Publicité

Avec "Blackbird", le réalisateur de "Notting Hill" essaye de faire oublier "Notting Hill"

Susan Sarandon dans
Susan Sarandon dans

Que faire une fois qu’on a signé un classique indépassable et indémodable? Cette question, Roger Mitchell, le réalisateur de Coup de foudre à Notting Hill, se la pose chaque jour. Depuis 1999, il a tout fait pour fuir ce film qui l’a rendu célèbre, au risque de l’enfermer dans une case. "C’est un agréable problème", concède-t-il. "Cela ne m’irrite pas. Je suis très reconnaissant d’avoir pu faire un film si charmant qui continue d’apporter du plaisir au public. Je pense juste que je serais triste si c’était l’unique film pour lequel on se souvenait de moi - mais dans son genre c’est un excellent film."

Et pour cause. Ancien de la Royal Shakespeare Company, où il a débuté avec Sam Mendes et Danny Boyle, Roger Mitchell a dirigé des légendes du 7e Art comme Harrison Ford, Diane Keaton, Peter O'Toole ou encore Bill Murray. Il a aussi réalisé des thrillers (Dérapages incontrôlés avec Ben Affleck, Délires d’amour avec Daniel Craig), des drames sentimentaux (The Mother, aussi avec Craig), des films historiques (Week-end royal, avec Bill Murray) et a même succombé une nouvelle fois à la comédie romantique (Morning Glory avec Rachel McAdams).

Son dernier film, Blackbird, au cinéma le mercredi 23 septembre, est un drame bouleversant. Susan Sarandon y joue une femme atteinte d’une maladie incurable qui décide de réunir sa famille (son mari Sam Neill, sa fille Kate Winslet) le temps d’un dernier week-end où elle se donnera la mort, préférant prendre son destin en main plutôt que de laisser la maladie dégénérescente dont elle souffre la réduire à un état végétatif.

https://www.youtube.com/embed/Gc_cTLlExU4?rel=0

D’une manière assez troublante, ce huis clos fait écho à cette année particulière où chacun s’est senti piégé chez lui et a dû ruser pour libérer son esprit. "Il est étrangement raccord avec ces temps étranges où nous passons tant de temps avec nos familles", acquiesce le réalisateur. "C’est l’histoire d’une famille qui à cause d’une isolation forcée secoue ses habitudes et ses certitudes pour aller un peu mieux." Roger Mitchell le fait ressentir à travers une mise en scène très précise qui réunit ses huit acteurs dans le même plan, et un montage aussi tranchant qu’une lame de rasoir.

Des histoires d’amour qui sortent des sentiers battus

Surnommé "le roi de la comédie romantique" par The Times, Roger Mitchell est considéré comme l'un des meilleurs pour diriger deux comédiens et en faire à l’écran un couple crédible et aimant. Comme si Blackbird était une suite non officielle de Notting Hill, Sam Neill et Susan Sarandon jouent à la perfection un couple uni depuis plusieurs décennies par un amour indéfectible.

"C’est le grand bonheur d’un réalisateur de permettre à ses acteurs de briller, de les diriger de sorte qu’ils apparaissent vrais, pour que le public puisse s’identifier", glisse-t-il. "C’est une question de mettre à l’aise les comédiens. Ils puisent beaucoup dans leur intimité pour leurs personnages. Ce n’est pas une transformation. Ils nous autorisent à voir une part de leur âme." Roger Mitchell s’est rendu compte récemment qu’il avait passé sa carrière à filmer des histoires d’amour et de couples qui tombent amoureux ou doivent apprendre à le rester.

"Les histoires d’amour sont effectivement un aspect récurrent de mon travail, mais je n’en avais jamais été conscient de cela, et cela n’a jamais été un critère pour choisir les films que je voulais réaliser. Cela doit me tourmenter dans un coin de ma tête, comme une démangeaison, et c’est ce qui fait que je retourne régulièrement à ces histoires d’amour compliquées. Un amour qui est soit compromis, comme dans Blackbird, soit peu ordinaire, comme dans Notting Hill. Ce sont ces histoires qui sortent des sentiers battus qui m’intéressent le plus. Je n’ai pas de formule. J’essaye d’être ouvert à tout ce qu’on me propose en évitant, j’espère, de faire toujours le même film."

"Il y avait beaucoup de pressions pour Notting Hill"

C’est dans cet état d’esprit qu’il avait mis en scène Coup de foudre à Notting Hill, en s’imposant le moins de règles possible. "Ce n’était pas un tournage facile", se souvient-il. "Il y avait beaucoup de pression. Quatre mariages et un enterrement avait été un grand succès et je savais que Notting Hill devait le surpasser, ou le film serait considéré comme un échec. Ce n’était que mon deuxième film et j'ai ressenti cette pression. C’est un film où j’ai dû tourner beaucoup, beaucoup de prises et être très créatif dans la salle de montage."

https://www.youtube.com/embed/Ce_BXD_ONQ8?rel=0

C’est aussi un film pour lequel il a dû composer avec la technologie balbutiante des effets spéciaux numériques, notamment pour réaliser le fameux plan séquence où Hugh Grant arpente le marché de Portobello Road pendant que les saisons défilent derrière lui. La scène, mythique, a aussi une dimension personnelle: c’est à cet endroit que Roger Mitchell a grandi. "Quand j’étais très jeune, et que j’avais environ 25 ans, j’habitais à côté de Portobello Road, non loin de ce marché. C’était très amusant de pouvoir filmer les maraîchers à qui j’avais acheté des pommes de terre vingt ans auparavant, quand je n’avais pas un rond."

Tout le relie à ce film et à ce quartier londonien et il ne cesse d’y retourner. En 2003, il y a filmé The Mother, avec Daniel Craig. Il y raconte une autre histoire d’amour, mais cette fois-ci entre un trentenaire et une grand-mère, et y montre surtout un Notting Hill plus réaliste, plus prolétaire et très éloignée de l’image ensoleillée de son classique de 1999.

De Notting Hill à James Bond

Roger Mitchell a failli être connu du grand public pour un autre film que Coup de foudre à Notting Hill. En 2006, il a été embauché pour réaliser Quantum of Solace, la deuxième aventure de James Bond de l’ère Daniel Craig. La pré-production s’est vite révélée un cauchemar:

"Il n’y avait pas de scénario! Les jours passaient, la date du début du tournage approchait et on n’avait rien! Je me suis rendu compte que je ne voulais pas faire un film dans un environnement aussi chaotique, comme c’est souvent le cas pour les James Bond. J’avais besoin de temps et il n’y en avait pas: la grève des scénaristes se profilait! J’ai donc décidé que c’était meilleur pour ma santé de quitter le projet. Ce qui est dommage. Je le regrette aujourd’hui, bien que ce soit à l’époque la meilleure décision que je pouvais prendre."

Il n’est pas retourné pour autant à Notting Hill. Il a préféré naviguer de genre en genre. Alors que Blackbird sort sur les écrans français, Roger Mitchell a déjà terminé sa dernière création, The Duke, avec Helen Mirren, dont la sortie est annoncée pour novembre au Royaume-Uni. Pour la suite de ses aventures cinématographiques, il est comme le reste du monde, suspendu à la création d’un vaccin, mais avec une pointe d’optimisme, comme dans toute bonne comédie romantique: "Tout ceci va disparaître comme un cauchemar. On se souviendra de cette période en rigolant."

Article original publié sur BFMTV.com