu.

Pour le premier voyage à l’étranger de son second mandat, le président américain a donc choisi Israël et décidé de sortir le grand jeu. Sourires, tapes dans le dos, des Bibi par-ci, des Bibi par-là, des blagues sur "nos femmes qui sont bien plus belles que nous" sur le tarmac de l’aéroport de Tel Aviv : le charme d’Obama opère. Mais Netanyahou attend plus et il va l’avoir. Mercredi soir, Obama prononce les mots tant désirés : "Je ne m’attends pas a ce que le premier ministre prenne une décision concernant la sécurité de son pays en s’en remettant à un autre pays". Bibi rayonne.

En fait d’amabilité, Obama a carrément changé le cap de sa politique. Oublié le discours du Caire, la main tendue au monde arabe, et l’impartialité affichée des Américains dans cette région du monde. Obama est à 100% derrière Israël, et il l’est dans le dossier le plus sensible du moment : le nucléaire iranien.

Flash back. Devant l’Assemblée générale des Nations unies, Netanyahou tente de convaincre le monde que le programme nucléaire iranien n’a qu’un seul objectif : doter Téhéran de la bombe atomique. Il sait qu’il est encore bien seul, que la plupart des pays occidentaux pensent qu’une solution diplomatique est préférable quand soudainement il marque une pause, et lance l’opération "paperboard" !

Là, sorti de sous le pupitre, un dessin presque enfantin : une bombe comme on en dessine dans les comics, avec une mèche. "Ca c’est la bombe atomique iranienne", explique le premier ministre israélien.  "Aujourd’hui, l’uranium nécessaire à cette bombe est enrichi à 25 % mais tout s’accélère. Quand l’enrichissement atteindra 80%, ce sera trop tard". Alors Netanyahou sort un marqueur et trace une ligne rouge. "Cette ligne rouge, je ne laisserai pas les Iraniens la dépasser", prévient-il. "Il faut intervenir militairement avant et j’évalue le moment critique à la fin du printemps, début de l’été". En gros en juin.

Dans la foulée la Maison blanche fait tout pour expliquer aux Israéliens que bombarder les installations nucléaires iraniennes seraient la pire des options. Un risque d’embrasement de toute la région. Mais le Mossad apporte des éléments qui confortent Netanyahou dans sa conviction. La bombe iranienne est en marche. A Jérusalem jeudi soir, Obama a donc rompu la digue. Il a donné le feu vert qu’Israël attendait. Washington ne s’opposera pas à des frappes sur les installations nucléaires iraniennes. Obama l’allié raisonné est devenu Obama l’ami.

Les grands perdants de ce voyage d’Obama sont en Cisjordanie. Les Palestiniens modérés, ceux qui se battent sans missile, réclament légalement un Etat. Mahmoud Abbas a reçu un Obama qui s’est contenté de répéter le b.a.-ba de la diplomatie occidentale,"deux peuples deux Etats". Pour le reste, mettez-vous autour d’une table et discutez ! Sans préalable.

Pendant ce temps, les colonies continuent de s’agrandir, rognant ce territoire qu’il faudra partager pour faire la paix. Les Palestiniens demandent l’arrêt des bulldozers, l’arrêt de la politique du fait accompli comme geste d’apaisement. Mais la réponse est non. Pas de préalable.

Obama reparti,  les colonies vont continuer de s’étendre. Dans le nouveau gouvernement Netanyahou, formé l’avant-veille de l’arrivée du président américain, dans tous les ministères stratégiques (logement, défense, affaires étrangères, commerce, patrimoine et tourisme) on trouve des hommes favorables à la colonisation. Des ministres qui au fond d’eux considèrent que la terre d’Israël ne se partage pas. Et à ceux-là, Obama n’a rien trouvé à redire.